L’ouvrage Dune a été publié en 1965 aux Etats-Unis. Œuvre de l’auteur de science-fiction Frank Herbert, il raconte sur un cycle de 6 ouvrages le destin de la planète Arrakis riche d’une substance recherchée par tout l’univers, l’épice, responsable de dons de prescience fabuleux. Roman monde d’une richesse incroyable, l’ouvrage a préfiguré notre monde actuel, avec ses luttes de pouvoir entre des Maisons surpuissantes et ses héros très humains et actuels. Adapté une première fois par David Lynch en 1984 dans une version qui fait débat, objet d’un projet avorté préparé par Alejandro Jodorowsky, un nouveau film réalisé par Denis Villeneuve est prévu pour le 23 décembre 2020. Pourquoi autant d’intérêt autour de cette œuvre culte?

Un roman d’une richesse folle

Frank Herbert fait partie du panthéon des grands auteurs de science fiction en compagnie d’Isaac Asimov, Ray Bradbury, Philip K. Dick ou William Gibson. Ceux qui ont lu ses ouvrages, et il y en a beaucoup comme Les yeux d’Heisenberg, Et l’homme créa un Dieu ou Destination vide, savent que l’auteur a truffé ses ouvrages de références érudites. En abordant la question de la survie de l’espèce humaine ou l’écologie, il a été un précurseur des débats actuels, il y a plus 50 ans de cela. Dune aborde aussi les thématiques des liens complexes entre religion, politique et pouvoir pour des intrigues entremêlées et des références philosophiques continuelles. Je me souviens qu’à mon époque au cœur des années 90, un jeu vidéo était sorti sur PC, ranimant la flamme mythique de l’œuvre à destination de jeunes générations avides de se jeter dans un univers inédit. Je m’étais donc jeté dans la lecture des 6 ouvrages (et même 7 vu que le premier est séparé en 2 tomes). Pour une évidence, Dune allait marquer mon existence. En relatant le destin de Paul Atréides, passé de jeune homme inconsistant à messie à la faveur de l’installation de sa famille ducale sur la planète des sables, Frank Herbert met en place les éléments d’une odyssée intergalactique passionnante. Car le récit se situe d’abord en 10191, soit dans un futur éloigné où les progrès technologiques ont amené des populations entières à peupler l’univers. Les habitants de la planète Dune, les Fremen, sont semblables à des touaregs. Ils ont l’espérance de la venue d’un messie pour les libérer et transformer la planète désertique qu’est Dune en un paradis. Les personnages sont nombreux, avec des complots, des rivalités, des trahisons. Il faut lire Dune pour se plonger dans une épopée où, si l’action est omniprésente, elle est finalement secondaire et la réflexion prend une ampleur rarement égalée dans la littérature de science-fiction. En somme, tous les ingrédients sont réunis pour en faire une adaptation cinématographique majeure, similaire à un Star Wars en plus fouillé et profond.

Le Dune de David Lynch, un rendez-vous manqué

Véritable madeleine de Proust pour ceux qui ont découvert le Dune de David Lynch en 1984, le film est aussi souvent raillé par ses contempteurs. David Lynch l’a d’ailleurs lui-même renié. Film de commande, le réalisateur a du le bourrer au maximum pour faire rentrer une masse d’informations qui rend au final le film indigeste. L’ambiance est bien là, les personnages sont crédibles et charismatiques, mais les 2h20 du film souffrent d’un surplus d’informations. Le réalisateur n’a pas su (ou pu?) s’approprier le film pour en faire une version personnelle avec des choix de perspectives ne reprenant pas l’intégralité de l’ouvrage. En somme, il aurait fallu faire deux (voire trois) films pour aborder tous les sujets sans rendre le film de Lynch indigeste. Kyle MacLachlan, Sting, Jürgen Prochnow, Francesca Annis, tout le monde est bon mais le film n’atteint pas la dimension épique qu’il aurait du avoir. Tout le poids des studios a concouru à faire de ce film un sommet de kitch fascinant mais non pas inoubliable tel qu’il aurait du l’être.

Le Dune de Jodorowsky, un autre rendez-vous manqué

Le documentaire consacré à la préparation d’une version de Dune complètement folle a fait rêver tous les spectateurs. Et si le réalisateur des deux classiques El Topo et La montagne sacrée avait réussi à réunir tous les fonds nécessaires à l’aboutissement de son projet? Les intentions sont expliquées dans le documentaire Jodorowsky’s Dune et c’est incroyable. Minutieusement préparé de 1973 à 1977, le film ne sortira jamais mais tout le monde est d’accord pour penser qu’Alejandro avait visé juste. Designs innovants, coups de folie, l’auteur s’était approprié l’ouvrage pour lui faire passer une étape supplémentaire. Pas qu’une adaptation fidèle à l’ouvrage, mais une autre histoire sur les bases de l’ouvrage de Frank Herbert. Jodorowsky avait tout compris. Les meilleures adaptations ne sont pas les plus fidèles mais celles qui aboutissent à une œuvre augmentée, respectueuse des grandes lignes mais différente. Denis Villeneuve serait bien inspiré de suivre ce chemin.

Le Dune de Denis Villeneuve, un beau challenge

Un épais mystère enveloppe le prochain Dune de Denis Villeneuve. Une cohorte de stars est attendue (notamment Timothée Chalamet, Oscar Isaac, Rebecca Ferguson, Josh Brolin…) et l’ambiance promet d’être sablonneuse. Mais rien ou presque n’a filtré sur le film. L’intrigue sera probablement centrée sur l’avènement de Paul Atréides en messie des sables avec des luttes homériques entre grandes puissances intergalactiques. le réalisateur devrait axer son récit sur les préoccupations écologiques et de survie de l’espèce chères à l’auteur en brocardant le contexte géopolitique actuel et l’aveuglement de populations toutes tournées vers la perpétuation de leur confort. Mais il pourrait aussi réserver des surprises avec des angles de réflexion inédits. Après tout, le réalisateur n’est pas à une surprise près comme l’ont bien montré ses films récents.

Le 23 décembre 2020 parait bien loin. Les admirateurs de l’ouvrage comptent les jours pour découvrir une version qui pourrait bien marquer l’histoire du cinéma de science-fiction. Jusqu’à reprendre le flambeau laissé vacant par la saga Star Wars après une troisième trilogie sérieusement décevante? L’histoire de Paul Atréides demande quelques films pour être couverte complètement, on verra bien le choix de Denis Villeneuve. Des coupes salvatrices ou de l’exhaustivité dangereuse?