-À la mémoire de Jean Piat, Med Hondo, Robert Guillaume, Madge Sinclair, Claude Brasseur, Perrette Pradier, Bernard Tiphaine et Fred Taïeb.
–Pour Roger Allers, Rob Minkoff et Hans Zimmer, à qui je dois LE film de mon enfance et de ma vie. Merci, les gars.
-Pour papa et maman que j’aime, qui m’ont fait grandir et forger mon imaginaire à partir de l’âge de 2 ans avec l’un des plus grands films d’animation de tous les temps.
Prélude: Un film culte
Le Roi Lion est une œuvre qui a marqué un tournant dans le cinéma pour enfants, et par extension dans le cinéma d’animation. En premier lieu, il appartient à la génération du second âge d’or de Disney, une ère qui a démarré avec La Petite Sirène et qui a perduré tout au long des années 90 avec des classiques incontournables comme La Belle et la Bête, Aladdin, Pocahontas, Le Bossu de Notre-Dame, Hercule, Mulan, Tarzan, Fantasia 2000, et bien évidemment Le Roi Lion. En second lieu, il a été le plus grand succès critique et commercial de Walt Disney Pictures jusqu’en 2013, rapportant près d’un milliard de dollars au box-office, un véritable exploit dans les années 90. Le film remportera même deux Oscars, ceux de la meilleure musique de film pour Hans Zimmer et de la meilleure chanson originale (« Can You Feel the Love Tonight », « L’amour brille sous les étoiles » en VF) pour Elton John et Tim Rice. Au-delà de toutes ces considérations, on est en droit de se demander: Qu’est-ce qui rend ce film si spécial? Pourquoi Le Roi Lion et pas Aladdin ou Le Bossu de Notre-Dame?
I-La puissance cinématographique à la portée des plus jeunes
1-Des accents épiques de David Lean
Les visuels du Roi Lion ne laissent pas les spectateurs indifférents. L’équipe a hésité entre trois possibilités: le style documentaire à la National Geographic, réaliste et minimaliste, le style cartoon coloré et grotesque (pas au sens péjoratif) inspiré des tissus et de l’art africains, le style conte de fées Disney, style La Belle au Bois Dormant. En dehors de la scène de la chanson « Je voudrais déjà être roi » qui baigne dans le kitsch artistique africain, les inspirations lorgnent du côté de la QUATRIÈME option, celle du cinéma de David Lean (le réalisateur de Lawrence d’Arabie), pour le côté grandiose et épique (Un excellent choix, somme toute. David Lean retransmet avec brio le côté imposant du désert et son implacabilité dans Lawrence d’Arabie). Les paysages captent la splendeur de la savane, sa grandeur, son immensité (c’est le terme adéquat!).
Andy Gaskill, un des directeurs artistiques, a même parlé de tableau, à juste titre! Nombreux sont les plans et concept-arts qui ressemblent à des tableaux, par leur grandiloquence visuelle. Sans aller dans le réalisme minimaliste des documentaires ni dans le grotesque, les paysages du Roi Lion, aussi simples soient-ils, sont foisonnants, ils évoquent aisément l’Afrique, c’est tellement évocateur qu’on s’y croirait vraiment. La simplicité et la richesse picturale jouent en la faveur de la volonté de puissance visuelle du film.
2-Hans Zimmer, Elton John et Tim Rice
D’après Sergio Leone, la musique constitue 50% d’un film. Pas de Il Était une Fois dans l’Ouest sans Ennio Morricone, pas d’Étrange Noël de Monsieur Jack sans Danny Elfman, pas de Star Wars sans John Williams, pas de Temps des Gitans sans Goran Bregović, etc.
Pas de Roi Lion sans Hans Zimmer. En outre, une véritable alchimie opère entre lui et Elton John pour les chansons, les deux artistes étant des compositeurs hors-pair, sans oublier le parolier Tim Rice (D’ailleurs, le trio travaillera à nouveau ensemble pour le film d’animation des studios Dreamworks La Route d’Eldorado) et Lebo M, ami sud-africain de longue date de Hans Zimmer, parolier des chœurs et chanteur de l’ouverture de L’Histoire de la Vie.
Hans Zimmer et Lebo M. devancent les images. Le « Naaaaaaaants Ingonyama » nous emmène déjà en Afrique.
Image et musique se conjuguent à la perfection dans le tout premier plan du film.
3-De la symbolique du soleil
Vous savez de quoi je parle. Le film s’ouvre sur un magnifique lever de soleil dans un ciel rouge. Le film s’ouvre également sur un chant, celui de Lebo M., chantant « Naaaaaaaaaaaants ingwenyaaaaaaaaama bakithi babaaaa Sithi uhhmmmmmm ingwenyama ingwenyamaaaaaaaaaaaa » (que nous avons tous chanté en yaourt « Aaaaaa zegewnaaaaa mamawishibababaaaa »). La puissance tient dans le chant a capella, chœurs compris, et le soleil se levant (notez que les chœurs apportent toujours de la puissance dans une composition musicale). Ce lever de soleil est tout ce qu’il y a de plus symbolique.
