Critique : Il y a de ces films qui nous laissent purement et totalement sans voix. Cela pourra paraître cliché mais le travail de critique exigeant de la sincérité au-delà d’une intellectualité, il faut bien admettre quand des œuvres nous retournent le cerveau comme l’esprit, sans savoir comment verbaliser correctement les sensations qui nous ont été procurées par tel ou tel long-métrage. C’est parfaitement le cas de ce « Resurrection », nouveau film de Bi Gan, dont le rapport mémoriel est incroyablement sensitif et nous emmène en voyage dans un périple sensoriel qui n’hésite pas à exploser constamment, fruit d’une réinvention perpétuelle de sa mise en scène et de sa narration avec un côté clairement vertigineux.
Une fois passé la première partie qui joue la carte de l’hommage cinématographique, le récit se réinvente, défiant constamment les genres et les tonalités avec un aspect surprenant totalement rafraîchissant. On peut être déconcerté par cette approche qui ne prend pas spécialement le public par la main mais ceci participe à l’expérience du long-métrage : une imprévisibilité tout à fait grisante qui n’hésite pas à rebattre ses cartes tout en conservant une cohérence thématique réellement riche. Ainsi, les enjeux émotionnels restent dans un certain fil rouge, entre considérations intimes et artistiques, renvoyant au besoin de créer ou de se retrouver, et ce grâce au langage cinématographique, toujours au plus près de l’humain.

C’est peut-être ça le plus beau trésor de ce magnifique film : en déviant dans sa mise en scène et en n’hésitant pas à prendre des partis audacieux, Bi Gan rappelle l’importance de la caméra comme outil de communication et de partage sentimental. Au-delà de la nature impressionnante de certaines images (parmi les plus belles de l’année), la réalisation joue de la forme pour rappeler à son audience ce qu’elle peut renvoyer de fond émotionnel, cherchant la vie dans chaque plan. Ainsi, le fameux plan-séquence de 40 minutes, plus qu’être techniquement impressionnant, bouleverse car il emporte dans un temps réel, cherchant comment rapprocher au mieux ses personnages dans un cadre fictionnel pour que l’audience traverse dans un certain sens l’écran.
On pourrait palabrer des heures autour de « Resurrection » mais son côté sensoriel vibrant mérite largement d’être vu et revu, sa densité pouvant étouffer un peu lors de son premier visionnage. C’est en tout cas une œuvre qui rappelle l’importance du langage cinématographique et, dans une période où l’on s’interroge sur notre rapport au grand écran et à la « consommation » du septième art, il est essentiel d’avoir des films aussi vivants et renversants que celui-ci.
Résumé : Un jeune homme rêveur se réincarne dans cinq époques. Tandis que le XXe siècle défile, une femme suit sa trace…
