Nous revenions dans un premier article sur la folle histoire de Boiler Room… Voici la suite et fin de cette aventure!

LE REFLET D’UNE SCENE ELECTRONIQUE CONTEMPORAINE

Si Boiler Room est devenu le meilleur moyen de se documenter sur l’identité musicale des artistes qui passent prêt de chez nous, nous pouvons également voir dans ce nouvel acteur de la nuit à quoi ressemble la fête en 2019.

TROP EST-CE TROP?

Après quelques dizaines d’heure de chinage, nous pouvons nous demander l’intérêt de continuer l’aventure Boiler Room tel quel. Il y a quelques années, tout était encore à faire, les artistes qui n’avaient jamais branché leur clé USB pour Boiler étaient nombreux. De nos jours, les artistes absents du site sont très rares ( coucou Jeff Mills ) et le lot de consolation serait la nouvelle scène émergente. Mais cette donnée est à prendre en compte avec le fantastique essor des musiques électroniques partout dans le monde.

Campagne de promotion pour la venue de la marque en Palestine

Avec des scènes locales qui gagnent en puissance dans toutes les métropoles, l’offre surpasserait totalement la demande. Nous sommes donc en droit de nous demander si Boiler Room reste un argument pertinent, face à ces centaines d’artistes qui percent partout sur le globe… que faire? Courir de pays en pays et tenter de capturer l’apparence des nouveaux artistes locaux, les nouveaux foyers de l’électronique en construction? De plus, si des vidéos à la gloire des mastodontes du milieu comme Laurent Garnier, Solomun ou encore Nina Kraviz parviennent à collecter des millions de vues, qu’en est-il pour les petits sur qui on se rabat? La légitimité est-elle toujours autant légitime si les Boiler Room se multiplient de façon exponentielle?

QUAND MODERNE RIME AVEC PARADOXAL

Le constat de la scène actuelle serait sans doute représentatif également d’une jeunesse frôlant parfois avec le contradictoire. En effet, l’effet de mode ne se cantonne pas à un retour en force du style nineties. Désormais, le style vestimentaire et les anciennes marques ressuscitent, le retour aux origines implique une délocalisation des soirées. Effectivement, la tendance se tourne vers des lieux plus industriels, moins légaux dans leur apparence. C’est un public qui semble rejeter un système entier voire un mode de vie qui se rend à ce type d’événements.

Campagne de promotion de Boiler Room dans un style totalement rétro inspiré des 90’s

Pourtant, à l’heure ou l’expérience unique et l’original semblent être les nouveaux paradis artificiels, les investisseurs font de l’œil à la scène autrefois underground. Boiler Room n’est plus une chaîne YouTube connue des aficonados mais une entreprise, un argument de vente lorsqu’on présente un artiste sur un line up de festival. Notons également la multiplication des partenariats avec d’autres marques, autre preuve d’un pas de plus dans le mainstream. Internet a permis a toujours plus de personnes de se renseigner, apprendre sur le mouvement techno. Mais la question se pose, ce genre de mouvement contestataire et minoritaire dans sa nature, peut-il garder son essence tout en devant accessible?

Un autre problème de la scène actuelle consiste en la multiplication des propositions d’événements qui tentent d’être atypiques, l’écologique en ligne de mire pour séduire, même si peu suivie par les grands groupes présents depuis des décennies. Les exceptions comme la marque DGTL arborent le développement durable comme priorité mais cela vaut-il le coup face à des événements géants type Tomorrowland, Electric Daisy Carnaval peu sensible à cette thématique?

Enfin, force est de constater qu’il y a une certaine volonté de la part de Boiler Room de rendre tout de même l’expérience de leur soirée unique. Très peu de tickets sont proposés et, lorsqu’ils ne sont pas distribués par tirage au sort, ils font l’objet de critique. Trop VIP pour n’être qu’un tirage au sort à en écouter certains. Là est bien l’un des maux de notre époque, celui d’une profit d’une expérience rare. Cela nous mène même à nous demander si l’on savoure plus l’expérience en tant que telle ou le privilège qui en résulte… Sans doute des réflexions lointaines des idéaux rêvés par les premières générations de raveurs.

UN AVENIR INCERTAIN?

UN RENOUVELLEMENT TOUS LES 7 ANS

De nombreux organisateurs et festivals estiment qu’un changement complet a lieu tous les 7 étés. Que ce soit la programmation, le cachet des artistes, l’expérience faite durant l’événement, tout est entièrement changé au terme de ce laps de temps. Quel évolution peut-on relever en comparaison avec l’année 2012? A cette date, Boiler Room n’était pas encore une machine reconnue, les rois de l’EDM ( pour Electronic Dance Music, souvent opposé à l’underground ) remplissaient le haut des affiches de Coachella et autres… Cette année-là, Skrillex publiait sur internet son morceau « Bangarang », de quoi nous rappeler qu’en plus du milieu de l’événementiel, le public grandit également en 7 ans.