Le soleil, de manière générale, symbolise la vie, je ne vous apprends rien.
Vous connaissez l’énigme du Sphinx donnée à Œdipe: « Qu’est-ce qui a quatre pattes le matin, deux jambes le midi et trois jambes le soir? », dont la réponse est: « L’homme. Il marche à quatre pattes quand il est bébé, il marche sur ses deux pieds quand il est dans la fleur de l’âge et il marche avec une canne quand il vieillit. »
C’est l’aube de la vie, l’aube d’une vie, celle de Simba. Mufasa établira également le parallèle avec son règne (« Le temps que passe un roi à gouverner ressemble à la course du soleil. Un jour viendra, le soleil éteindra sur moi sa lumière, et se lèvera pour faire de toi le nouveau roi.« ).
La symbolique du soleil se poursuit tout au long du film.
Simba s’exile et échappe aux hyènes au crépuscule, son éloignement de la Terre des Lions est parallèle visuellement au lent coucher du soleil ; c’est la fin d’un règne, la fin d’un âge. C’est lorsqu’il fait nuit noire que Scar, simulant le deuil, prend le pouvoir et offre la Terre des Lions aux hyènes sur un plateau, sous l’œil consterné et désespéré de Rafiki. (« La mort de Mufasa est une horrible tragédie, mais perdre Simba, qui était à l’aube de sa vie, est pour moi un drame personnel d’une cruauté insoutenable. C’est donc le cœur brisé par le chagrin que je monte sur le trône, sachant que malgré notre infinie douleur, nous nous relèverons pour saluer l’avènement d’une ère nouvelle dans laquelle les lions et les hyènes s’uniront pour ériger l’avenir en un glorieux édifice!« ).
La nuit, de par son opposition au jour, est apparentée au mal, comme dans le Nouveau Testament, où 3:00 du matin est l’heure du démon, du mal, en opposition à 3:00 de l’après-midi, l’heure des miracles.
Lorsque Simba retourne sur la Terre des Lions et décide de se mesurer à Scar, le soleil, bien que caché par les gros nuages gris, signe de la malfaisance du règne de Scar, est couchant, à nouveau les prémices de la fin d’un règne, un règne qui se terminera dans les flammes et sous les crocs des hyènes.
II-Un écho shakespearien palpable mais trompeur
Lorsque l’on parle du Roi Lion, les fans associent souvent le film à Hamlet, la pièce la plus connue du dramaturge anglais William Shakespeare. Certains éléments du Roi Lion sont effectivement inspirés de Hamlet: l’oncle qui tue le père pour prendre sa place en tant que roi et le père qui parle à son fils en fantôme, entre autres. Allez, le crâne dans la main, je veux bien le compter, même si c’est léger. Les scénaristes, Irene Mecchi, Linda Woolverton et Jonathan Roberts, le producteur, Don Hahn, et les réalisateurs, Roger Allers et Rob Minkoff, se sont effectivement inspirés (mais très librement, alors) de Shakespeare, cependant la comparaison s’arrête là, car contrairement à Hamlet, Le Roi Lion n’est pas une tragédie. Afin que vous y voyiez plus clair, il me paraît dans l’ordre des choses que je rappelle le principe et les codes de la tragédie:
La tragédie met en scène un protagoniste dont le destin sera funeste, et le plus important: il est condamné à ce destin malheureux, il lui est impossible d’échapper à la mort. La fatalité est une thématique phare de la tragédie. Penchons-nous sur Hamlet en guise d’exemple:
Hamlet reçoit la visite du fantôme de son père qui lui révèle les circonstances de sa mort et lui demande de le venger en tuant son frère Claudius. Le destin sera tragique pour tous les protagonistes, Hamlet père est déjà mort, Ophélie meurt, Polonius meurt, Guildenstern, Rosencrantz, Gertrude, Laërte, Claudius et Hamlet, tous meurent.
Hamlet est un récit dont l’enjeu est la vengeance, une thématique également récurrente dans la tragédie. L’apparition du spectre constitue l’incipit de la pièce. En acceptant la requête du spectre de son père, Hamlet embrasse le sombre destin qui lui incombe et dont il ne peut se défaire. L’apparition du spectre est une malédiction. D’ailleurs, dans Hamlet, Gertrude est de mèche avec Claudius, au point de l’épouser après le fratricide de Hamlet père.
