Critique : Remarqués il y a déjà dix ans pour « Goodnight Mommy », Veronika Franz et Severin Fiala ont su prolonger un cinéma où l’horreur naît de sentiments aussi concrets que banals à priori. Il suffit de jeter un œil à leur essai suivant, « The Lodge », où des sentiments de deuils se mêlaient à un mal-être intériorisé dans un semblant de guérison. La question du bien-être émotionnel reste ainsi centrale dans leur nouveau film, « Des Teufels Bad », disponible depuis peu dans les salles de cinéma en Belgique.
L’ouverture du film pourra annoncer pour certaines personnes un effroi dans la lignée de « The Witch » et autres titres consorts mais, au-delà du choc de cette séquence, les réalisateurs développent une certaine sécheresse de décor qui va renvoyer à une terreur de la mélancolie. Ainsi, notre héroïne va voir sa solitude se renforcer de manière prégnante, à l’aide de répétitions de montage et autres effets subtils pour que l’ennui du début se transforme en mal-être total. C’est un acte de confiance qui s’inscrit avec les spectateurs : se laisser prendre par le rythme à priori peu facile du début de ce long-métrage pour développer une empathie à la douleur sourde jusqu’au point de non-retour. Le trouble infuse alors au gré d’une imagerie pleinement maîtrisée et où l’on sent l’inconfort d’un quotidien frustrant.
Voilà peut-être une horreur qui mériterait d’être plus abordée, surtout au vu de la nature encore contemporaine du sujet : la terreur croissante d’un mal-être intime où les frustrations personnelles se répètent encore et encore jusqu’au vertige. En tout cas, « Des Teufels Bad » capte ce malaise avec beaucoup de talent, jusqu’à une conclusion en parfait aboutissement cruel de son sujet. On craint (positivement) de voir ce que Veronika Franz et Severin Fiala pourront apporter de plus au vu de leur filmographie riche en inquiétudes induites…
Résumé : 1750. Haute-Autriche. Agnes, une jeune mariée, se sent une étrangère dans le monde rural et froid de son mari. Très croyante et sensible, elle se replie progressivement sur elle-même. Sa prison intérieure devient écrasante, sa mélancolie insurmontable. Sa seule issue lui apparaît alors sous la forme d’un acte de violence inouï.