Juste la fin du monde, déclinaison anxiogène du Famille je vous hais!

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Xavier Dolan est devenu un réalisateur respecté, récompensé (à Cannes) et pour ainsi dire culte. Déjà. Alors qu’il n’a que 27 ans, chacun de ses films est attendu comme une possible oeuvre magistrale. Pourtant, ceux qui connaissent sa filmographie et ont vu tous ses films savent qu’il ne frappe pas juste à coup sûr. Comment le pourrait il, ce qui n’en fait pas pour autant un mauvais réalisateur, loin de là. Pour un Laurence anyways fascinant, il y a aussi eu le décevant Tom à la ferme ou ce Juste la fin du monde anxiogène en diable. Et puis tout le monde loue Mommy, preuve qu’il y en a pour tous les gouts.

Louis (Gaspard Ulliel) est un écrivain réputé qui revient dans sa famille après 12 ans d’absence. Le déjeuner familial se change en champ de mines, rancoeurs et rancunes ressortent dans un déferlement épidermique de réflexions assassines jamais débitées en dessous de 100 décibels. Loin d’être apaisées et bienveillantes, les retrouvailles se transforment en règlement de comptes.

Un huit clos tendu

Adapté de la pièce théâtrale éponyme de Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde se déroule pour sa plus grande partie dans un huit clos resserré. Cuisine, salon, chambre, voiture, deux ou plusieurs personnages échangent et règlent leurs comptes. L’absence prolongée de l’enfant prodigue a laissé à vif d’indicibles blessures jamais vraiment évoquées. Egos et caractères sont comme agressés par l’attitude taiseuse et apaisée d’un fils/frère/beau-frère trop longtemps silencieux. Le spectateur peut imaginer que Louis était lui-même un pitbull comme son frère Antoine (Vincent Cassel) avant son départ. Mais l’apparition de la maladie l’a radicalement transformé, ce que le retour dans un lieu depuis longtemps oublié ne peut qu’accentuer.

Une mère centrale cannibale

Toute la famille tourne autour de cette mère un peu perchée et interprétée par une Nathalie Baye hélas trop souvent incompréhensible. Depuis la mort du père, rien ne canalise ni n’apaise les membres de la famille. C’est un grand frère complexé, une belle-soeur dans l’étau, une soeur mal considérée, tous se jaugent à l’orée de ce frère parti comme pour échapper à un implacable destin. Et la mère ne résout rien par sa désinvolture perverse. Elle élude les sujets importants pour se concentrer sur des détails qui font mal, donnant le ton d’une lutte sans pitié entre frères et soeurs. Elle semble orchestrer le malaise ambiant, a priori involontairement mais Louis n’est pas dupe… ce sont des réflexes anciens qui s’entretiennent d’eux mêmes.

Un film agaçant

A force de cris et de palabres, le film peut lasser. Aime-t-on se confronter à la violence verbale pendant 1h30? L’ambiance anxiogène met mal à l’aise et finalement agace. Preuve que les acteurs jouent leurs partitions à la perfection. Autant Léa Seydoux que Marion Cottilard ou Vincent Cassel. Ils rayonnent dans ces rôles difficiles et ambigus. Mais le film n’en est pas moins rêche et agaçant. Les cris s’enchainent, la violence affleure à chaque plan. Les sentiments deviennent des pièges pervers qui enserrent ceux censés s’aimer. Mais l’amour est un sentiment douloureux qui s’exprime à coups de critiques et de jugements acerbes.

Au final, Juste la fin du monde ne parvient pas à exprimer autre chose que la force. La sensibilité est oubliée pour un impact puissant sur le spectateur, mais à ne pas répéter trop souvent….