Le Roi Lion a un enjeu on-ne-peut-plus distinct: la réapparition de Mufasa dans le ciel survient au cours du dernier quart du film et constitue non pas le point de départ de l’intrigue mais une étape dans l’évolution du protagoniste.
Le fantôme de Mufasa demande à Simba de reprendre son destin en main alors qu’il est égaré et de prendre ses responsabilités (« Tu m’as oublié en oubliant qui tu étais. Regarde en toi, Simba. Tu vaux mieux que ce que tu es devenu, il te faut reprendre ta place dans le cycle de la vie. -Comment la reprendre? Je n’ai plus aucun pouvoir. -N’oublie pas qui tu es. Tu es mon fils, et c’est toi le roi« ).
Il n’est pas question de vengeance. Même si Simba est en colère contre Scar et qu’il le menace à plusieurs reprises, à aucun moment il n’est mu par une ambition meurtrière ou vengeresse, Simba le fait comprendre, même, en épargnant son oncle (« Tu n’oserais pas tuer ton vieil oncle? -Non, Scar, je ne vais pas te tuer. -Oh, Simba merci, tu as l’âme noble, je ne l’oublierai pas, je te le promets. Mais comment puis-je te prouver ma bonne foi? Dis-moi, chais pas, enfin, n’importe quoi. -Pars! Pars très loin, et ne reviens jamais.« ). À la fin, Simba ne tue pas Scar, il le jette du haut du Rocher des Lions sans lui ôter la vie, et il devient enfin le roi.
Simba est à des lieues de Hamlet. La distinction avec Hamlet vient aussi du fait que Scar règne seul, Sarabi n’est pas dans sa combine. En outre, une scène chantée coupée du film (réexploitée dans l’excellente comédie musicale de Broadway) révèle que Scar convoite Nala.
Un autre élément shakespearien du Roi Lion qui va en quelque sorte dans le même sens que Hamlet est la relation père-fils et leurs destins liés. Même là, la comparaison s’arrête ici, le traitement du sujet diffère drastiquement entre les deux œuvres. Dans Hamlet, Hamlet père condamne son fils au même destin que lui, un destin malheureux et inévitable, par désir de vengeance. Dans Le Roi Lion, Mufasa et Simba sont liés par le destin de l’accession au trône de la Terre des Lions, mais là encore, ce n’est en rien un destin tragique et fatal.
Le Roi Lion n’est pas une adaptation de Hamlet, et encore moins une tragédie. Au contraire, bien qu’il reprenne quelques bribes shakespeariennes, c’est beaucoup trop faible pour considérer le film comme une tragédie, il s’inspire à la place d’un autre type de récit.
(Et toc, ça, c’est dit!)
Parenthèse: Plagiat ou pas? On s’en fout pas un peu?
D’accord, le film est TRÈÈÈÈÈÈÈS inspiré du manga Le Roi Leo d’Osamu Tezuka (Peut-on vraiment parler de plagiat?), mais ne connaissant pas du tout l’œuvre, je ne peux pas m’étendre dessus et je vais par conséquent m’en tenir aux références que je connais le mieux. Voilà, je l’ai dit! Que les fans de Tezuka arrêtent de le rappeler aux fans du Roi Lion, maintenant! S’il vous plaît!
III-De la résonance intemporelle des mythes
1-Joseph Campbell, les archétypes et les symboles
L’équipe du film le dit, ça se voit dans le film, c’est évident, c’est un fait, Le Roi Lion est un récit on-ne-peut-plus fortement inspiré par les mythes. De l’Ancien Testament aux contes folkloriques, les mythes ont été la principale influence du Roi Lion. L’idée même de mythe est intrinsèque au film, à un point tel qu’une influence du film est le célébrissime ouvrage de Joseph Campbell « Le héros aux mille et un visages« .
« La fonction principale de la mythologie et du rite a toujours été de fournir à l’esprit humain les symboles qui lui permettent d’aller de l’avant et l’aident à faire face à ces fantasmes qui le freinent sans cesse.«
« Les archétypes qu’il s’agit de découvrir et d’assimiler sont précisément ceux dont s’inspirent […] les symboles fondamentaux du rituel, de la mythologie et de l’imagination. » Le concept des archétypes remonte au philosophe Carl Jung, ancien disciple de Sigmund Freud, devenu son rival, toujours est-il que Campbell a pris leurs travaux en exemple pour la rédaction de son livre.
Les récits mythologiques sont parsemés de symboles et d’archétypes. Les symboles et les archétypes sont essentiels pour la compréhension humaine, ce sont des repères dans notre façon de penser et de voir le monde. Notre imaginaire et notre subconscient sont constitués d’archétypes dont nous avons besoin. Peu importent les cultures, les époques ou les endroits, nous nous les partageons. Les grandes figures judéo-chrétiennes comme Moïse, le Christ, Joseph et Abraham sont simplement les équivalents de protagonistes comme Buddha ou de divinités telles que Krishna, Marduk, Horus ou le Quetzalcoatl.
