Critique : Après des retours euphoriques et de multiples récompenses, le nouveau long-métrage de Kleber Mendonça Filho débarque enfin dans nos salles et, il faut le dire, le résultat passionne par sa façon de ne pas tomber dans des chemins attendus. Ainsi, « L’agent secret », s’il est bien ancré dans le thriller et dans une paranoïa ambiante, joue de divers genres et autres tonalités avec une aisance qui touche à un rapport mémoriel passionnant. Il y a d’abord la ville de Recife, reconstruction des souvenirs du réalisateur, vivant par son traitement de rues, sa luminosité et sa variété d’habitants qui finissent par tourner de près ou de loin autour de Marcelo (Wagner Moura, exceptionnel comme d’habitude).

C’est surtout dans sa façon de traiter le rapport à l’événement et au souvenir que le film parvient à exploser différemment, parvenant à lier passé et présent dans des résonnances qui ne peuvent que se raccrocher à l’actualité du pays. Ainsi, la ville plonge vers « Les dents de la mer » à la suite d’une jambe retrouvée dans le corps d’un requin, les témoignages se voient transmis encore et encore à travers les années tandis que chacun essaie de recoller les pièces du puzzle narratif. Le long-métrage prend ainsi son temps pour installer son récit et jouer sur l’attente d’un spectateur qui sent pourtant une atmosphère différente, notamment par une séquence d’introduction qui touche à une étrange inquiétude qui ressurgira tout au long du film.

Il nous faudra encore des visionnages pour appréhender l’entièreté de « L’agent secret » mais c’est justement pour cela que le film nous a épris. Ainsi, Kleber Mendonça Filho réussit à charrier tant de choses, de tons, de genres et d’approches dans une œuvre marquée par la mémoire, essentielle, primordiale dans une période où l’on oublie trop facilement les erreurs du passé. Voilà donc un long-métrage qui est indispensable pour toute personne cherchant à retrouver par le souvenir l’importance du monde, aussi bien dans sa globalité que dans ses drames plus intimes.

Résumé : Brésil, 1977. Marcelo, un homme d’une quarantaine d’années fuyant un passé trouble, arrive dans la ville de Recife où le carnaval bat son plein. Il vient retrouver son jeune fils et espère y construire une nouvelle vie. C’est sans compter sur les menaces de mort qui rôdent et planent au-dessus de sa tête…