Votre serviteur a déjà vanté à maintes reprises le talent de JJ Abrams pour reprendre des sagas (sur ce site sur Mission Impossible 3 , sur d’autres pour Super 8, Star Trek et Le réveil de la force ). Désormais, il est temps de revenir sur la manière dont il prolonge le travail effectué avec Star Trek Into Darkness .
Lorsqu’un certain John Harrison commet des attentats meurtriers contre Starfleet, le capitaine Kirk et son équipage se voient lancés à sa poursuite. Mais se peut-il qu’ils soient victimes de quelque chose de plus grand encore ?
On connaît la mécanique Abrams, surtout quand on est un fan assidu, comme pour ma part, de son travail. Il suffit de voir comment il a géré la véritable identité d’Harrison, énoncée dans une phrase simple mais forte par un Benedict Cumberbatch des plus charismatiques. Dès sa première apparition (une phrase prononcée hors champ), ce dernier bouffe l’écran avec le talent qu’on lui connaît. Mais pour revenir sur la technique Abrams, on sent rapidement que son Into Darkness va développer un travail émotionnel prononcé. La mort n’est jamais loin, que ce soit par un attentat dévastateur que la caméra appuiera par une photographie rappelant ses raisons, ou bien par les victimes du film, temporaires ou non. Il y a également une manière de jouer sur la nature de « variation temporelle » des épisodes passés, comme cette inversion d’une scène culte de Star Trek 2 . Mais ce genre de clins d’œil est rarement gratuit et ne fait que participer à la force de ce blockbuster. Abrams fait pleinement preuve de son talent pour la maîtrise de l’aspect émotionnel de ses intrigues et ses protagonistes.
Quand on regarde la filmographie du réalisateur, on constate en effet qu’il a su humaniser à de nombreuses reprises des figures pourtant déjà vues dans d’autres récits (cf le travail sur Kylo Ren). Ici, il est donc « amusant » de voir que l’ennemi que devront affronter nos héros est déshumanisé. Il déclarera d’ailleurs être « meilleur » en « tout », soulignant une supériorité certaine face à notre équipage. Pour pouvoir le vaincre, Kirk et Spock devront assumer leur part d’humain, celle qui les rend faillibles. Face à la perfection, c’est prendre en compte ses imperfections qui permet d’avoir une chance de survivre. S’ils sont iconisés à maintes reprises (la séquence de début, clin d’œil aux Indiana Jones ), ils n’en gardent néanmoins pas une part d’humanisme terre à terre. Abrams conservera d’ailleurs cet aspect dans sa mise en scène : que ce soit lors d’une fusillade estomaquante pour le point de vue humain ou une course à pied dans les rues d’un San Francisco futuriste, le réalisateur de Super 8 arrive à alterner grandiose épique et point de vue humain presque minuscule.
Il y a également une nature politique qui semble avoir été oubliée par de nombreux spectateurs et critiques. Il s’avérera en effet que les actes commis ne le sont qu’en réponse à une politique gouvernementale assez répréhensible moralement. Ces attentats trouvent donc une certaine justification morale qui brise le manichéisme simplet qui s’annonçait. On peut même voir en un personnage va-t’en guerre une caricature de nombreuses figures politiques passées (voire actuelles ?) qui ont cherché par tous les moyens à entrer en conflit armé sans chercher à communiquer pour éviter le désastre humain. La scène de l’attentat à Londres appuie donc cette figure « humanisée » du terrorisme : c’est par nos imperfections, nos erreurs, que nous sommes amenés à commettre le pire. Peut-on néanmoins justifier moralement un acte condamnant la vie de nombreux innocents ? Aucune réponse ne nous est fournie, nous sommes seuls face à nos interrogations.
En cela, comme l’USS Entreprise, Star Trek Into Darkness survole le tout-venant Hollywoodien et permet d’asseoir JJ Abrams comme plus qu’un simple artisan, mais comme un véritable metteur en scène, avec sa patte visuelle (les lens flares dont beaucoup se moquent) et scénaristique, partageant tous deux une forme d’émotion si humaine qui fait défaut à nombre de blockbusters imparfaits dans leur « perfection »…