Arthur Rambo s’inspire fortement d’une affaire récente qui a fait grand bruit dans le landernau médiatique parisien. La star montante Mehdi Meklat a été identifiée comme le rédacteur de tweets racistes, homophobes et antisémites signée d’un pseudo, à l’opposée de son image publique très comme il faut qu’il entretenait publiquement dans son rôle d’écrivain et de chroniqueur. Laurent Cantet en tire un film à charge où le héros Karim D. tombe de son piédestal du jour au lendemain quand il est identifié comme responsable du compte aux tweets scandaleux signés du fameux Arthur Rambo. Le film fait réfléchir et ouvre une lucarne édifiante sur un système et un personnage.

Une expérience à double tranchant

Laurent Cantet l’avoue lui même, quand il a appris dans la presse cette histoire, il n’en a pas cru ses yeux. L’image proprette du chroniqueur et écrivain était écornée par des écrits scandaleux. Un même personnage, 2 facettes, cette schizophrénie empreint tout le film avec un Karim D. qui tente longtemps de se justifier. Là où tous ses contradicteurs soulignent la violence des mots, lui se cache derrière la liberté l’expression et sa tentative d’une expérience grandeur nature. Le réalisateur est parti d’une affaire médiatique pour échafauder son film, comme pour l’emploi du temps auparavant. Le mode de la fiction s’inspire ici également du réel et confronte le héros à sa famille, ses héros, ses amours et même des quidams dans le métro pour lui faire sentir la portée de son comportement malsain. Se justifiant sur l’autel d’une jeunesse intrépide, lui qui avait débuté ce compte factice des années avant sa célébrité éclair, il souligne sa volonté d’une expérience humaine sans tabou pour cerner les contradictions de la société. Le réalisateur insiste, le film n’est pas un biopic, mais les similarités abondent. L’acteur Rabah Naït Oufella est de retour après ses prestations remarquées dans Entre les murs et Nocturama pour interpréter un personnage qui se dit longtemps incompris sur ses intentions mais qui s’effondre lentement devant le peu de crédibilité de ses arguments. Le film insiste également sur l’absence totale de pitié des médias et des médias sociaux, aussi prompts à encenser un jour qu’à dézinguer le lendemain dans une volatilité à la limite de l’aberrant. Pour le film, le réalisateur n’hésite pas incruster des tweets au cœur de l’action avec des messages tirés du feed d’Arthur Rambo mélangés à des messages scandalisés d’anonymes souhaitant jusqu’à lui faire la peau. La gradation de la violence des messages est progressive, à tous points de vue, jusqu’à le retournement de veste de proches qui ne souhaitent pas côtoyer un individu capable de tant de violence. Le film finit d’ailleurs sur les propos du jeune frère du héros qui critique la gêne de son frère qu’il admire pour son attitude, loin de le condamner, il en fait même un héros, ce qui est d’autant plus ironique à l’échelle du film. Enfin le film laisse entrevoir la méfiance réciproque entre le monde parisien et celui des banlieues, avec une animosité persistante entre les 2, surtout que le monde parisien se sent trahi d’avoir accepté un jeune de banlieue dans son sein après la découverte des tweets d’Arthur Rambo. La banlieue elle se sent méprisée et l’échec de Karim D. semble tout bonnement normal, un retour de baton mérité en somme…

Loin de fournir des éléments tangibles pouvant justifier le comportement de Karim D., le film laisse planer le mystère et montre du doigt des paradoxes qui ont cours dans la société française, l’hypocrisie bien comprise du monde parisien et le manque de perspectives de tous ceux qui se sentent exclus. Et en cela, le film propose une bonne synthèse de la situation, certes un peu outrancière mais pas dénuée de bon sens.

Synopsis: Qui est Karim D. ? Ce jeune écrivain engagé au succès annoncé ou son alias Arthur Rambo qui poste des messages haineux que l’on exhume un jour des réseaux sociaux…