The Room . Voici un film qui a fait chavirer bien des cœurs depuis sa sortie en 2003. Devenu culte après un échec financier conséquent, il est devenu l’objet de séances spéciales provoquant des salles combles et investies dans la projection. Et pourtant,  The Room  est le parfait exemple du nanar. Alors comment a-t-il pu acquérir une popularité aussi forte ?

L’argument principal du film est Tommy Wiseau, personnalité loufoque qui a écrit, produit et réalisé The Room  tout en étant l’acteur principal. Il y incarne Johnny, homme loué par tous pour sa générosité, et pourtant trompé par sa femme avec son meilleur ami, Mark . Ce trio amoureux est censé être la base d’une tragédie moderne avec une touche d’érotisme au gré de quelques séquences. Malheureusement pour Wiseau, il se dégage de ces scènes plus une sensation de lenteur polie que de tension sexuelle, notamment à cause d’un fond musical aussi plat que la mise en scène. On pourrait également aborder la répétition de certaines scènes, comme les rencontres entre Lisa et sa mère basées sur le même schéma. Les dialogues sont aussi naturels qu’une reprise d’Édith Piaf par Jul et n’aident guère des interprètes assez plombés physiquement. Si l’on ajoute à cela des décisions assez saugrenues comme le tournage des scènes du toit sur un fond vert aussi convaincant que ceux des Nouvelles aventures d’Aladin, on pourrait parler d’œuvre médiocre à tous les niveaux.

Et pourtant, c’est cela qui fait le charme de ce long-métrage aussi ressemblant que son auteur. Tout est en décalage avec la réalité et chaque détail rajoute une impression de faux qui en devient sublime (cf ces photos encadrées de cuillères). C’est comme si tout était réuni pour transformer ce qui devait être, selon son créateur, un drame intense en œuvre involontairement comique. Il faut dire que ce dernier, par son jeu approximatif, ne contribue guère à en relever le niveau. Il suffit de voir ses moments de gloire sur internet et le ton avec lequel il lâche certaines phrases pour comprendre la force de The Room .

Mais quelle est celle-ci ? C’est le niveau de médiocrité générale. Au vu du désastre entier qu’est le long-métrage, on ne peut ressentir que de l’affection pour celui-ci. D’un côté, ce projet bien plus coûteux qu’il n’y paraît (six millions de dollars !) a été terminé et ce malgré les nombreux problèmes en coulisse (comme rapporté dans  The disaster artist , livre prochainement diffusé sur grand écran). Et puis, il y a la vision d’un Tommy Wiseau qui cherche absolument à correspondre à un certain moule social. Comme le rapporte Greg Sestero, dans  The Room , Johnny est entouré d’amis et semble mener une vie apparemment parfaite. Mais une fois qu’on y pense plus, sa femme le trompe et lui ment sur sa grossesse tandis qu’il semble s’ennuyer dans un travail inconnu où il ne reçoit guère de promotion. Peut-être est-ce l’image de l’Amérique que veut peindre Wiseau : un aspect idyllique qui ne cache que des failles aptes à mener à l’autodestruction la plus totale.

The Room , derrière sa peinture nanardesque hilarante, cache néanmoins  le drame certain  d’un homme se rêvant auteur mais qui a pris de mauvaises décisions, d’une situation que l’on souhaiterait tous mais qui ne peut être réel et celui d’un film même brisé par des ambitions qui n’ont pu pleinement s’accomplir. Néanmoins, elle dégage la lumière du partage, celle autour d’une œuvre si imparfaite qu’elle attire une certaine compassion, ainsi que celle d’un espoir : si Tommy Wiseau a pu mener à bien  The Room , qu’importe la qualité intrinsèque du projet même, tout le monde peut y arriver…