Alors que les super-héros sont de plus en plus nombreux sur les écrans, l’un des meilleurs films du genre est sorti bien avant la mode de Marvel.
Le début du film, nous plaçant dans des déclarations de héros à la télévision, est une note d’intention en soi. Brad Bird part de toute une mythologie déjà influente à l’époque pour raconter les coulisses de cette situation. Alors que le début annonce une vraie représentation iconique de la vie de super-héros, on ne nous épargne guère les contraintes derrière cette existence qui se terminera par un mariage « banal ». La loi qui suivra obligeant les héros à raccrocher leurs capes, nous devons faire face à des existences deceptives. Désormais, les capacités qui les rendaient adorés de tous se voient obligées d’être dissimulées. Difficile de ne pas se sentir frustré d’une telle situation. Logique alors que nous devions faire face avec les héros à la frustration du train-train quotidien. Bird arrive à nous immerger dans ce quotidien à problème mais néanmoins normalisé avec le rêve de la gloire d’antan. Encore une fois, le metteur en scène utilise un côté rétro pour mieux soulever les aspirations de ses protagonistes et les humaniser tout en respectant leurs représentations idéologiques et culturelles.
C’est donc face à une ré-iconisation en règle que l’on fait face avec le film d’animation Pixar. Le studio est d’ailleurs expert pour transformer des histoires aux accents fantastiques (dans ses diverses significations) en vecteur d’interrogations universelles plus matures qu’on ne le croirait. Le personnage de Syndrome est passionnant par son histoire. Son nom est d’ailleurs significatif : il est le syndrome d’une société dépourvue de héros. Il cherche donc à les remplacer de manière définitive avec l’ambition de se faire aimer. Pourtant, l’héroïsme n’est appréciable que quand il est désintéressé, ce qu’il finira par apprendre. De plus, il doit se justifier de ses actes en se créant une nemesis contrôlable là où la famille Parr agit naturellement et n’a pas besoin de prouver ses actes. Un super-héros ne peut se contenter de l’amour des gens, bien que ce facteur soit essentiel à son moral. Un héros ne le devient que lorsqu’il agit de manière naturelle et limpide. C’est peut-être une morale d’antan mais elle reste d’actualité, comme le souligneront deux caméos animés dans la fin.
Brad Bird parvient à maintenir une forme de dynamisme dans sa mise en scène, notamment dans son agencement de plans en 3 instants (n’hésitez pas à y prêter une plus grande attention dans chacun de ses films). Il y a un rythme exemplaire dans le film qui permet d’accrocher un public de n’importe quel âge dans son récit et maintenir un divertissement certain. Ce n’est pourtant pas pour ça qu’il va dédaigner ses séquences plus terre à terre. Voici une des principales qualités du long-métrage : son équilibre entre super-héroïsme iconique et la banalité ainsi que les contraintes de la vie quotidienne. Le regard sur le genre est malicieux, jouant parfois des codes (les capes !) mais sans jamais manquer de respect à ses modèles. Si l’on ajoute à cela une animation de qualité (Pixar oblige), il devient logique de comprendre la réputation encore forte du film.
Au final, « Les Indestructibles » est assez précurseur et nostalgique sur le regard porté sur le mythe du super-héros. De quoi se demander comment sa suite à venir sera abordée au vu de la toute puissance financière du cinéma à capes (bien qu’elles soient déconseillées par Edna mode)…