Olivier Py est connu pour ses talents de metteur en scène de théâtre, un théâtre de l’excès, lyrique et revendiqué comme tel, de sorte qu’il suscite souvent de vives réactions à son encontre. Son passage au Théâtre de l’Odéon a marqué les esprits notamment avec sa détonante adaptation du Roméo et Juliette de Shakespeare en 2011. Ce Molière imaginaire est sa première réalisation pour le cinéma et les ingrédients ne tromperont personne. Profusion, excès, exubérance, grotesque, le tout en un seul plan séquence à la manière du Birdman d’Inarritu, ça virevolte, ça jacasse, ça se houspille, avec une belle troupe acteurs souvent venus du théâtre, le moment de cinéma est vertigineux, cérébral, enchanteur, un vrai beau moment de liberté bien loin de la vacuité de beaucoup d’autres films français contemporains seulement montés pour le porte monnaie. Molière était-il un jouisseur, un martyr ou un saint? Peut-être tout à la fois?

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Le film met en miroir les 3 parties du théâtre. D’abord le public composé d’aristocrates maquillés à l’excès, poudrés à la manière de masques destinés à figurer leur décadence, ils peuvent envoyer des piques sans crainte de la réprimande, tout le monde attend le Roi soleil mais il semble avoir disgracié son ancien protégé devenu trop critique. Molière se languit de son illustre protecteur, hantant autant la scène que les coulisses pendant cette fameuse 4e représentation du Malade Imaginaire du 17 février 1673 qui le verra succomber quelques heures plus tard, entouré de sa femme, Armande Béjart et de quelques personnes, et non sur scène. La troupe des comédiens jouant dans le film compte des noms bien connus, notamment Laurent Lafitte dans le rôle titre, Stacey Martin, Jeanne Balibar, Judith Magre, Dominique Frot, Olivier Py, Catherine Lachens pour son dernier rôle au cinéma. Tous courent et s’agitent dans une farandole éblouissante. La caméra les suit dans tous les recoins du théâtre, sans aucune coupure apparente pour un film en quasi temps réel. Alors que la représentation bat son plein, les apartés et les disgressions donnent des informations sur la vie et les rumeurs autour de Molière. Libertin, jouisseur, il figure un homme libre et sans contraintes. Laurent Lafitte lui prête ses traits pour une vraie performance théâtrale, sa vraie place plutôt que dans des comédies françaises où il tombe un peu trop souvent à côté (Les Petits Mouchoirs, De l’autre Côté du Périph’). Il est ici parfait sous la baguette d’un Olivier Py de gala. Pas sûr que le film rencontre un vaste public étant donné son ambition scénique, c’est pourtant un éblouissement, rappelant la Reine Margot de Patrice Chéreau, rien de moins. Les corps sont exposés sans fausse pudeur, insérant un naturalisme bienvenu aux échafaudages de bois du théâtre où la caméra vaque de haut en bas, de droite à gauche, d’avant en arrière. Olivier Py réalise une vraie prouesse et il est difficile d’imaginer l’énorme préparation nécessaire à la fluidité des dialogues, pas d’anicroche dans des interprétations pleine de morgue et d’éclat. Le film nécessite certainement plusieurs visionnages pour en saisir toute l’intensité et la densité, le spectateur est emporté dans un torrent théâtral qui fera date.

Ce Molière Imaginaire est un grand moment de cinéma et de théâtre, en toute liberté, avec une musique quasi omniprésente pour accentuer les effets des comédiens et de l’intrigue. Pas de retournement final à la Tarantino, Molière doit mourir et il le fait avec grâce. Chapeau l’artiste.

Synopsis:

Paris, 17 février 1673.

Comme tous les soirs, Molière monte sur la scène du théâtre du Palais-Royal pour jouer Le malade imaginaire.

Ce sera sa dernière représentation.