« Because we were trying to work in the realm of archetypes, I think then as soon as you do that, you start to see how it relates to other great mythological stories. » « Comme on essayait de travailler avec les archétypes… on voit à quel point ça se rapporte aux autres grandes histoires mythologiques. »
Roger Allers, un des deux réalisateurs du film, ne croit pas si bien dire. Par l’intermédiaire de son ouvrage, Joseph Campbell a démontré à quel point les récits mythiques, mythologiques et folkloriques possèdent des points communs et se recoupent. Le Héros aux Mille et Un Visages a été la lecture de chevet de George Lucas à l’époque où il rédigeait ce qui allait devenir le scénario définitif de La Guerre des Étoiles, c’est en partie grâce au Monomythe que le film est devenu un classique du cinéma et de la pop-culture.
Mais le digne héritier de Joseph Campbell n’est autre que Christopher Vogler, l’écrivain et analyste pour les studios d’Hollywood qui a écrit Le Guide du Scénariste (The Writer’s Journey), une sorte de transposition et de mode d’emploi du Voyage du Héros au cinéma dans l’écriture de scénario. Le livre s’inspire directement du Héros aux mille et un visages, Christopher Vogler se réclame directement de Joseph Campbell. Vogler a notamment été consultant sur Le Roi Lion, tout est lié!!!
Le Roi Lion puise ses inspirations dans un certain type de mythe, un type de mythe bien distinct qui ne rend le film que plus puissant:
2-Une empreinte biblique et religieuse assez légère néanmoins non négligeable
Le scénario du Roi Lion puise son inspiration dans l’Ancien Testament et les mythes religieux.
L’apparition du fantôme de Mufasa dans le ciel est somme toute comparable au buisson ardent de l’Exode (Don Hahn effectue cette comparaison dans le making-of). Contrairement à Hamlet où l’apparition du spectre de Hamlet père est une malédiction, l’apparition de Mufasa fonctionne comme une révélation pour Simba. Le buisson ardent est L’exemple par excellence de la révélation, que dis-je? La mère de toutes les révélations, avec la Révélation sur le Sinaï après que Moïse a guidé les Israélites hors d’Égypte.
Il est en fait assez intéressant et pertinent d’établir un parallèle entre Simba et Moïse. Leurs parcours ne sont pas trop différents: Moïse vivait comme prince d’Égypte et s’est exilé après le meurtre d’un Égyptien, et c’est pendant son exil qu’il découvre le buisson ardent et reçoit la Révélation de Dieu ; enfin, après la révélation, Moïse retourne en Égypte et se mesure à Pharaon.
Un rapprochement avec le mythe de Gautama Buddha est possible, bien que son parcours soit trop distinct (contrairement à Moïse et Simba qui s’exilent par culpabilité à cause d’un meurtre, Buddha s’exile parce qu’il est las de sa vie luxueuse de prince), sa Révélation qui est l’atteinte de l’Illumination après sa longue méditation ne se suit pas par un retour de Buddha chez lui.
La comparaison avec l’Exode peut même aller un peu plus loin! La Terre des Lions devient un désert aride, les animaux s’en vont, un éclair embrase la brousse, à quoi est-ce que ça vous fait penser? Bien sûr, les dix plaies d’Égypte! Pharaon a eu le Nil changé en fleuve de sang, les grenouilles, les moustiques, les mouches, la mort des troupeaux, la peste des furoncles, la pluie de boules de feu, les sauterelles, les ténèbres et la mort des premiers-nés, Scar a eu la sécheresse, la famine, l’abandon de tous les animaux, etc.
D’un certain point de vue, il est intéressant de s’interroger sur la nature véritable de ces bouleversements. Certes, il s’agit d’une rupture naturelle de l’équilibre et du cycle de la vie causée par l’usurpation du trône de la Terre des Lions par Scar et par la domination des hyènes (« Tout ce que tu vois obéit aux lois d’un équilibre délicat. En tant que roi, il te faut comprendre cet équilibre et respecter toutes les créatures, de la fourmi qui rampe à l’antilope qui bondit. -Mais les lions mangent les antilopes! -Oui, Simba, mais laisse-moi t’expliquer. Quand nous mourons, nos corps se transforment en herbe, et l’antilope mange l’herbe. C’est comme les maillons d’une chaîne dans le grand cycle de la vie. »), néanmoins ces phénomènes ne se limitent pas à ça, il y a autre chose, quelque chose de plus… de plus grand!
Mufasa, symbole divin?
