Que de chemin parcouru par le réalisateur belge Felix Van Groeningen depuis son premier film en flamand La merditude des choses en 2009 ! Les turpitudes d’individus prisonniers de leurs addictions au cœur du plat pays laissent place à une relation père fils aussi émouvante qu’éprouvante avec Steve Carrell et Timothée Chalamet sur la côte californienne dans un premier film américain. Les deux acteurs ne se ménagement pas pour figurer le désespoir d’un père incapable de sortir son fils prisonnier de ses démons. Entre vaines tentatives de sauvetage et inévitables rechutes, le film se suit comme une longue plongée dans l’enfer de la drogue, sans strass ni paillettes mais avec son lot de souffrances. Les acteurs transmettent une belle émotion malgré de très nombreuses longueurs qui pourraient confiner parfois à une sorte de complaisance maladroite même si involontaire.

Deux adaptations sincères d’histoires vraies

Le film n’adapte pas une mais deux autobiographies, celle du père David Sheff, Beautiful Boy: A Father’s Journey Through His Son’s Addiction et celle du fils Nic Sheff, Tweak: Growing Up on Methamphetamines. Par ce procédé, le réalisateur agrège les deux visions d’un drame qui a durement touché une famille pendant près de 10 ans. Chacun y raconte son combat pour la survie de la cellule familiale. Le père démuni et le fils prisonnier de la drogue portent chacun un film qui s’éloigne des clichés habituels en matière de drogue au cinéma. La famille n’est pas pauvre ni dans une situation précaire, le film se ne concentre pas sur un toxicomane qui essaye de tout son cœur de s’en sortir, le vrai sujet du film est cette famille confrontée au spectre de sa disparition programmée Ce qui donne au film de brillants aspects de sincérité. Le fils est décrit comme un passionné de culture, idéaliste dans l’âme et tombé dans l’addiction à la méthamphetamine sans pouvoir s’en détacher du fait de sa trop grande sensibilité. Le père est un pigiste qui se dévoue corps et âmes pour son fils merveilleux mais qui doit finalement accepter de s’éloigner de son fils malade pour ne pas compromettre la pérennité de sa famille. Car ni les efforts continuels de proches aimants ni les multiples cures de désintoxication ne parviennent à le faire remonter à la surface, occasionnant un déroulé sinueux qui donne au film des airs d’incessantes répétitions. Remontée rechute, remontée rechute, le rythme peut lasser et le réalisateur doit faire appel à des artifices bien connus pour maintenir l’attention en plus des performances exceptionnelles des deux acteurs principaux. Ce sont d’abord des flashbacks entre l’enfance de Nic et sa déchéance actuelle, pour souligner la normalité du personnage et la fatalité de sa tombée dans la drogue, d’abord vécue comme une expérience de vie comme une autre avant de l’enserrer inéluctablement dans ses griffes. C’est aussi les références musicales qui font écho à la passion commune du père et du fils pour la musique, ainsi que le décrit David Sheff dans son livre Beautiful Boy. La bande originale est donc entièrement composée de morceaux originaux, avec des chansons qui revêtent une importance particulière pour les Sheff. Les connaisseurs reconnaitront entre autres des morceaux de Massive Attack, David Bowie, Nirvana, John Lennon, Neil Young ou Sigur Ros. De quoi aviver l’émotion pour ces deux personnages principaux si humains.

Oublié des Oscars, A Beautiful Boy a tout du film européen, donc loin des critères américains habituels. Par sa langueur et sa pesanteur, il émeut autant qu’il s’enfonce parfois dans des descriptions répétitives et légèrement ennuyeuses. Restent deux acteurs au diapason d’un réalisateur toujours aussi doué pour raconter des histoires d’hommes blessés par une vie qui ne leur fait pas de cadeaux.