Critique : Un premier long-métrage se révèle toujours fragile mais riche. On y ressent l’envie de cinéma de son esprit créatif, ses interrogations ainsi que certaines de ses thématiques qui finissent par peupler l’entièreté de sa filmographie. Et même quand le film se retrouve instauré comme un classique du septième art, il s’y cristallise un certain doute, une forme de faillibilité qui intrigue par le fait que le tout n’ait pas succombé à sa propre précarité artistique. Découvrir « Chronique d’un amour », premier long-métrage de Michelangelo Antonioni, va alors dans ce sens, surtout en découvrant peu de temps après « Le désert rouge », disponible également chez Carlotta et sorti 14 ans après ce premier essai passionnant.

L’emballage dans un noir et blanc amène déjà une plastique visuelle passionnante. La gestion de la lumière fait ressortir au mieux ses décors et ses personnages, comme des ombres en promenade dans le récit. Difficile de ne pas ressentir les liens avec un cinéma néoréaliste en fin d’existence, notamment par son récit entre drame de mœurs amoureux et film noir, à l’instar du « Ossessione » de Visconti. Il s’y dégage pourtant un souffle, une personnalité déjà qui se renforce par la subtilité de l’ensemble. Le long-métrage d’Antonioni se révélera rapidement à fleur de peau, une sensibilité passant par son casting et un récit qui flirte entre plusieurs bords, tout en touchant une nouvelle fois à un traitement visuel renforçant l’errance de ses protagonistes.

S’inscrivant pleinement comme une première œuvre passionnante, cette « Chronique d’un amour » se révèle aussi belle que sensible, annonçant déjà le talent d’Antonioni pour dépeindre les émois sentimentaux de ses personnages. La fascination qui s’y développe parvient à captiver, tout en profitant avec cette édition d’une restauration 4K de bon aloi. Chargée sentimentalement et intéressante visuellement, cette œuvre donne envie de se laisser emporter par le cinéma de son metteur en scène et se révèle une excellente porte d’entrée pour découvrir sa filmographie. De quoi nous conforter dans la beauté fragile de ces premiers long-métrages où naissent les craintes passionnantes de ses esprits créatifs…

Synopsis : Un riche industriel engage un détective privé pour enquêter sur le passé de sa femme. Se rendant à Ferrare, ville où Paola a vécu et fait ses études, l’homme apprend que sept ans auparavant, la jeune femme a aimé Guido, un modeste vendeur de voitures dont la fiancée s’est suicidée…