Elle (3/5) aurait pu être un film de fou. Mais non, il y a beaucoup de bonnes choses, des moments stressants, une vraie ambiguité mais le film ne va pas assez loin. Résumé en 4 constats.
Une Isabelle Huppert toujours parfaite
C’est une évidence, Isabelle Huppert est vraiment une actrice incroyable. Elle sait jouer de ses regards, de ses réflexions, de la tonalité de sa voix pour insuffler une atmosphère. Elle peut dire une phrase de différentes manières, l’effet sera toujours différent. Je l’ai vu récemment au théâtre dans Phèdre(s), elle interprète 4 ou 5 Phèdres différentes et l’effet est saisissant. ici, c’est pareil, elle choisit une tonalité et ça fonctionne. Le personnage qu’elle interprète est foncièrement ambigu, avec une histoire bien particulière, faite de drame familial et de tourments… Les traces sont visibles et la vision de la vie de l’héroïne est forcément altérée…Le spectateur est fasciné, l »ambiguité porte le film et son personnage pourrait aller beaucoup plus loin.
Une première heure magistrale
Le film démarre très fort et la première heure va en s’accélérant, dans un emballement narratif mystérieux et toxique. La perversion suinte de chaque plan, l’équivoque est rendue palpable par la complexité du personnage d’Isabelle Huppert. Héroïne, victime, , sadomasochisme, le film laisse planer le doute. Hélas, il aurait atteint des sommets s’il avait assumé sa lancée jusqu’au bout. Mais… au bout d’une heure, ça se calme et le soufflé retombe. Forcément dommage. Comme si Paul Verhoeven avait eu peur de ce qui pouvait advenir. En mettre trop aurait créer le scandale, il y a pourtant matière à créer une oeuvre scandaleuse. Où est le réalisateur de Showgirls et de Basic Instinct? Un bout de chair ne suffit pas à créer le malaise, le réalisateur ne va décemment pas assez loin.
Un acteur limité
Laurent Lafitte a décidément un problème de charisme à l’écran. Son sourire le rend sympathique mais ne lui permet pas d’acquérir une épaisseur mystérieuse. Le spectateur ne croit pas à un seul instant à sa duplicité ni à son dark side, il est beaucoup trop lisse. N’est pas Jack Nicholson qui veut…
Un résultat forcément insuffisant
Le film est ambitieux tout en se voulant réaliste. Pas de twist maléfique ni d’esprit frappeur. L’esprit de l’héroïne est rendu embrumé et sans cesse altéré par ses semblables. Culpabilité, déni, l’héroïne est bousculée constamment. Mais l’univers autour d’elle est trop léger, pas assez poussé ni travaillé. Une Palme d’or 2016 potentielle car il y a de très bons moments où l’imagination laisse entrevoir des dénouements inouïs. Mais le film est maladroit et ne va pas assez loin. Pas de regrets pour la Palme, donc. Isabelle Huppert aurait mérité le prix d’interprétation, cependant. Comme souvent.