Critique : Chaque endroit a ses fantômes. Regardez le lieu où vous vous trouvez en ce moment. Là, une trace sur un mur rappelle une histoire, telle affiche ou tel objet raconte un récit, une pièce peut avoir vécu les affres d’une dispute, le bonheur d’un baiser, la tristesse d’une rupture. Chaque lieu est chargé d’un spectre, celui d’un passé qui se renforce constamment d’existences jusqu’à une fin absolue. Voir le documentaire « Dreaming Walls » revenir sur le Chelsea Hotel partait donc d’un principe intéressant, d’autant plus par la portée du lieu. Maya Duverdier et Joe Rohanne ont surtout l’excellente idée, simple en apparence mais pertinente dans le propos, de faire réexister les différents moments de cet immeuble par le regard de ses habitants, alors même que le lieu se situe dans cet état d’incertitude du présent, entre passé clinquant et futur sans réelle vision.

Les images couvrent ainsi deux années de témoignages, renvoyant les habitants du Chelsea Hotel dans leurs souvenirs teintés du plâtre de murs en reconstruction. L’établissement étant en chantier, il se développe un certain tumulte qui résonne fortement avec les récits qui nous sont racontés. Ce sont les histoires derrière cette grande Histoire qui nous fascinent, la manière dont chacun de ces individus raccroche encore plus l’existence de ce lieu dans une période de flou qui bouillonne discrètement en fond. On y ressent la fin d’un temps, l’obligation de tourner un chapitre alors même que la singularité des résidents renforce le besoin d’existence du lieu, d’autant plus dans une période où tout un chacun est à la recherche de sa propre identité, artistique ou même de vie, tout simplement.

« Dreaming Walls » se fait alors beau documentaire, célébrant le vivant dans les habitants mais également dans les murs du Chelsea Hotel. Ce dernier se fait porteur de spectres : ceux d’un temps passé mais également d’un futur sans construction, interrogeant d’autant plus notre rapport à la création dans ce qu’elle a de plus mémorable, individuellement comme collectivement. Source d’inspiration de divers artistes, ce lieu se retrouve magnifié par la caméra de Maya Duverdier et Joe Rohanne, dans un film que l’on ne peut que recommander par sa manière d’être hanté d’une beauté qui subsistera toujours, si pas physiquement, dans les mémoires.

Résumé : Le Chelsea Hotel, temple de l’art et repère de la contre-culture à New York depuis plus d’un siècle, se transforme en hôtel de luxe. Coincés entre un passé mythique et un futur incertain, ses derniers résidents tentent de se réinventer, malgré le chaos du chantier.