Bonjour à tous, aujourd’hui je vais vous parler d’un film français culte, au casting incroyable et à la réalisation soignée : Buffet Froid réalisé par Bertrand Blier en 1979 !
Le film de Bertrand Blier est un tour de force et un incroyable chef d’œuvre du cinéma au même titre qu’un Orange Mécanique. En effet la comparaison avec ce dernier n’est pas anodine, le propos du film connaît certaines similitudes avec le film de Kubrick. Les Valseuses, sorti en 1974 et du même réalisateur partageait lui aussi un fond similaire avec Orange Mécanique.
Critique d’une société malade :
Dans Buffet Froid, nous retrouvons des personnages dont la perception du monde a été corrompue par une société malade et décadente. Au point que chacun a une peur panique de l’autre en étant chacun des assassins. Il est intéressant de voir que dans cet environnement bien rangé et symétrique naissent un chaos et une anarchie stupéfiante. Pour ce qui est des ressemblances avec l’œuvre de Kubrick, elles ne sont certainement pas volontaires, celles-ci concernent le fond et témoignent du fait que le problème mis en exergue par Blier avec cynisme est universel.
Le film dénonce avec un humour d’une noirceur intense les convenances, les obligations, un monde où la seule vision n’est que du béton et où la vie est déshumanisée. Les Hommes de ce film ne sont plus des Hommes, ce sont des êtres malades de leur propre création. Une séquence du film résume tout son propos, dans celle-ci l’un des protagonistes a peur de rentrer chez lui seul, il avoue avoir peur de son ombre, la métaphore est toute choisie pour montrer que l’Homme à peur de lui-même et que la seule menace qui s’oppose à l’Humanité n’est autre qu’elle-même.
Pour accentuer cet aspect sombre, Blier choisit des décors déshumanisés, fades et très clairs : un métro, une cité, une tour de béton, un parking souterrain… Il va alors créer une opposition dans la dernière partie du film qui se passe en pleine nature et où l’Homme ne se sent pas à son aise, cela renforce d’autant plus la déshumanisation de la société. La mort est devenue une banalité, voire un besoin, une échappatoire, la dernière phrase du film résume une fois de plus cette idée : « La mort on en fait tout un plat »
La mort est omniprésente dans le film, le personnage d’Alphonse ne s’en préoccupe point, du moins pas avant d’y être confronté personnellement « De toute façon, on y va tous. C’est la seule chose dont on soit sûrs. Le problème, c’est de savoir à quelle vitesse on y va. »
Le propos du film insiste avec cynisme sur l’absurdité de la société qui nous force à travailler pour moins penser « Il te faudrait un bon boulot, bien abrutissant. Ça te calmerait. »
L’ omniprésence de la loi et des restrictions pousse au crime et à la violence « Quand je dors, je rêve de flics. Et quand je suis réveillé, sur qui je tombe ? Un flic ! Dans ma maison ! » Cette omniprésence entraîne la folie « Ça vous arrive jamais d’avoir envie de tuer quelqu’un ? » L’ Homme s’autodétruit, on le voit clairement lorsqu’un protagoniste demande à Alphonse d’assassiner un homme qui n’est autre que lui même » C’est un salopard qui m’empoisonne la vie »
Buffet froid est une œuvre surréaliste et qui joue sur la suspension d’incrédulité du spectateur pour mieux marquer son message. On remarque que certains événements sont complètement irréels comme la mort du quidam interprété par Michel Serrault qui n’est d’ailleurs pas cité au générique. Le film allie le cinéma populaire et le film d’auteur pour toucher un public plus large, L’homme, tous les Hommes qui sont malgré eux touchés par ce qu’évoque le film. Des répliques cultes, un message fort et Gérard Depardieu au sommet de son art ont valu à Bertrand Blier un césar en 1980.
Servie par un casting jubilatoire, l’œuvre de Blier est une pépite, une fable surréaliste et subversive révélant avec brio et cynisme, la triste réalité de notre monde…
Un casting aux petits oignons :
Ce qui est très intéressant dans Buffet Froid, c’est que chaque rôle est soigné et interprété avec minutie. Nous retrouvons dans ce chef d’oeuvre évidemment l’acteur fétiche de Blier depuis Les Valseuses : Gérard Depardieu qui s’épanouit dans ce rôle de paumé mais aussi toute une pléiade d’acteurs remarquables à commencer par le père du réalisateur Bernard Blier en rôle de policier abonné aux bavures, Jean Carmet en tueur maladroit, Jean Benguigui, Carole Bouquet et j’en passe…
Malgré le fait que Blier ait écrit, selon ses dires, le scénario du film en deux semaines et qu’il n’y avait rien de personnel dans ce métrage, l’âme qu’il offre aux protagonistes est remarquable et donne une essence toute particulière au film. Le film baigne dans un style très surréaliste et il est intéressant de voir qu’il est le second film avec Carole Bouquet, le premier étant Cet Obscur objet du Désir, dernier film de Luis Buñuel, réalisateur surréaliste par excellence…
Pour finir, je pense que ce qui reste le plus après le visionnage, c’est les répliques incroyables écrites par Blier, des répliques devenues aujourd’hui cultes et qui ont marqué le cinéma français autant que celles d’un Audiard… Le film demeure aujourd’hui encore un Ovni qui à l’époque n’avait pas pour vocation de sortir, Bertrand Blier raconte que tous les producteurs et amis qui avaient lu le scénario lui conseillaient de ne pas faire ce film.
J’en ai maintenant terminé avec ce chef d’oeuvre de Bertrand Blier que je me refuse d’analyser plus en profondeur de peur d’en perdre l’essence. Je vous invite à voir ou revoir Buffet Froid !
Bonne Journée à tous sur Culturaddict!