Critique : Capter le temps qui passe reste une interrogation de nombreux artistes cherchant à permettre à leur public de ressentir cette fuite permanente. Cela peut passer avec un filmage en temps réel ou encore la simple observation d’un quotidien, dans sa normalité la plus apparente. C’est le parti pris de Manuella Serra avec le très beau « Mouvement des choses », actuellement disponible chez Carlotta pour la première fois en Blu-Ray. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’une vraie poésie du moment en ressort.
La réalisatrice filme le mouvement avec une grâce de la normalité, une approche du réel qui saisit la beauté de l’instant mais également son enfermement. Car au-delà du geste, c’est une petite société qui se dévoile de manière presque muette au début, laissant les corps et la nature prendre la parole. Pourtant, on sent l’arrivée d’un changement à venir, celle de traditions qui se verront peu à peu emporter par les flots de l’histoire. La caméra se fait alors témoin mais surtout vecteur dans sa captation, visualisant le passé pour le faire exister et rappeler son cycle d’avant alors que le rythme du monde change.

On ressent alors une certaine profondeur juste en suivant ces personnes dans leur quotidien, en se laissant prendre par une certaine boucle se perpétuant comme elle peut tandis que le monde évolue. La mélancolie d’un temps voué à disparaître ne diminue pas la douceur des images et cette manière de partager avec nous un temps. Cette idée de transmission se retrouve d’ailleurs en supplément de cette édition avec la présence de « 35 ans plus tard, le mouvement des choses », suivant Manuella Serra revenant sur les lieux du tournage.
C’est un bijou de cinéma du réel que propose alors Carlotta avec ce « Mouvement des choses ». Manuella Serra filme le temps, le passé voué à être englouti par l’avenir, et en tire une source d’antan à la beauté irradiante. Sa sensibilité hypnotisante mérite largement d’être louée encore et encore mais surtout de se transmettre, comme toute œuvre au potentiel artistique traversant les époques pour susciter encore une même émotion palpable.
Résumé : Les travaux et les jours d’une communauté rurale du nord du Portugal : trois familles saisies dans leur vie quotidienne, leurs silences. Le père d’une famille nombreuse coupe un arbre. Plus loin, il y a l’eau du fleuve, le soleil sur la place du village et les rituels de ses habitants : la foire du samedi, la messe du dimanche. Au milieu de ces fragments ordinaires, une femme, Isabel, a le regard tourné vers l’avenir, là où les autres se contentent de la répétition du présent. C’est la vie, comme elle va.
