Critique : La solitude peut se glisser de différentes manières dans notre quotidien. Parfois, c’est par un sentiment insidieux qui croît en nous. D’autres fois, c’est un souvenir qui ressurgit d’un coup pour mieux rappeler les regrets du passé. Pour la collègue de Donya, le fait que son lit ne puisse accueillir qu’une personne est ce qui permet de visualiser la douleur de la jeune réfugiée afghane. C’est par des petites idées symboliques comme celle-là que le quatrième long-métrage de Babak Jalali, « Fremont », trouve sa force émotionnelle, aussi discrète et subtile que fulgurante.

La somptueuse photographie en noir et blanc véhicule déjà une sensation d’étrangeté, un froid apparent où transparaît d’autant plus la lumière de la connexion humaine. Ici, les petits mots de Fortune Cookies sont moins des messages vides de sens que des appels, vers soi ou vers l’autre. Cette dimension alimente tout le film avec une maîtrise visuelle prenante, le cadre souvent fixe figeant Donya dans ses interrogations. De la simplicité naît la beauté, semble dire le metteur en scène, tant ses choix visuels font toujours ressortir une douceur, pourtant basée sur une douleur réellement marquante. Mais, à l’instar du jeu d’Anaita Wali Zada, ces sentiments sont intériorisés, cherchant le moyen de s’exprimer correctement pour finalement mieux se rétablir et réorienter son chemin de vie.

« Fremont » se mue alors en une ode solaire sur la reconstruction, sans tomber dans le larmoyant ou dans le trop plein humoristique. C’est au contraire un film d’une grande finesse qui se développe par la caméra de Babak Jalali et on peut se féliciter de pareille trouvaille. En effet, que la modestie apparente du film ne vous trompe pas : on est face à un petit trésor d’émotion tout en douceur et en beauté du quotidien, avec une chaleur qui envahit peu à peu l’image pour étreindre notre cœur de spectateur. Ne passez donc pas à côté de ce joli faux petit film : vous risqueriez de passer à côté d’une merveille à la discrétion aussi forte que l’émotivité qui en ressort.

Résumé : Donya, jeune réfugiée afghane de 20 ans, travaille pour une fabrique de Fortune Cookies à San Francisco. Ancienne traductrice pour l’armée américaine en Afghanistan, elle a du mal à dormir et se sent seule. Sa routine est bouleversée lorsque son patron lui confie la rédaction des messages et prédictions. Son désir s’éveille et elle décide d’envoyer un message spécial dans un des biscuits en laissant le destin agir…