Un médecin de nuit voit sa vie partir en lambeaux sous le poids de forces contraires. Vie professionnelle, vie personnelle, vie familiale, il n’y a pas assez de 24 heures pour tout conjuguer sans qu’un déséquilibre de plus en plus persistant ne finisse par faire perdre le fil d’un équilibre instable. Elie Wijeman déjà la barre des Anarchistes en 2014 et Alyah en 2012 offre le portrait désabusé d’un personnage à la bonne volonté débordante mais incapable de tenir debout sans s’enfoncer dans un tourbillon de sentiments contraires.

Un médecin tourmenté

Le héros Mikaël interprété par Vincent Macaigne vogue dans Paris la nuit au volant de sa Volvo rutilante pour intervenir chez des patients dans le besoin. Cette activité officielle occupe déjà une bonne partie de son planning mais le personnage doit également gérer la partie la plus chaotique de son existence, sa vie personnelle. Son cousin pharmacien Dimitri (Pio Marmai) l’exploite visiblement pour un trafic de fausses ordonnances de Subutex, médicament qui permet de supprimer les symptômes du manque qui surviennent lors de la privation de drogue. Mari et père absent, sa compagne Sacha (Sarah Le Picard) l’enjoint à faire un choix. Et puis comme tant de films français, il y a la maitresse Sofia (Ana Giraudeau) pour qui il ressent une forte attirance. Le film souligne les tourments d’un héros accro à son existence démembrée entre toutes ses composantes disséminées, pas de liant, juste des sauts de puce d’une partie à l’autre, le héros se veut chevalier servant, bon samaritain et mari attentif sans savoir faire le choix qui structurera enfin sa vie cabossée. Le rythme du film se veut épileptique tout au long d’une seule et même nuit où Mikaël se retrouve dans une impasse de plus en plus anxiogène à mesure que ceux qui l’entourent l’acculent à un choix draconien. Vincent Macaigne fait son éternel droopy avec un personnage plus complexe qu’à l’accoutumée, fort de nature mais incapable de faire un choix. Il cherche à être aimé mais est incapable de se discipliner pour vivre une vie normale et rendre cet amour en retour. Et puis le film interroge sur la dépendance de chacun d’entre nous, aux drogues, au travail, aux pulsions physiques. La question d’une société de plus en plus accro aux médicaments se fait lancinante surtout quand ceux-ci contiennent des opiacés comme le Subutex ou le Fentanyl (à l’origine notamment de la mort de Prince). Le héros a beau être clean, il fournit des ordonnances et dépanne les toxicos jusqu’à s’attirer les foudres de l’Assurance Maladie, de quoi se poser la question sur sa propre dépendance à son travail, et ce malgré les turpitudes que cela engendre. Dans une société qui prône la performance et oublie les victimes que cette course engendre, la film met en lumière ceux qui restent sur le bas côté, zombies nocturnes décharnés dépendants à des substances mortelles. Mikaël sert de lien entre le jour et la nuit, il doit vivre le jour pour voir ses enfants mais doit supporter des longues nuits sans sommeil pour assurer son rôle de passeur entre clarté et obscurité, jusqu’à courir le danger de ne plus savoir faire la différence.

Médecin de nuit est une vraie expérience cinématographique, film presque en temps réel au cours d’une nuit où une vie bascule. Drame personnel mais aussi drame social, le film interroge sur la route prise par une société de plus en plus malade de ses excès.

Synopsis: Mikaël est médecin de nuit. Il soigne des patients de quartiers difficiles, mais aussi ceux que personne ne veut voir : les toxicomanes. Tiraillé entre sa femme et sa maîtresse, entraîné par son cousin pharmacien dans un dangereux trafic de fausses ordonnances de Subutex, sa vie est un chaos. Mikaël n’a plus le choix : cette nuit, il doit reprendre son destin en main.