Quentin Dupieux est déjà de retour après sa pochade Fumer fait tousser sortie en 2022. Et comme toujours, sa proposition cinématographique est des plus clivantes. Action réduite au minimum, personnages caricaturaux, le film prend des atours de fable sociale avec une illustration assez puissante de la lutte constante entre petites gens déconsidérées et microcosme culturel fermé peuplé de gens suffisants coupés de la réalité. Le film est court et direct, les dialogues sont percutants, une bonne cuvée dans la lignée des Wrong cops, Le Daim et Realité
Une critique acerbe de la complaisance culturelle française
Souvent attaqué pour une soi-disant collusion avec le milieu minuscule des critiques parisiens, Quentin Dupieux contre-attaque avec la manière dans un film comme une déclaration d’intention. Le pitch est croquignolet. Un spectateur s’adresse à 3 comédiens au beau milieu de leur pièce pour partager ses sentiments mitigés. Les spectateurs et les comédiens considèrent cette intrusion dans leur monde artistique comme un crime de lèse majesté. Mais l’hurluberlu dénommé Yannick ne s’en laisse pas compter, ses justifications sont des plus compréhensibles. Lui qui a pris le temps de se déplacer et de payer sa place est révulsé par le peu d’implication des comédiens et le niveau assez moyen de la pièce Le cocu. Quentin Dupieux semble s’en prendre frontalement à la scène culturelle francophile, trop souvent paresseuse et conciliante. Surtout que l’effronté se révèle être plutôt sympathique et surtout cohérent dans ses arguments. Jusqu’à ce qu’il rédige à la volée une pièce alternative qui se révèle bien plus convaincante que la précédente. Voilà, Dupieux ose, il attaque de front tous ses soi-disant artistes autoproclamés et les confronte à leur complaisance. De quoi renvoyer comme en miroir à tous ces films français vides de sens, réalisés à la va-vite et sans aucune ambition. Le landernau d’acteurs qui en profitent est rempli de figures certes sympathiques mais rentrées dans l’autocaricature constante, chaque rôle ressemble au précédent, aucune vraie implication et les résultats sont des plus oubliables. Le réalisateur a démontré depuis ses débuts cinématographiques en 2007 que la répétition n’est pas du tout son style, on aime ou on aime pas mais il y a toujours quelque chose à trouver. Et comme chaque film est différent du précédent et du suivant, une déception peut vite laisser place à une très bonne surprise dans le film suivant. Comme le démontre bien Quentin Dupieux, l’art c’est la vie est surtout le risque. Yannick est un personnage issu des classes populaires mais il refuse d’être pris pour un c… Les réactions des comédiens sont des plus crédibles, faussement effarouchés et surtout avec la peur au ventre d’être découverts pour ce qu’ils sont, des cachetonneurs avant tout, eh oui, il faut bien vivre… Pio Marmai est un beau symbole de cette dichotomie, son personnage souhaite vivre de son art sans avoir à jouer des rôles moyens, mais ce n’est pas facile. Et si les spectateurs sont les vraies victimes de ce système, il en est bien contrit mais il n’y est pour rien.
Yannick ne regorge pas d’ambition formelle démesurée mais il touche au cœur avec sa critique de l’hypocrisie culturelle ambiante. Et ça fait du bien, véritablement, on en a marre des films sans intérêts, bougez vous un peu!
Synopsis: En pleine représentation de la pièce « Le Cocu », un très mauvais boulevard, Yannick se lève et interrompt le spectacle pour reprendre la soirée en main..