Critique : Dans les classiques de Noël récents, comment ne pas inclure le superbe « Carol » de Todd Haynes ? Sorti il y a déjà dix ans, ce long-métrage joue de son ancrage dans les fêtes de fin d’année pour mieux ressortir la solitude de ses deux personnages, en particulier la magnétique Carol magnifiquement interprétée par Cate Blanchett. Sa sortie en édition 4K chez BubbelPop’ nous donne alors l’occasion de redéclarer rapidement notre flamme à ce magnifique film d’un des meilleurs réalisateurs américains contemporains.

Ainsi, la mise en scène de Todd Haynes parvient à capter toute la beauté du sentiment amoureux mais également sa difficulté dans des relations qui étaient largement prohibées dans les années 50 (et encore victimes de violence de nos jours). Le lien entre Therese et Carol se fonde alors sur la subtilité, sur la répression des sentiments pour ne pas subir celles d’une société destructrice de ce qui ne rentre pas dans ses normes hétérosexuelles. Jouer de la façade s’avère alors un moteur artistique, l’impossibilité de l’expression publique se confrontant au besoin d’être et d’aimer, dans une énergie déchirante qui se voit magnifiée par la photographie d’Edward Lachman.

On se retrouve donc dans des contours de mélodrame mais qui ne peuvent qu’être réprimés, l’intérieur et l’extérieur se confrontant constamment dans un bouillonnement violent mais avec une élégance artistique qui ne nie jamais l’injustice de la situation. Tout est d’une grande maîtrise visuelle, d’une subtilité qui parvient à exprimer visuellement ce qui ne peut être totalement verbalisé, cherchant à faire respirer des personnages obligés à s’étouffer. Le magnétisme de Cate Blanchett et Rooney Mara parvient à donner corps à une romance limitée charnellement, éclatant l’écran à défaut de pouvoir s’incarner socialement, conférant une amertume faussement douce dans sa tonalité.

Techniquement, l’édition s’avère qualitative, que ce soit par la possibilité de disposer de ce magnifique titre en 4K ou par le livret de 100 pages accompagnant ce titre. On soulignera le travail derrière celui-ci, parvenant à donner encore plus de corps au film par ses riches illustrations comme par ses textes vifs, brillants, d’une acuité analytique bien plus brillante que cette modeste critique.

Voilà pourquoi il faut redécouvrir « Carol » à l’occasion de cette ressortie chez BubbelPop’ : en plus de profiter d’un travail d’éditeur admirable dans une période où l’on aime vanter la facilité du dématérialisé, c’est se plonger dans les liens de romance et dans la difficulté de vouloir exprimer sa passion sans être réprimé par des regards d’une violence sociale déchirante. N’y a-t-il donc pas meilleure période que ces fêtes de fin d’année pour voir notre cœur saigner à nouveau devant pareil trésor de cinéma américain ?

Résumé : Dans le New York des années 1950, Therese, jeune employée d’un grand magasin de Manhattan, fait la connaissance d’une cliente distinguée, Carol, femme séduisante, prisonnière d’un mariage peu heureux. À l’étincelle de la première rencontre succède rapidement un sentiment plus profond. Les deux femmes se retrouvent bientôt prises au piège entre les conventions et leur attirance mutuelle.