Critique : Il est intéressant de découvrir ce « Désert rouge » d’Antonioni peu après avoir vu sa « Chronique d’un amour ». Les deux films étant proposés en édition physique depuis peu chez Carlotta, on sent la bascule du réalisateur italien avec ce premier long-métrage en couleur. On peut rapidement constater que ce passage à la colorimétrie nourrit le film, notamment dans une opposition visuelle qui va naître entre décor industriel et une nature envoûtante dans une séquence d’extérieur à tomber. Celle-ci ressort justement par la froideur ambiante de cet univers dépeint par le réalisateur, instaurant un malaise permanent dans le cheminement de Giuliana, allant presque vers le fantastique quand la brume vient isoler nos protagonistes. Le rendu visuel s’avère dès lors aussi pertinent que poétique, créant des visions quasi oniriques dans un réalisme où l’économie industrielle s’instaure comme quelque chose d’inesquivable.

Rapidement, « Le désert rouge » s’installe comme un film de frustration. L’urbanisme ne laisse guère les personnages respirer et notre proximité émotionnelle avec Giuliana renforce ce sentiment de mal-être. Superbement incarnée par Monica Vitti, notre héroïne erre et ne semble que passagère des instants du long-métrage. La lenteur rythmique de ce dernier perpétue le sentiment de fascination déjà engendré par cette maîtrise picturale par moment déconcertante mais toujours absorbante. Nos sentiments se réfrènent en même temps que ceux de Giuliana, qui admet à peine son envie de faire l’amour qu’elle ne sait comment appréhender cette sensation. Une certaine appréhension sentimentale point alors peu à peu et nous laisse comme emporté par une vague, encore plus par la richesse de fond qui se développe subtilement tout au long de la narration.

Œuvre aussi chargée visuellement qu’elle l’est thématiquement, « Le désert rouge » ne peut que provoquer la fascination. La mise en scène de Michelangelo Antonioni emporte et nous rapproche intensément de ce magnifique personnage de cinéma qu’est Giuliana. Dans ce monde aux formes froides et métalliques où s’évaporent les courbes, le long-métrage se découvre comme de ces titres qui subjuguent tout du long. On ne sait réellement mettre de mots sur nos sensations mais le fait qu’elles aient existé a tout d’une certaine beauté filmique, encore plus dans cette restauration 4K proposée par Carlotta.

Synopsis : Mariée à un riche ingénieur, Giuliana est sujette à de fréquentes crises d’angoisse depuis son accident de voiture. Dans la banlieue industrielle de Ravenne, elle cherche le réconfort auprès de Corrado, un ancien camarade de son mari venu recruter de la main-d’œuvre…