Le réalisateur Vadim Perelman adapte l’histoire assez abracadabrante et pourtant très plausible développée dans la nouvelle Erfindung einer Sprache (Invention d’une langue) de Wolfgang Kohlhaase parue en 2021. Dans la France occupée de 1942, un personnage juif destiné à être éliminé s’invente des racines persanes et commence à enseigner le farsi, qu’il ne connait pas, au chef d’un camp. Le principe est passionnant, le film bien rythmé, c’est un grand moment de cinéma.

Une histoire insensée

Le principe est simple. Le personnage de Gilles, interprété par un
Nahuel Perez Biscayart enfin de retour après avoir été révélé dans les excellents Au-revoir là haut et 180 battements par minute, doit inventer des mots chaque jour pour rendre crédible ses origines persanes, et surtout s’en souvenir. L’acteur joue à merveille la fragilité autant que la persévérance au milieu d’une foule de réfugiés destinés à être éliminés. Face à lui, le toujours excellent
Lars Eidinger (Dora, High Life, L’oeuvre sans auteur) joue Klaus Koch, commandant nazi impitoyable qui veut migrer en Perse après la guerre. Le réalisateur s’est inspiré d’histoires similaires où des protagonistes ont réussi à se jouer de leur geôliers par leur intelligence et leur débrouillardise. Gilles n’a pas forcément a priori une grande éducation et une grande mémoire, mais il se répète incessamment les mots inventés pour rester crédible en toutes circonstances. Au final, le film est autant réaliste que crédible, avec son lot de personnages amicaux ou hostiles, comme ce maton allemand qui se doute de quelque chose mais ne parvient jamais à révéler la supercherie. La peur constante ressentie par le personnage principal perle à chacune de ses apparitions, car il sait que la mort est la seule issue s’il se fait percer à jour. Pour le camp du film, le réalisateur s’est inspiré d’un camp appelé Natzweiler Struthof situé entre la France et l’Allemagne, dans le nord-est de de l’Hexagone, ce qui rajoute d’autant plus au réalisme du film. De même, il s’est documenté sur le nombre de personnes qui pouvaient y avoir été enfermées, le rythme des rotations, le détail des installations, et c’est glaçant. Les dignitaires allemands ne font que peu de cas de leurs prisonnier, les exécutions sommaires se suivent et il n’y a guère que ce petit persan pour rester dans le camp plus longtemps que les autres. Et comme Nahuel Perez Biscayart parle allemand, italien, espagnol et français, le réalisme est exacerbé face à des allemands qui ne parlent qu’allemand.

Au final, le film fait ressentir une énorme empathie pour ces personnages perdus dans une période obscure de l’histoire. Quant à la fin du film, quand cet officier allemand émigre en Iran, la scène est inracontable tellement elle est cocasse, donnant au film toute sa justification historique.

Synopsis: 1942, dans la France occupée, Gilles est arrêté pour être déporté dans un camp en Allemagne. Juste avant de se faire fusiller, il échappe à la mort en jurant aux soldats qu’il n’est pas juif mais persan. Ce mensonge le sauve momentanément puisque l’un des chefs du camp souhaite apprendre le farsi pour ses projets d’après-guerre. Au risque de se faire prendre, Gilles invente une langue chaque nuit, pour l’enseigner au capitaine SS le lendemain. La relation particulière qui se crée entre les deux hommes ne tarde pas à éveiller la jalousie et les soupçons des autres…