David Fincher adapte l’excellente BD Le Tueur de Luc Jacamon et Matz sortie en 1998dans un film au Michael Fassbender glaçant. Tueur de profession, son personnage anonyme se retrouve pourchassé après un échec aussi inattendu que retentissant. Lorsque sa copine est torturée à sa place dans son repaire de Saint-Domingue, il décide de retrouver les commanditaires et de se venger. Le film met volontairement le héros à distance du spectateur pour un rendu sans empathie, sans émotion, sans implication. Difficile de ressentir quoique ce soit pour ce mercenaire à la limite extrême de l’être humain, rendu robotique pour être plus dangereux et craint, au risque de ne rien faire ressentir du tout.

Un exercice de style sans style ni implication

La BD publiée en 1998 a connu un énorme engouement de la part des lecteurs grâce à la description minutieuse de son personnage principal pour réussir ses contrats. Extrême minutie, absence d’affect, préparation de tous les détails, anticipation des impondérables, la lecture est un grand moment de plongée psychologique dans un esprit dénué de tout ce qui fait l’humain chez l’humain. Un Michael Fassbender sorti de sa retraite auto-imposée en 1997 pour devenir pilote automobile retrouve les écrans dans un rôle des plus particuliers. Le film s’ouvre sur la planification d’un assassinat, la voix off égrène tous les commandements du tueur impitoyable. Entrainement physique irréprochable, contrôle absolu de soi, installations sommaires mais efficaces pour réussir son plan, il ne doute pas de lui pour faire mouche à coup sûr. Sauf qu’exceptionnellement, il manque sa cible. Un fil d’évènements mécanique se déroule alors et il devient lui-même la cible de commanditaires déçus de son échec. Le film ne fait pas dans la demi-mesure, Fincher applique son savoir faire légendaire à la vengeance du tueur anonyme. Ombre dans la nuit, homme lambda dans la masse des individus, le tueur aux écouteurs jouant perpétuellement les chansons de The Smiths tout au long du film et au bob saillant vissé sur le crâne se fixe un objectif et n’y déroge pas, jamais, du tout. Jusqu’à se demander si le réalisateur ne se rêve pas lui-même en tueur implacable dans la réalisation de ses opus. Connu pour son exigence, il a développé des tics récurrents, comme l’utilisation de cette musique composée par Trent Reznor et Atticus Ross aux accents industriels qui accompagne l’action. Le héros est méticuleux, il cherche, trouve, et abat à coup sûr. Tellement tourné vers son objectif que le spectateur en est amené à se demander s’il n’a pas sciemment loupé sa cible au début du film pour se libérer de ce qui est devenu un poids. Les autres interprètes du film sont pour la plupart très peu connus mis à part une Tilda Swinton assez sous-utilisée. Fincher met le focus sur son tueur, rien ni personne ne doit le détourner de son objectif. A se demander si une fracture psychologique n’est pas à l’origine de son comportement, une pathologie qui l’éloigne de ses semblables. Fincher ne répond pas à cette question, il ne donne également pas de clés sur l’utilisation de tous ces passeports par son héros, les sources du conflit intérieur ne sont pas investiguées, il se préoccupe seulement d’une intrigue finalement assez convenue et sans réelles surprises. Reste une scène d’action dantesque où le tueur est aux prises avec un autre tueurs tout aussi affuté que lui. Comme un miroir de ce qu’il est, une arme humaine sans conscience, qui ne s’interroge pas sur les notions de bien ou de mal pour ne pas connaitre un bug interne.

Le film se regarde avec plaisir, mais une fois suffit, pas d’envie d’y revenir comme pour Seven ou The Social Network. Immanquable mais pas forcément mémorable, le film manque de l’ampleur que donnerait une salle de cinéma pour marquer les esprits. C’est la marque d’un film Netflix, le fardeau accepté par Fincher. L’indépendance est à ce prix, il rentre dans le rang et ne marque plus le cinéma mondial, c’est ainsi.

Synopsis: