Critique : Les à priori de certaines personnes sur le cinéma les empêchent de découvrir des merveilles du septième art, ce qui est dommageable au vu des clichés qu’ils perpétuent. Ainsi, si on parle d’un réalisateur tchèque ayant tourné son premier long-métrage en noir et blanc, il y aura bien des individus fermés d’esprit qui parleront de prétention cinéphilique et de titres abscons (si tant est qu’ils connaissent le terme). Pourtant, il suffit de plonger quelques minutes seulement dans un film de Frantisek Vlácil pour comprendre la portée intemporelle de ses œuvres et leur magie visuelle. L’éditeur Artus continue ici de distribuer ses films en se concentrant sur ses deux premiers, « La colombe blanche » et « Le piège du diable ».

Commençons par le premier, également le premier long-métrage du réalisateur. Très rapidement, on constate dans la gestion du noir et blanc une volonté presque surréelle, conférant au récit des tonalités de conte. Il en sort une forme de féérie du réel où l’urbanisme des décors appelle à une croyance, bien portée par une narration condensée et surtout visuelle. On se laisse alors emporter par une mise en scène toute en poésie et se voyant allégories multiples, dans un regard qui espère dans la nature humaine tout en constatant ses contours moins appréciables avec une beauté à la précision hors pair mais jamais trop froide (et ce, rappelons-le, alors qu’il s’agit de la première réalisation de Vlácil).

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Le deuxième titre proposé, « Le piège du diable », va accentuer cette fascination pour son cinéma avec une approche médiévale soutenue. Première partie d’une « Trilogie historique » qui continuera avec « La vallée des abeilles » et « Marketa Lazarová » (également proposés par Artus et aussi réussis), le film joue de ses décors quasi vides et renvoie à une solitude humaine accentuée par la place de la religion. L’atmosphère qui s’y développe va dans une étrangeté une nouvelle fois captivante par sa sécheresse morale et des visuels (faussement) crus. Cela permet également à l’auteur de développer une nouvelle allégorie politique assez tranchante, le tout avec une photographie toujours aussi admirable près de 63 ans après sa sortie.

Si on ajoute à ça le travail toujours qualitatif d’Artus pour mettre en avant ses éditions avec des masters 2K restaurés et un combo Blu-Ray/DVD qui fait toujours plaisir, on ne peut que vous pousser à vous jeter sur « La colombe blanche » et « Le piège du diable ». Ce sont deux merveilles de cinéma qui poussent à prolonger la découverte de la filmographie de Frantisek Vlácil et rappeler que les grands films se doivent d’être soutenus, même quand ils sortent d’un cadre que se fixent faussement certaines personnes quand il est question de septième art.

Résumés :

La colombe blanche : Au nord de la Belgique, un lâcher de pigeons voyageurs est organisé. Au même moment, sur les bords de la mer Baltique, la petite Susanne attend le retour de sa colombe blanche. Mais l’oiseau a été dérouté par une tempête et se retrouve à Prague, se reposant sur un toit. Un jeune garçon infirme, Michal, tire l’oiseau à la carabine. Pris de regrets, il l’emmène au peintre Martin qui va tenter de le soigner. La guérison de l’oiseau ira de pair avec celle de Michal, tandis que Susanne, ne le voyant pas revenir, se met à dépérir.

Le piège du diable : Moravie, fin du XVIe siècle. Entre deux ravages des troupes suédoises et des périodes de sécheresse, le meunier Mlynár jouit d’une certaine popularité auprès des habitants de son pays. Il est serviable, et a, en outre, le don de trouver les sources. Le régent Valce, jaloux de la position du meunier, va faire courir des rumeurs sur ce dernier : il ne peut qu’être épaulé par le Diable. De plus, il va mandater un prêtre, Probus, afin de mener une enquête sur lui et sa famille.