Film à la postérité hasardeuse, If… a marqué son époque. Lors de sa sortie en 1968, les critiques se sont abattues sur le film. Symbole d’une jeunesse révoltée échappant au contrôle de ses ainés, le film a choqué l’establishment et la bonne société. Décrié comme une insulte à la nation, un certain Lord Brabourne l’a considéré comme le scénario le plus maléfique et perverti qu’il ait jamais vu. Les producteurs ont également tenté d’empêcher la sortie du film. Mais peine perdue, le film est finalement sorti avec la Palme d’or 1969 à la clé. Alors tentons de comprendre, pourquoi tant de haine?
Le film se situe dans une institution scolaire britannique indéterminée à l’orée des années 70. Une sorte d’Eton avec ses règle et son cérémonial. La discipline règne dans les couloirs et les ainés attendent un respect inconditionnel de leurs cadets. L’uniforme est de rigueur et les sévices corporels encouragés en cas de manquements. L’objectif est de former la future élite qui dirigera le royaume. Un air d’Old Britannia règne dans l’organisation de l’établissement. La messe est quotidienne, le maniement des armes fait partie de l’éducation et évidemment les élèves instituent des règles entre classes d’âge. Les plus seniors dirigent la petite troupe et des gardes chiourmes appelés whigs veillent à ce qu’aucune règle ne soit enfreinte avec un luxe de passe droits.
Le film décrit une époque éloignée où une pression terrible pèse sur les épaules d’adolescents gorgés d’hormone et de frustration. L’école n’était évidemment pas mixte et les rixes entre jeunes hommes était monnaie courante. Le temps semble s’être arrêté à un époque où l’Empire Britannique dominait le monde, au coeur du XIXe siècle victorien. Les cheveux longs sont proscrits et répondre à un professeur amène une sanction immédiate. Un ordre ancien domine la petite institution de gosses de riches, très blanche, très fortunée et loin d’être pacifique, la preuve…
Et voilà que quelques élèves remettent en cause l’ordre établi de la pire des manières. Il dérobent des armes et criblent de balle les participants à la cérémonie de fin d’année. Juchés sur un toit, ils arrosent copieusement la foule. La métaphore n’est guère subtile mais forte en symbole: la jeune génération veut abroger des règles d’un autre temps et prendre le pouvoir. Comme le vieux lion qui se fait détrôner par un jeune concurrent plus puissant, Malcolm McDowell et ses amis veulent renverser le trône. 1968, la WWII est encore présente dans les esprits et l’uniforme militaire est aussi répandu que l’habit de pasteur. Les images d’un ordre ancien sont prises pour cible.
Le film était du jamais vu à l’époque de sa sortie avec des scènes de nu frontal et un mitraillage en règle d’une honorable assemblée. Inscrit dans des années 60 contestataires et avides de liberté, If… est devenu le symbole d’une époque où les règles antédiluviennes allaient bientôt être balayées à jamais. Fin de l’organisation patriarcale, de la domination de l’église, de la place centrale de l’armée et multiplication des entorses aux règles centenaires avec cheveux longs, liberté sexuelle, mixité. Tout allait être remis en cause pour toujours.
Le film reste formellement classique comme pour signifier le passage de relais entre l’avant et l’après. Un tout jeune Malcolm McDowell sera révélé par ce film et choisi par Stanley Kubrick pour incarner Alex dans l’encore plus scandaleux Orange Mécanique, remisant au placard le déjà daté If… Aujourd’hui, le film est une curiosité à découvrir, comme un reflet de temps anciens que nous n’aimerions pas voir revenir… tout en se demandant si une meilleure organisation a remplacé l’ancienne…