Les amateurs de science fiction connaissent parfaitement le célébrissime film Blade Runner. Le chef d’oeuvre de Ridley Scott traverse les décennies sans cesser de rassembler de nouveaux fans. L’adaptation de l’ouvrage de Philip K Dick Do androids dream of electronic sheep ne cesse de fasciner par son univers futuriste hautement crédible et son intrigue policière. Et comme tous les grands films, la fin du film prête à débat et si Ridley Scott a récemment livré son avis éclairé, le doute subsiste. Faisons le point. Attention Spoilers. Regardez le film avant de lire l’article!
Résumé:
Los Angeles 2019, le monde est caché dans un épais brouillard de fumées industrielles comme le fog londonien du début du XXe siècle. Conçus pour une durée de vie limitée, des androïdes humanoïdes ont été créés pour assurer les tâches les plus ardues dans les colonies de l’espace lointain et remplacer les hommes quand nécessaire. Mais la faction la plus perfectionnée des répliquants, les Nexus 6, se révolte et revient sur terre pour obtenir une durée de vie rallongée. Deckard est chargé par son capitaine de les retirer du service actif. En d’autres termes, de les éliminer.
Intrigue:
L’enquête menée par Harrison Ford dans son rôle de protecteur de la race humaine est ambigu dès le départ. Défini comme un champion de la chasse aux répliquants, un Blade Runner aux compétences reconnues, il file les 4 Nexus 6 avec une intelligence rare. Il parvient à repérer Zora et à la mettre hors d’état de nuire. De manière assez abrupte car il lui tire dans le dos, sommairement. Pas vraiment un acte d’héroïsme. Et pour la première fois, le spectateur éprouve de la compassion pour ces répliquants chassés comme de vulgaires criminels. Tandis que Zora s’empale sur une vitrine, le spectateur comprend son envie de vivre. Elle ne veut pas mourir et sa fuite est une vaine tentative pour ne pas cesser d’exister… Le deuxième Nexus 6 Léon est abattu concomitamment.
L’esthétique du film a fait école avec ses véhicules en vol géostationnaire, ses omniprésents écrans géants et cette atmosphère constamment obscurcie. Une pluie chimique semble ne jamais cesser de tomber sur des habitants cloués au niveau du sol. L’immense pyramide de la Tyrell Coporation rayonne au milieu d’un environnement urbain abimé et dégradé. Son fondateur a créé les Nexus 6 et semble ne jamais sortir de sa Tour d’Ivoire. Rien ne permet de distinguer les Nexus 6 des autres êtres humains. Ils sont physiquement en tous points ressemblants aux êtres humains et sont doués de raison. Seul un expert en test de Voight-Kampff peut discerner leur caractère artificiel après un long processus de questions/réponses visant à déterminer leur état émotionnel spécifique. Deckard maitrise l’appareil inspiré du détecteur de mensonges.
Le dispositif est très perfectionné. L’appareil mesure les réactions biologiques à des stimuli afin d’évaluer le potentiel d’empathie des répliquants: les variations de la respiration, les variations du rythme cardiaque, la dilatation de la pupille couplée à un petit rougissement et d’autres signaux corporels sont étudiés avec minutie. Ce test permet à Deckard d’identifier un répliquant chez Tyrell, la belle Rachel. Elle ignore être un répliquant car son créateur a incorporé des souvenirs d’autres personnes dans son esprit. Idée terrifiante, Rachel ignore qu’elle n’a pas été un enfant et que tous ses souvenirs sont artificiels. Deckard n’est pas insensible à ses charmes et éprouve de la compassion devant le désarroi de la demoiselle.
Une limite floue entre gentils et méchants
La chasse bat son plein et Deckard recherche les 2 derniers Nexus 6. Pris et Roy Batty sont des adversaires doués d’une rare intelligence. La première était employée comme fille de plaisir dans les colonies spatiales et le second est doué d’une force herculéenne. S’ils parviennent à longtemps se cacher, Deckard finit par les retrouver chez l’ingénieur JF Sebastian pour une lutte finale de toute beauté. Ridley Scott livre un film quasi parfait qui fait admirer son talent de metteur en scène et sa minutie des détails. En quelques images, tous les personnages sont définis dans toute leur ambiguité. Les limites entre gentils et méchants sont floues et se brouillent dans l’esprit du spectateur. Deckard lui même accomplit sa mission sans l’ombre d’une remise en cause. Jusqu’au twist final.
Deckard, répliquant ou pas?
Une question subsiste à la fin du film: Deckard est-il lui même un répliquant sans le savoir? Réussir à débusquer tous les Nexus 6 indique de grandes capacités physiques et intellectuelles, certainement au-dessus de la normale. Le doute apparait. Et puis il y a cette image curieusement persistante de la licorne. Alors qu’il s’assoupit sur son piano, Deckard rêve d’une licorne. L’image ne captive pas démesurément le spectateur, il aurait pu rêver de paquebot ou de rhododendron. Sauf que cette image de licorne revient à la fin du film, le doute n’est plus permis. Le capitaine Bryant, responsable hiérarchique de Deckard et du département de recherche des répliquants rebelles est accompagné de Gaff, personnage indéterminé aux contours flous. Gaff semble avoir une passion pour les origamis, ces pliages complexes de feuilles de papier qui deviennent des formes diverses et variées.
Jusqu’à cet origami à la fin du film… à la forme de licorne. Clairement montré à l’écran, ce morceau de papier semble confirmer les doutes dans l’esprit de Deckard er du spectateur. Gaff semble connaitre le contenu des rêves de l’anti héros Deckard, comme s’il avait participé à sa création. Ce micro détail me semble une belle confirmation de ce qu’est le personnage joué par Harrison Ford. Un répliquant qui s’ignore, à l’appartement rempli de photos anciennes, comme pour empêcher les doutes de germer sur sa propre existence. Quand il rejoint Rachel à la fin du film, la fuite lui semble la seule issue pour ne pas être lui même retirer.
Blade Runner est un chef d’oeuvre incontestable, avec son futurisme révolutionnaire, la musique hypnotique de Vangelis et ses acteurs inoubliables. Si vous ne l’avez jamais vu, c’est le moment. Je me discipline pour regarder le film une fois par an. Dans le but de découvrir quelques nouveaux détails cachés qui pourraient densifier encore un peu plus ce film si particulier. Un film de science fiction si passionnant, il n’y a guère que Stanley Kubrick pour l’avoir réalisé avec son 2001, L’odyssée de l’espace.