Si vous vous souvenez bien, je n’arrête pas de répéter à qui veut bien l’entendre que Birdman est un grand film, de ceux qui marquent une époque et l’histoire du cinéma. La rumeur Birdmana enflé prenant des mois avant sa sortie. Long métrage passionnant de 2 heures, des références cinématographiques en folie, des détails enivrants dans tous les coins, une mise en scène magique, ce Birdmanse compose de multiples niveaux de lecture. C’est délirant et totalement jouissif. Birdman est le film coup de poing de l’année 2015. Mi-blockbuster mi-film d’auteur, il mélange les genres et offre un feu d’artifices d’émotions.
Un film implacable
Birdman, c’est une mise en abîme du théâtre. Les personnages passent des loges aux couloirs, de la scène aux coulisses, des ateliers au hall principal, ne sortant quasiment jamais du théâtre. La sensation de coller au plus près des artistes fait vivre la tension de chacun de manière ininterrompue. Surtout que le génial réalisateur mexicain, Inarritu, utilise la technique du plan séquence pendant tout le film. La caméra ne coupe jamais, la fluidité est totale, les répétitions ont dû prendre des mois. Renseignements pris, 12 plans séquences ont été reliés entre eux par la magie de la technique moderne. Autant dire que Birdman va rentrer directement dans la liste des films cultes ayant utilisé cette technique de haute voltige. Le Mépris, Time Code, La corde, on a connu films moins reconnus.
Inarritu, c’est le réalisateur de la souffrance, de la somatisation, de la tension psychologique. Amours chiennes, 21 grammes, Babel, Biutiful, que des moments douloureux et dramatiques. Birdman se démarque dans sa filmographie en voguant entre humour désopilant et drame léger. Moins émouvant mais plus excitant, Birdman envoie du lourd de bout en bout. Et les acteurs n’y sont pas pour rien. Ed Norton se la joue artiste maudit à mi-chemin entre Brando et James Dean. Zach Galifianakis confirme tout le bien que l’on pense de lui en manager cynique aux réparties irrésistibles. Naomi Watts est fidèle à elle même. Emma Stone abandonne sa tenue habituelle de greluche IT girl pour interpréter son vrai premier grand rôle au cinéma. Quant à Michael Keaton, il revient de l’enfer pour se couler dans le moule d’un artiste déprimé et schizophrène, victime de visions fantastiques et de délires paranoïaques.
Birdman, c’est une tonne de références à des films marquants de l’histoire du cinéma :
– un Ravel retentit au détour d’un couloir, le même que celui de The Dark Knight Rises » lorsque Bruce Wayne et Serena Kyles dansent avec la fameuse réplique There’s a storm coming, Mister Wayne.
– La fin du délire de Riggan est identique à celle du personnage d’Ed Norton dans Fight Club. Je vous laisse vous souvenir… comment fait-il pour supprimer Tyler Durden?
– Les mises en abîme du théâtre au cinéma sont légions. Opening Night de John Cassavetes avec l’immense Gena Rowlands, Anna Karenine avec Keira Knightley et Aaron Johnson, Dogville de Lars van Trier avec Nicole Kidman. Birdman ne dépareille pas dans cette liste…
– Inarritu utilise une technique que j’adore. On entend une musique, on pense que c’est la bande son quand tout à coup des musiciens apparaissent à l’écran. Godard l’a utilisée, Mel Brooks aussi, Inarritu ne s’inspire pas des pires branques de l’univers.
– Des scènes spectaculaires ont été mises en avant dans la bande-annonce. Des explosions, des monstres. Bon, je ne vous le cache pas, c’est un aspect mineur du film. Le côté blockbuster est loin d’être essentiel mais fait partie de la densité inouïe de Birdman. Le théâtre, les discussions à bâton rompu, la dépression ou le doute de l’artiste tiennent une place bien plus importante. Le ton Wes Anderson semble ressortir par moments, une touche de Woody Allen par ci, un zeste des frères Coen par là, le film est avant tout fascinant. Une sorte de film total dans la lignée de Dans la peau de John Malkovitch ou Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Inarritu est un artiste, un vrai, il livre donc un film avant tout artistique. Ca ne plaira pas à tout le monde. Je suis personnellement sorti bluffé de la salle.
Ce Birdman est passionnant, les scènes cultes s’enfilent comme des perles (This place is a fucking Dump. Smells like balls, j’adore) et le rythme ne s’apaise que rarement. La lutte avec Boyhood pour les titres de meilleur film et meilleur réalisateur de l’année 2015 a été tigresque. Birdman est un vrai OVNI, un film marquant de l’année 2015.
Synopsis: Dans l’imaginaire collectif, Riggan Thomson était, reste et sera toujours Birdman, le super héros ailé star des années 80/90. Mondialement connu mais furieusement ringardisé, il tente de se racheter une crédibilité artistique en adaptant au théâtre une obscure pièce de Raymond Carver. Ce grand écart surprend et crée une attente incroyable que Riggan a du mal à assumer. Il commence à s’enfoncer dans un stress insupportable avec des impacts étranges sur sa personnalité. Parviendra-t-il à mener à bien son projet?