Étant donné qu’un public a toujours réagi à la musique de type techno ou house, il faudrait donc étudier l’enthousiasme réel de ces styles et d’éventuelles périodes de creux. Le créateur de Boiler Room aurait sans doute la solution, il confie lui-même en interview à quoi ressemblait le Londres de cette époque. Bien que la ville soit très dynamique, en matière de musique électronique, ce n’était pas sa meilleure époque. Nous pouvons peut-être l’expliquer par le fait que le style à la mode au sein de la grande famille électronique était typiquement ricain… Mais dans ce cas, vers quel avenir l’électro se dirige?

Exposition de villes ayant accueilli la caméra de Boiler Room

TROUVER UN SUCCESSEUR A LA TECHNO

Des sous-genres en musique électronique, ce n’est pas ce qui manque, mais qui a les épaules assez solides pour renouveler le genre? Tout d’abord, on peut éliminer le rap et tout style hip hop. Public différent, sonorités trop différentes pour convertir un public, celui qui se place en tête sur toutes les plateformes de streaming ne saura sans doute pas ravir les techno heads.

De manière plus probable, il y a encore quelques années, l’essor de styles plus chill comme la deep house, la tropical ont donné un souffle nouveau à la house qui a toujours été présente. Mais comme de nombreux sous-genres, la hype autour s’est rapidement évaporée, laissant le style des origines seul, simplement garni de nouvelles sonorités.

Pour les musiques plus rythmées, on assiste depuis quelques mois à une montée en puissance époustouflante de styles à la limite du hard, qu’ils soient d’inspiration acid ou indus. Ce regain en popularité s’est vu accompagné d’une nouvelle façon de concevoir la soirée. Plus de soirée en boîte qui tienne, le retour aux origines exige des warehouses, sorte de grands bâtiments industriels rappelant indéniablement Detroit la sainte mère du genre.

Le style a beaucoup à proposer, souvent de façon très intéressante car le style devient presque une expérience audiovisuelle à la vue d’artistes qui proposent un light show et des mapping exceptionnels derrière le Dj. Seulement, il ne semble pas y avoir d’invention derrière cette nouvelle mode, simplement la reprise de codes plus anciens. L’inspiration des années 90, de labels comme Bonzaï Records ( dont les Dj reviennent sur le devant de la scène par la même occasion! ) est belle et bien présente en 2019.

Seulement, la techno commence à faire date. Elle enchaîne les décennies, a connu différents niveaux de popularité, déferlé quantité de générations et n’est pas prête à rendre l’âme. Parviendra-elle à devenir un style autant reconnu que le « rock »? Sans doute, à la condition que le temps apaise la haine qu’elle déchaîne chez certains politiques. Inspirera-elle l’émergence d’un nouveau genre, en partie grâce à l’infinité de ce que la musique électronique a à proposer? Seule la créativité des plus jeunes nous le dira.

Par ailleurs, on se rend compte assez vite que l’histoire électronique ( mais aussi de manière générale ) est marquée par des villes. Chicago pour la house puis l’émergence de Detroit avec la techno, l’arrivée du mouvement en Europe, principalement en Angleterre, en Belgique et en Allemagne. Cela montre également que dans de nombreux cas d’étude comme le rock et d’autres genres, il y a une certaine balance entre l’Amérique et l’Europe, le style évolue réellement en émergeant dans ces deux épicentres. Mais cette vision du monde peut sembler datée, à l’heure actuelle, il y a de plus en plus de foyers culturels qui se forment. Il se pourrait donc qu’envisager le futur de la scène alternative nous demande de fouiller plus loin qu’où nous en avions l’habitude jusqu’alors. L’Amérique du sud, l’Afrique, l’Asie ou encore l’Océanie seraient peut-êtres les zones hypes de ce nouveau siècle.

Bien évidemment, rendre compte de l’état d’une scène musicale à un instant T est impossible. Il a été fait le choix de se concentrer sur le mouvement techno et en partie house. Nous nous sommes servis d’un outil qu’est Boiler Room afin d’esquisser ce à quoi ressemble la scène électronique de nos jours. Nous avons un profond respect pour cette entreprise et sommes impatients de voir ce qu’elle nous réserve pour l’avenir. Quant aux événements actuels, nous sommes les premiers à nous y rendre. L’un des seuls points essentiels que nous regardons pour juger est l’expérience. Même si de nombreux facteurs nous laissent penser que la techno a encore de beaux jours devant elle, nous sommes avares de nouveautés, d’expérimentations, de tentatives intéressantes et épanouissantes.