À l’affiche de films aussi variés que « Pour vivre heureux », « Illusions perdues » ou encore en ce moment le magnifique « Nino » (sortant cette semaine en Belgique), l’actrice belge Salomé Dewaels était présente cette année au Festival International du Film Francophone de Namur en tant que marraine, l’occasion d’échanger avec une personnalité incontestablement brillante.

Qu’est-ce que cela te fait de venir cette année au FIFF en tant que marraine de l’édition ?

Pour moi, c’est un grand privilège car c’est vrai que le festival de Namur reste un événement emblématique en Belgique. Je suis bruxelloise, je n’ai pas fait d’école de cinéma ou de théâtre donc c’est vrai que j’ai commencé en tournant beaucoup de court-métrages étudiants puis d’autres courts-métrages avant de trouver des rôles dans des longs belges et de vivre ma vie d’actrice en France. C’est vrai qu’en commençant, j’espérais tellement que  nos films allaient passer à Namur car je voyais ça comme une porte d’entrée vers le cinéma, sachant que ni mes parents ni moi n’étions du milieu du cinéma. Du coup, c’était vraiment un rêve pour moi. En plus, Namur a été le lieu de nombreuses premières fois : première fois où on présente un film devant une salle, première fois que je vois ma petite tête dans un fascicule. J’étais vraiment touchée quand ils m’ont proposé d’être marraine, surtout avec le FIFF Campus. Même si je ne détiens pas de vérité absolue, c’est un plaisir pouvoir discuter avec des jeunes et partager ma passion. Le cinéma reste un milieu très fermé et donc pouvoir être cette porte d’ouverture vers celui-ci, pouvoir répondre à leurs questions en partageant mon expérience, ça me rend heureuse… Donc oui, je suis très touchée et honorée d’être là.

C’est amusant car ta façon de jouer transpire une vraie spontanéité qui s’adapte aux genres et rôles que tu joues mais qui ajoute un cœur à tes personnages. Comment fais-tu pour conserver cela ?

Merci, ça me touche beaucoup ! C’est vraiment important pour moi de garder cette spontanéité et ce naturel de jeu. Je suis passée par l’académie mais pour moi, vu que c’est du théâtre, c’est un milieu complétement différent de celui du cinéma. Ça m’a appris beaucoup de choses mais je sais que ça n’a pas modelé mon jeu. C’est vrai que j’aborde mon travail de manière très spontanée. Je n’ai pas vraiment de méthodes, je fonctionne surtout à l’instinct. Avec le temps et l’expérience, j’aiguise et je sens ce qui marche pour moi mais j’essaie de garder cette spontanéité pour avoir le plaisir de jouer, ne pas voir ça que comme un travail. Alors certes, c’est un travail : je travaille avec des gens, je fais partie d’une équipe. Mais ça reste très important pour moi de garder cette spontanéité même si ce n’est pas toujours facile car il y a une équipe de 30,40 personnes qui tournent autour de toi pour faire le même film. Donc parfois, jouer le rien, le quotidien, c’est très difficile. Sur le film de Pauline (Loquès, réalisatrice de « Nino »), il y a beaucoup de scènes de quotidien donc c’est très difficile vu qu’il y a peu de moyens de se protéger. C’est vrai qu’on peut se cacher derrière un costume d’époque ou un personnage excentrique comme dans « Pour vivre heureux ». Dans « Nino », je me sentais très proche du personnage que je joue, Zoé. Il y a toujours de moi dans les personnages mais je me sentais vraiment proche d’elle donc ça a été difficile de jouer le rien sans possibilité de me cacher derrière un effet.

Justement, y a-t-il moyen de parler un peu plus du tournage de ce film ?

C’était le meilleur tournage de ma vie, je ne me cache pas de le dire. Je pense qu’il est arrivé à un moment important pour moi car c’est une période où j’ai beaucoup travaillé. J’ai eu cette chance de beaucoup tourner mais, du coup, être peu chez moi. Je suis maman d’une petite fille qui a trois ans. Du coup, ne pas être souvent chez moi m’a marqué. Je n’étais pas très heureuse pour être honnête. Je sentais une forme de vide en moi, je ne comprenais pas pourquoi je faisais ce métier, pourquoi j’étais loin de ma famille, que je loupais les premiers moments de vie de ma fille,… Et puis « Nino » est arrivé et ça a été une réconciliation avec mon travail parce que c’était un tournage très bienveillant. Il y avait beaucoup de femmes en cheffes de poste, je ne veux pas rentrer dans ce débat-là, mais j’ai senti un souffle de vie entrer sur le plateau. Souvent, quand on tourne un film, on ne parle que de la technique et la vraie vie se retrouve évincée des plateaux. Là, la chef op est tombée malade donc un médecin est arrivé sur le plateau, elle était maman depuis peu de temps donc on parlait de son enfant puis de mien, Théodore (Pellerin) est aussi arrivé sur le tournage fort malade le premier jour,… La vie a donc été insufflée sur le tournage par l’équipe technique, ce qui a fait plaisir de jouer la vie dans ce film, et ce même si le sujet de base reste un jeune homme qui apprend qu’il a un cancer de la gorge. Ce film parle quand même de la vie et je pense que c’est également grâce aux techniciens et techniciennes qui ont insufflé ce souffle. J’ai pris beaucoup de plaisir même si j’ai été déstabilisée car, comme je te le disais, il y avait peu d’artifices. Je me suis sentie épanouie et libre et cela m’a permis de me rappeler pourquoi je faisais ce métier, pourquoi j’étais loin de chez moi, ça avait du sens. Avant, quand je sortais d’un film, je partais sur un autre tournage en me disant que j’allais arrêter après ça car je ne sentais plus ce plaisir. À Cannes, j’ai découvert le film de Pauline et quand j’ai vu des personnes, issues ou non du milieu du cinéma, venir me parler des émotions procurées par le film, ça m’a rappelé que je faisais ce métier pour raconter des histoires, transporter des gens, parfois juste les divertir, parfois être important dans un moment de leur vie. Il y a des films que je regarde et qui font partie intégrante de ma vie maintenant. C’est donc un film très important pour moi et j’en suis très fière !

Peux-tu nous parler de la direction d’acteurs de Pauline ?

Je pense que Pauline a cette bienveillance et cet amour pour ses acteurs, et c’est vrai que ça change. J’ai senti la différence d’être choisie, d’être aimée pour ce que je dégage et peux apporter à l’histoire. Parfois, on est choisie juste pour jouer quelque chose. Là, je me suis sentie utilisée, à ma place, même dans les moments de doute où je ne me sentais pas à ma place sur le plateau. Pauline était toujours remplie d’amour donc je dirais que sa direction est très bienveillante, précise et en même temps sans trop de blabla. Elle n’arrive pas avec une backstory, elle nous dit qu’on connait le personnage autant qu’elle, même plus, et qu’elle nous fait donc confiance. Pour moi, c’est devenu important pour moi dans mes choix de projets de rencontrer la réalisatrice ou le réalisateur afin de voir comment elle travaille, si on a le même langage, si ils veulent me prendre par la main pour m’embarquer dans leur aventure,… Je ne veux pas venir là juste pour répéter un texte que j’aurais appris.

Merci à Maud Nicolas de Distri7 ainsi qu’à l’équipe du FIFF pour cette interview