Les théories et interprétations varient en fonction des spectateurs, mais la théorie la plus courante porte à croire que le déclencheur de ces « plaies » n’est autre que Mufasa. Une hypothèse fascinante. Mufasa s’est manifesté auprès de Simba sous forme de fantôme dans le ciel pour lui faire part de sa Révélation, il aurait acté la rupture de l’équilibre et du cycle de la vie en représailles contre l’infamie de Scar. Nous avons vraisemblablement affaire à une figure et surtout un symbole divins. Mufasa ne serait-il pas, dans une certaine mesure, une métaphore de Dieu?
Cette hypothèse se raccorde on-ne-peut-plus aisément au caractère mythologique et à la vision de Roger Allers, de même que le deuxième volet, Le Roi Lion 2: L’honneur de la tribu, semble confirmer cette théorie: en effet, au début du film, lorsque Rafiki présente Kiara, la fille de Simba et Nala, au peuple de la Terre des Lions, Mufasa apparaît dans le ciel, et dans une scène plus tard, il communique avec Rafiki par l’intermédiaire de courants d’air.
D’ailleurs, dans la version originale, qui de mieux pour incarner Mufasa que James Earl Jones? Connu pour être la voix de Dark Vador et pour le rôle de Thulsa Doom dans Conan Le Barbare, James Earl Jones est connu pour sa voix grave caverneuse et pénétrante, une voix qui force le respect. Sa voix appuie considérablement l’aura divine de Mufasa.
Il en est de même pour la version française, en tous points supérieure à la version originale. Jean Reno incarne Mufasa avec une prestance inhabituelle pour un acteur de son acabit (Déjà à l’époque, ses rôles dans Nikita, Le Grand Bleu et Les Visiteurs étaient à des lieues de Mufasa). Sa voix, elle aussi grave et caverneuse, est en revanche plus équilibrée dans les tons que la voix extrêmement grave de James Earl Jones (sachant que ce dernier a souvent interprété des antagonistes, comme Dark Vador et Thulsa Doom, statut qui colle avec son timbre extrêmement grave). Ainsi, Jean Reno rend Mufasa plus noble et magnanime, sans amenuiser sa prestance et sa portée divine, bien au contraire, il les ravive.
Simba, figure du héros mythologique presque prophétique
Mais revenons-en à Simba, le héros du Roi Lion. Son parcours est comparable à celui de Moïse: il grandit en prince sur la Terre des Lions. Mufasa meurt, Simba culpabilise pour la mort de son père. Il s’enfuit et erre dans le désert, jusqu’à refaire sa vie au loin, avec Timon et Pumbaa. Des années plus tard, il est retrouvé par Nala. Après s’être mis un peu à dos ses amis, Simba, entièrement perdu et seul, rencontre Rafiki, qui le mène à la Révélation. Le fantôme de Mufasa apparaît dans le ciel et demande à Simba de reprendre sa vie en main et de prendre ses responsabilités en devenant roi. Inspiré, Simba retourne sur la Terre des Lions, accompagné de Nala, Timon et Pumbaa, se mesure à Scar, le vainc et devient enfin le roi de la Terre des Lions.
Je parle bien de Simba en tant que héros car son parcours est, à l’instar de Luke Skywalker, un cas d’école de l’application du schéma du voyage du héros conçu par Joseph Campbell.
Que je vous rappelle les étapes du voyage du héros:
-Départ:
1-L’appel de l’aventure
2-Le refus de l’appel
3-L’aide surnaturelle
4-Le passage du premier seuil
5-Le ventre de la baleine
-Initiation:
1-Le chemin des épreuves
2-La rencontre avec la déesse
3-La femme tentatrice
4-La réunion au père
5-Apothéose
6-Le don suprême
-Retour:
1-Le refus du retour
2-La fuite magique
3-La délivrance venue de l’extérieur
4-Le passage du seuil au retour
5-Maître des deux mondes
6-Libre devant la vie
L’appel de l’aventure se caractérise dans Le Roi Lion par la mise en garde de Mufasa et la fausse mise en garde tentatrice de Scar, illustration du héraut, à Simba sur le territoire dans l’ombre derrière la frontière, le cimetière d’éléphants. Le refus de l’appel est exclu et l’aide surnaturelle reportée. Le passage du premier seuil, c’est Simba et Nala qui échappent de peu à la mort par les hyènes. Quant au ventre de la baleine, il est symbolisé par la débandade des gnous et la mort de Mufasa. C’est lorsque Simba est exilé de la Terre des Lions par Scar que l’initiation démarre, en somme. La survie face aux hyènes qui essaient une nouvelle fois de le tuer et l’errance dans le désert constituent le chemin des épreuves. En revanche, une fois que Simba rencontre Timon et Pumbaa, les étapes se mélangent, changent de place ou disparaissent. Les retrouvailles de Simba et Nala mêlent la rencontre avec la déesse, la femme tentatrice et la délivrance venue de l’extérieur ; le refus du retour arrive déjà avec leur dispute ; la rencontre de Simba avec Rafiki, c’est l’aide surnaturelle ; l’apparition du fantôme de Mufasa mêle la réunion au père, l’apothéose et la délivrance venue de l’extérieur. Vers la fin, les choses se stabilisent à nouveau, le retour de Simba sur la Terre des Lions et son affrontement avec Scar constituent le passage du seuil au retour et le Maître des deux mondes. Quant à l’épilogue, il regroupe l’apothéose, illustré par la puissante montée de Simba sur le Rocher des Lions et la liberté devant la vie.
