Ken Loach n’a pas l’habitude de faire dans la dentelle dans des films toujours aussi engagés. Il réédite le coup de la peinture sociale déshumanisante où des personnages lambdas se battent contre des moulins à vent pour améliorer leur quotidien sans pourtant y parvenir. Sorry we missed you, en plus de donner un gros coup de blues, cible pêle mêle le système des franchises, les difficultés qu’ont les parents à éduquer des enfants livrés à eux-mêmes, le lien social distendu à l’intérieur des entreprises et le piège qui se referme sur une population livrée à elle-même. Ca fait beaucoup mais le résultat est là, le spectateur se demande comment cela va bien pouvoir se terminer.
Pas d’espoirs pour les plus vulnérables
2 parents, 2 enfants, une mère aide à domicile, un père qui trouve un emploi de livreurs de colis à la mode Uber, en mode franchise, sans les avantages mais avec tous les inconvénients. Le combat est quotidien pour lui, il doit faire ses preuves sans se plaindre mais il est dur au mal. Les deux enfants voient trop peu leurs parents et se guident à la lumière de leur seule bonne volonté. Ken Loach se cache derrière cette histoire très réaliste qui dévoile un quotidien jalonné de petits exploits à réaliser pour garder le cap. Le bateau tangue mais avance cahin caha. Mais cette fois-ci, le réalisateur choisit de n’offrir aucune porte de sortie à ses personnages, et le spectateur ressort de la salle avec un gros cafard, applaudissant son jusque-boutisme. Car pourquoi travestir la réalité de ceux qui sont accablés par les dettes, les horaires impossibles et les difficultés sans jamais se faire aider? Sorry we missed you est un exploit car le ton ultra réaliste laisse à penser que beaucoup vivent la même situation, ce n’est pas seulement extrême pour les besoins du film, c’est un reflet somme toute pertinent d’une situation sociale globale qui ne va pas en s’améliorant. Le travail du père offre de belles perspectives mais au prix d’efforts constants qui ne permettent aucune baisse de régime. Alors quand son fils vit une crise d’adolescence carabinée, le destin tourne pour toute la famille et la bonne volonté ne suffit plus, il faudrait un peu de chance, mais la chance ne tourne pas. Tableau social réel, effet bœuf sur les spectateurs. Laissant à penser que rien n’est acquis et que s’endormir sur des doux rêves ne doit pas faire oublier de rester vigilant car cette société pourrait vous faire faux bond, sans prévenir ni s’excuser.
Sorry we missed you s’inscrit dans cette veine de films sociaux qui ne laissent pas indifférents. Les personnages sont crédibles, si crédibles. Un film à voir mais il faut prévoir un bon moral pour ne pas se faire emporter tout en bas du puit.