Le réalisateur Luca Guadagnino sait y faire pour plonger les personnages de ses films dans des méandres d’incompréhension sentimentale. Déjà avec Call me by your name, Armie Hammer et Timothée Chalamet connaissaient des émotions fortes sous le soleil de Toscane pour une éducation sentimentale accélérée du second. Challengers plonge le spectateur dans un monde du tennis hyper compétitif et inadapté aux plus sensibles avec une histoire d’amour multiple des plus prenantes.

Un trio d’acteurs au centre du cyclone

Luca Guadagnino a choisi la super star montante Zendaya pour interpréter une tennis woman star stoppée dans son ascension par une blessure au genou rédhibitoire pour le haut niveau. A ses côtés, Josh O’Connor et Mike Faist sont 2 juniors aux dents longues, décidés à gagner des titres et à faire les carrières qu’ils ambitionnent. Sauf que le premier (vu dans la série The Crown en jeune prince Charles) et le second (moins connu) ont des caractères diamétralement opposés. Surnommés respectivement Fire et Ice, le premier est aussi sûr de lui et joueur que le second est sérieux et appliqué. Et tous deux tombent sous le charme de la jeune Tashi Duncan. Le premier tiers du film s’attache à montrer les entreprises de séduction des 2 jeunes joueurs pour s’attirer les faveurs de la belle dans un triangle amoureux rythmé par le musique très typée euro dance de Trent Reznor et Atticus Ross (les mêmes que pour la musique déjà particulièrement réussie The Social Network). Cette musique rythme les parties de tennis, les regards en coin, l’ambiance de marivaudage et une sorte de monde enchanté tennistique car encore loin de la compétition de haute niveau. Lorsque le film bascule dans le monde plus professionnel des tournois majeurs, le film perd un peu en charme. Car Art Donaldson (la glace) gagne des tournois et est en couple avec Zendaya quand Patrick Zweig (le feu) galère autour de la 300e place avec des problèmes d’argent récurrents. Le film s’organise en d’incessants flashbacks entre passé et présent, les coupes de cheveu et les airs adolescents/trentenaires indiquent la temporalité en même temps que de courts textes pour orienter le spectateur. Le film fait découvrir une histoire à 3 bien moins limpide qu’il n’y parait, la belle a choisi la voie de la raison en s’acoquinant avec le plus sérieux des 2 joueurs sans vraiment se remettre de sa liaison avec le plus fantasque. Sous ses airs perpétuellement concentrés, Zendaya cache une belle duplicité qui permet à l’actrice de démontrer des qualités d’actrice pas encore vraiment démontrées dans les films à grand spectacle qu’elle fréquentait principalement jusqu’à maintenant (Dune, Spiderman). Comme souvent, c’est un film plus indépendant qui permet à une actrice de prendre des risques et de grandir artistiquement. Et comme le réalisateur n’en est pas à son premier film très réussi, le pari est gagnant. Le scénario de Justin Kuritzkes est un vrai travail d’orfèvre qui malgré quelques longueurs parvient à tenir en haleine jusqu’à ce dénouement assez inattendu. Concernant le travail technique, la chef-maquilleuse a réussi à transformer le visage de l’actrice entre adolescence et trentenaire sans dénaturer sa nature trouble, sans effets numériques pour encore plus de réalisme. Quant à l’entrainement de tennis, il a été intense pour en faire une grande brindille fuselée capable de tenir des échanges avec cris et coups gagnants.

Le résultat est assez bluffant, loin des craintes initiales de voir une énième rom’com’ adolescente sans substance. Au contraire, le film parvient à distiller une vraie tension, encore une réussite pour le très doué réalisateur italien.

Synopsis:
Durant leurs études, Patrick et Art, tombent amoureux de Tashi. À la fois amis, amants et rivaux, ils voient tous les trois leurs chemins se recroiser des années plus tard. Leur passé et leur présent s’entrechoquent et des tensions jusque-là inavouées refont surface.