La montée sur le Rocher des Lions à la fin symbolise à elle seule l’évolution de Simba, c’est une synthèse du chemin des épreuves, l’apothéose intervient lorsque Simba se retrouve au sommet, entend la voix de son divin père (« N’oublie pas…« ) et pousse son puissant rugissement. La partition de Hans Zimmer accompagne la scène à merveille, retranscrivant parfaitement la puissance grandissante de Simba jusqu’à son apogée.
Sans y être totalement fidèle, Le Roi Lion reprend assez bien dans l’ensemble le schéma du voyage du héros tel que construit par Joseph Campbell.
Irene Mecchi, Linda Woolverton et Jonathan Roberts, de ce fait, aspirent à octroyer une portée universelle au film, à le compter parmi les nombreux mythes du monde entier. Quant à Simba en lui-même, il représente une figure parfaite du héros mythologique proche du prophète, son parcours étant d’une similarité considérable avec ceux de Moïse et de Joseph (celui de la Genèse, hein, pas Joseph d’Arimathie).
En réalité, dans la mesure où Mufasa est un symbole divin et vivant en Simba (« Tu vois? Il vit en toi!« ), Simba, par son retour sur la Terre des Lions et apportant avec lui un retour à la prospérité et éloignant le mal, est carrément un prophète (certes, il n’apporte pas une révélation pour un peuple, cependant toutes les autres caractéristiques sont présentes)!
Un passage du Héros aux mille et un visages abonde également dans ce sens:
« Il se révèle que les pouvoirs divins recherchés et dangereusement acquis étaient de tous temps dans le cœur du héros. Il est « le fils de roi », qui est parvenu à savoir qui il est et qui, de ce fait, est entré en possession de sa propre puissance. Il est « fils de Dieu » et il a appris à connaître tout ce que ce titre signifie. De ce point de vue, le héros est le symbole de l’image divine, créatrice et rédemptrice, qui est cachée en chacun de nous, n’attendant pour revenir à la vie que d’être reconnue. »
Ce passage pourrait octroyer à Simba une figure presque christique! Ou bien c’est moi qui m’emballe.
C’est ainsi que se manifeste la puissance de la scène du fantôme de Mufasa: dès que Simba regarde dans l’eau, son reflet se trouble pour laisser apparaître celui de Mufasa. La réplique de Rafiki « Il vit en toi« , d’une importance primordiale (qui est même le titre d’une des chansons écrites pour le film par Lebo M. et Hans Zimmer, hélas abandonnée pour Le Roi Lion, mais réutilisée pour la comédie musicale et le deuxième film), résumant à elle seule ce passage, renforce la pertinence de ce même passage.
Cas de figure 1: L’empreinte
Dans cette scène, après avoir sauvé les enfants des hyènes, Mufasa a envoyé Zazu reconduire Nala chez elle pour rester seul avec Simba (« Zazu! -Oui, sire…? -Reconduis Nala chez elle, je dois parler à mon fils. Il a besoin d’une leçon. -Viens, Nala. Simba, (soupire) courage. -Simba!« ). Simba, appelé, rejoint son père, penaud, dans le plus grand silence, à la tombée de la nuit. Dans sa marche, il bute sur une grande empreinte creuse et profonde (celle de Mufasa), tellement grande que sa propre patte est même au moins trois fois plus petite que la paume.
Que dit Mufasa à Simba?
« Simba, tu me déçois beaucoup. -Je sais… -Tu aurais pu te faire tuer, tu m’as désobéi délibérément, et pire encore, tu as mis Nala en danger! -Je voulais essayer d’être brave comme toi. -Je ne suis brave que lorsqu’il le faut. Simba, être brave ne veut pas dire risquer l’impossible. -Mais toi, tu n’as peur de rien. -Aujourd’hui, si. -Ah oui? -Oui. J’ai eu peur pour toi. -Alors même les rois ont peur? -Mm-hm.«
Les enfants ont besoin d’un modèle, d’une figure adulte, pour grandir et se développer. Simba veut prendre exemple sur son père, mais il est confronté à un monde auquel il n’est pas en mesure de faire face. Bien que faisant preuve de bravoure en sauvant Nala des griffes de Shenzi dans le cimetière d’éléphants, il peine à se mesurer au danger, et Mufasa remettait déjà les points sur les i avec son rugissement pénétrant et son intervention surprise.
