Pour qui a lu l’intégralité de la série Dune de Frank Herbert, depuis les 2 premiers tomes jusqu’à La Maison des Mères, cette adaptation de Denis Villeneuve touche du doigt ce qui fait une adaptation parfaite. Ambiance du livre parfaitement rendue loin du résultat sans âme de la version kitsch de David Lynch en 1984, temps laissé au développement des doutes, des états d’âme et des certitudes, action bien dosée pour ne pas transformer le film en blockbuster Marvel et surtout ambivalence des personnages principaux ballotés entre préceptes familiaux, intérêts particuliers et envie de grandeur. Le premier épisode des 2 prévus par le réalisateur laisse le temps à l’action de se développer, sans accumuler les feux d’artifices ad nauseam, l’image est superbe, le déroulé est fidèle à l’ouvrage, rien à redire, les 2h36 sont un spectacle total, entre Star Wars, Blade Runner et Apocalypse Now, les choix esthétiques et narratifs sont judicieux. Pourtant l’envie de revoir le film une seconde fois manque, preuve qu’il manque quelque chose…
Une adaptation osée et réussie
Dune est un livre passionnant. Une grande famille prend possession d’une planète aride riche d’une substance dont l’univers entier est avide, la promotion se change rapidement en cadeau empoisonné. Les habitants locaux attendent leur messie, et le fils du duc pourrait bien être ce personnage mythique malgré son jeune âge. Le livre est d’une inspiration bluffante, une adaptation ciné a tout du piège doré. David Lynch s’y est cassé les dents, Jodorowsky également, Villeneuve n’a pas eu peur de tenter l’aventure malgré un Blade Runner 2049 à moitié réussi. Le résultat est juste… exaltant. Tous les thèmes de Frank Herbert sont égrenés tout du long d’un film complet sans être indigeste. L’influence arabe jusque dans le vocabulaire et ces voiles apposés sur les personnages féminins, cette rivalité fratricide entre 2 familles antagonistes, ces personnages secondaires d’une profondeur inouïe pour le temps qu’ils passent à l’écran, cette dramaturgie shakespearienne passionnante, et ces femmes du Bene Gesserit qui détiennent un pouvoir mystique que tout le monde craint. Timothé Chalamet campe un Paul Atréïdes séduisant à l’extrême et juste assez androgyne pour laisser planer le doute sur sa destinée de messie, Rebecca Freguson est une mère tiraillée entre les injonctions de sa caste de sorcières et son amour pour le duc Leto Atréïdes, les Harkonnen sont bien moins caricaturaux que dans la version de Lynch et les Fremen sont une tribu locale ambigüe à souhait, alliés ou pas, la question se pose longtemps, Javier Bardem campe d’ailleurs un leader fremen fort charismatique. Et le mot est lâché, tous les acteurs peuvent recéler un charisme pareil à celui des personnages de l’ouvrage, jusqu’au duc Atreïdes campé par Oscar Isaac. Personne n’est robotique ou caricatural, chacun recèle une part de mystère qui donne toute son épaisseur à l’adaptation. Et si au final le film est un peu long, il faut bien ça pour rendre compte d’une histoire littéraire aussi dense que savoureuse, donc difficile à rendre parfaitement en images. 2h36, c’est peu et long à la fois, le deuxième opus ne devrait pas être beaucoup moins long. Mais c’est un coup de maitre de la part du réalisateur canadien. Si le film peut donner envie de lire l’ouvrage, ce sera une réussite complète. Il est connu des fans du livre que l’écrivain vouait une admiration sans borne à la culture arabe, le film est parfaitement raccord avec cette intention littéraire, rien que pour ça, il faut voir le film. Point négatif, le film est tout de même très hollywoodien avec ses scènes d’action de rigueur, bien réalisées mais quelque peu excessives, c’est bien rythmé et bien réalisé, ça n’enlève rien mais ça rallonge le film qui se serait mieux tenu avec 30 minutes de moins. L’esthétique Star Wars est criante jusque dans ces vaisseaux spatiaux et ces scènes où des légions de soldats rappellent les chorégraphies de Storm troopers. Denis Villeneuve n’a pas su renouvelé le style esthétique de la saga intergalactique, dommage, mais qui aurait pu réussir, franchement… Difficile d’aborder à l’écran tous les aspects développés dans le livre et le réalisateur a fait des choix plutôt judicieux pour ne pas éparpiller le récit. Les considérations écologiques sont abordées en filigrane et certains personnages du film manquent à l’appel, comme le personnage de Feyd‑Rautha interprété par Sting dans la version de Lynch. Villeneuve a privilégié la cohérence du récit à son exhaustivité, un choix plutôt judicieux.
Au final, les fans du livre seront comblés, les fans d’action aussi, mais personne ne sera complètement satisfait, la faute à un ouvrage complexe au vocabulaire bien particulier et situé dans une galaxie lointaine se rapprochant d’univers galactiques biens connus. Le film réussit cependant à combler tout le monde par son ambiance mystérieuse qui demande quand même de ne pas baisser son attention pour ne pas décrocher. Un succès presque total, à voir absolument.
Synopsis: L’histoire de Paul Atreïdes, jeune homme aussi doué que brillant, voué à connaître un destin hors du commun qui le dépasse totalement. Car s’il veut préserver l’avenir de sa famille et de son peuple, il devra se rendre sur la planète la plus dangereuse de l’univers – la seule à même de fournir la ressource la plus précieuse au monde, capable de décupler la puissance de l’humanité. Tandis que des forces maléfiques se disputent le contrôle de cette planète, seuls ceux qui parviennent à dominer leur peur pourront survivre…