Il est amusant de voir le parcours de Denis Villeneuve à travers les années, encore plus dans son parcours américain. Enchaînant dans les années 2010 des films à la lisière du grand public et des titres d’auteur, le réalisateur québécois sort en 2017 Blade Runner 2049, suite d’un monument de science-fiction qui parvient à prolonger aussi bien ses thématiques que celles du film original. C’est pourtant 4 ans plus tard, avec Dune, que le metteur en scène trouve un statut grand public, le succès du film dans une période encore marquée par les soubresauts covidiens et l’incertitude entourant les salles se révélant comme un facteur positif pour les salles. Mais au-delà de cette réussite populaire largement méritée, on était en droit de se demander ce que Villeneuve pouvait offrir dans la suite annoncée du film, le premier opus n’adaptant que la moitié du roman original de Frank Herbert.
Et nous voilà face à cette deuxième partie, confirmant l’ampleur du récit par les choix de cadre imposés ici. Le terme « imposer » n’est pas anodin car le héros, Paul, doit se débattre constamment avec un destin qu’on cherche à lui forcer, cellui d’un messie qu’il ne veut pas devenir sous peine de destruction. Le long-métrage rappelle directement cette forme de regard extérieur par son introduction, comme si le récit à nouveau ne pouvait jamais appartenir à son personnage principal par son rôle et ses capacités. Denis Villeneuve reprend alors tout ce qui faisait la force visuelle de sa première partie pour mieux écraser ses personnages sous le poids des récits et des paroles, celles-ci véhiculant des légendes vues par certains comme espoir libérateur, pour d’autres comme un moyen de manipulation sur la durée.
On se voit alors passionné par la densité narrative du film (reprenant à son compte l’essence thématique du livre) tout en ne semblant jamais broyé lui-même par la charge qu’il doit porter. Au contraire : si la durée approche des 3 heures, la façon dont les rouages du destin s’enchaînent captive amplement, tout en interrogeant justement sur sa manière de dévier subtilement des codes de pareils récits. Le spectacle, aussi explosif soit-il (surtout dans sa dernière partie), surenchérit d’autant plus sur les intentions réflexifs de pareil blockbuster, dont la sortie ne peut que se lier à certaines actualités renvoyant l’homme à sa propre nature belliqueuse.
Dune, deuxième partie s’avère alors une grande réussite, enrichissant les bases posées par son prédécesseur dans des réflexions bien plus sombres qu’il n’y paraît, avec une crainte sourde qui nous permet de mieux interroger son statut de divertissement populaire et de réappropriation de codes. Il en sort un film définitivement fascinant, d’une beauté visuelle renversante tout en étant d’une richesse narrative particulièrement prenante. Au vu de l’envie de son réalisateur de porter Dune : Messie sur grand écran, on peut se dire que Denis Villeneuve s’est définitivement installé parmi ces réalisateurs ayant su allier œuvres populaires et densité engageante (aussi bien sur le fond que la forme) et sans doute un des meilleurs de sa génération.