Simba qui bute sur l’empreinte, c’est Mufasa qui remet Simba à sa place pour sa désobéissance, son imprudence et son envie maladroite de faire ses preuves parce qu’il est encore trop jeune et néophyte.
Cas de figure 2: Les rois du haut des étoiles
« Rien ne nous séparera jamais? -Simba, je vais te raconter ce que me disait mon père. Regarde le ciel. Les rois des siècles passés nous contemplent du haut des étoiles. -C’est vrai? -Oui. chaque fois que tu te sentiras seul, n’oublie pas que tous ces rois seront là pour te guider. Et que je serai parmi eux.«
L’extrait du Héros aux mille et un visages plus haut se confirme dans le dernier acte du film. Dans la scène où Scar brutalise Sarabi (« Il faut quitter la Terre des Lions! -Je refuse de partir! -Alors nous sommes tous condamnés! -Et après? -Tu n’as pas le droit! -Je suis le roi, je fais ce qu’il me plaît! -Si tu avais la noblesse de Mufasa… -JE SUIS DIX FOIS SUPÉRIEUR À MUFASA!!!« ), Simba réapparait en grandes pompes sous un éclair. Scar recule en prenant peur (« Mufasa! Non, tu es mort!« ). Même Sarabi croit reconnaître Mufasa en voyant Simba (« Mufasa…? -Non. C’est moi. -Simba? Tu es en vie! Mais comment as-tu fait? -C’est sans importance, je suis là.« ).
Est-ce une coïncidence si Scar s’apprête à tuer Simba de la même manière que Mufasa, agrippé en haut d’une falaise? (Comme le narre Claude Brasseur dans la version audio du Roi Lion: « Simba, avec beaucoup de difficulté, essayait de garder l’équilibre, agrippé au rocher de la falaise. Il ne savait pas qu’il se trouvait dans une situation identique à celle que son père avait connu juste avant sa mort.« ) La tirade de Scar railleur au bord de la falaise, regardant Simba de haut, est lourde de sens (« Tiens tiens, ce regard m’est familier, hmmmm… Il me sembla l’avoir déjà vu quelque part, laisse-moi réfléchir… Ooooooh oui, ça y est, je me le rappelle! C’est le regard qu’avait ton père juste avant de mourir! Écoute mon petit secret: C’est moi qui ai tué Mufasa!« )
Scar, à la fois le héraut et le mal
L’appel de l’aventure ne vient pas au héros en un claquement de doigts. Un tiers a pour objectif de tenter le héros, de le pousser à l’aventure, il s’agit du héraut. Dans tous les mythes, le héraut est une manifestation surnaturelle, un « miracle », mais pas cette fois-ci. Le héraut n’est autre que Scar.
En faisant croire que parler de cimetière d’éléphants lui avait échappé (« Oooooh, suis-je bête, c’est parti tout seul!« ) et en faisant sournoisement « promettre » à Simba de ne pas y aller (« Mais fais-moi plaisir: promets-moi que tu n’iras jamais visiter cet effroyable endroit. -Pas de problème. -Tu es un bon garçon. Allez, va t’amuser, maintenant! Et n’oublie pas! C’est notre petit secret!« ), Scar tente Simba pour qu’il s’aventure dans le cimetière d’éléphants, le premier seuil de l’aventure.
En revanche, le héraut n’est pas forcément une émanation d’apparence bienveillante. « Souvent, le héraut, l’annonciateur de l’aventure, est sombre, repoussant ou terrifiant, et le monde le considère comme mauvais […], un personnage mystérieux et voilé. »
C’est ainsi que le choix de Jean Piat au doublage se révèle audacieux (et finalement payant, il remettra le couvert pour doubler Claude Frollo deux ans plus tard dans Le Bossu de Notre-Dame), lui qui a le plus souvent doublé des personages héroïques ou juste bienveillants (Comme T.E. Lawrence (Peter O’Toole) dans Lawrence d’Arabie de David Lean, et bien plus tard Gandalf (Sir Ian McKellen) dans les trilogies Le Seigneur des Anneaux et Le Hobbit de Peter Jackson).
Scar a une apparence tout sauf bienveillante. Le méchant, la force obscure, serait donc celui qui a poussé Simba à l’aventure. Aurait-il inconsciemment créé le héros?
Considéré comme un des plus redoutables antagonistes de Disney (aux côtés de Jafar, Hadès, la Méchante Reine et Maléfique), Scar est un archétype du mal. Dépeint comme particulièrement fourbe et malveillant, il ne considère même pas les hyènes comme ses amis, seulement des sujets et des pions. Tout ce qu’il veut est le pouvoir pour lui tout seul, peu importe les moyens. Sa ruse et sa fourberie font de lui un être machiavélique et maléfique.
Sans être un méchant cliché « Ouh là là, je suis méchaaaant, je fais le maaaal parce que je suis un méchant vilain pas beau », ni un antagoniste gris blasant (Coucou Abuela dans Encanto: La Fantastique Famille Madrigal), il représente une véritable menace, avec l’avantage d’être un membre de la famille royale (alors qu’à la base, Scar était pensé comme un lion solitaire renégat sans aucun lien avec Mufasa et Simba). Il n’est plus redoutable ennemi que celui qui vit parmi nous.
C’est là qu’on se rend compte que le rapprochement avec Hamlet perd son sens parce que ce choix des scénaristes relève de la coïncidence avec la pièce de Shakespeare.
(Bon, Mufasa aurait quand même pu faire preuve d’un peu de jugeote!)
Cas de figure 3: Longue vie au roi
Regardez ce plan, le prélude à l’acte fatal de Scar! Dans ce plan face-à-face, Scar est à l’ombre et tient Mufasa littéralement entre ses griffes! Scar s’avance et entraîne Mufasa dans son ombre, le tenant sous son emprise et lui révélant son vrai visage.
Voyez comme on peut lire dans ces deux plans qui se succèdent l’incompréhension et surtout la terreur sur le visage et dans les yeux et la gueule béants de Mufasa, voyant avec stupeur la trahison de son frère. Comment rester insensible à ce regard?
On sait ce qui va se passer, c’est gros comme une maison, mais l’anticipation de l’acte est la clef. Ce court moment de flottement et de suspense est haletant.
IV-Le passage à l’âge adulte
Rob Minkoff, co-réalisateur du film, a dit dans le making-of:
« It’s the big story that everybody deals with, which is dealing with life in the face of death. »
« Tout le monde doit gérer ça, gérer la vie quand on est confronté à la mort. »
Cas de figure: La mort de Mufasa
C’en est fait. Scar a lâché Mufasa, le laissant s’écraser au fond des gorges et se faire piétiner à mort par les gnous. Simba retrouve le corps inerte de son père. Il essaie désespérément de le ramener et le relever, dans un genre de déni, en vain (« P’pa… tu te réveilles? Il faut que tu te lèves… p’pa… Viens, on rentre!« ).
Lorsque Simba se met sous le bras inerte de son père, il est toujours dans cette sorte de déni, comme si la présence du corps de Mufasa, même mort, et ce pseudo-câlin lugubre lui apportaient un semblant de réconfort. La mort de Mufasa est déchirante, beaucoup ont pleuré comme des madeleines (moi comprise) devant cette scène, surtout enfants, car cette perte, cette épreuve, nous renvoie à une peur, une peur bien connue, celle de l’abandon. Cette peur se manifeste à plusieurs stades et moments de notre jeunesse.
Lorsque nous avons grandi entourés et aimés par nos parents, notre pire peur est qu’un jour, ils ne soient plus là. Rien ne nous terrifie plus que de perdre ceux qu’on aime et qui nous aiment et nous ont aimés, en particulier nos parents, qui nous ont portés, nourris et élevés, et surtout de nous retrouver seuls. Si cette peur s’amenuise à l’âge adulte, en revanche, pour les plus jeunes, c’est un cauchemar. Les enfants, eux, ne s’en soucient pas, baignant dans une certaine innocence, de ce fait les priver de leurs parents du jour au lendemain serait un traumatisme.
Pendant les années où il vit avec Timon et Pumbaa, Simba, bien que grandissant physiquement et devenant un grand lion, ne grandit pas vraiment dans sa tête. Le Hakuna Matata ne lui permet pas de se développer, il passe par une sorte de phase de stagnation mentale, Timon et Pumbaa ne le rendent pas tellement plus mature. Ce sont Nala et Rafiki qui le sortent de sa… sa… saaaaa… « léthargie » afin qu’il renoue avec lui-même, par l’intermédiaire du fantôme de Mufasa.
Simba n’évolue que très tard sur sa culpabilité par rapport à la mort de son père. Même adulte, lorsqu’il se met Nala à dos, il s’en prend à lui-même (« Tu disais que tu veillerais sur moi! Mais tu n’es pas là… à cause de moi. C’est ma faute. C’est MA faute« ).
Plus tard, dans le dernier acte, alors qu’il semblait avoir changé, Scar remet Simba à sa place (« Aaaah, tu ne leur as pas raconté notre petit secret? Eh bien Simba, voilà l’occasion idéale de le faire! Dis-leur qui est responsable de la mort de ton père! -…C’est moi. -Non, c’est… faux. Dis-moi que c’est faux! -…Non, c’est lui qui a raison… -Vous voyez? Il reconnaît la vérité, assassin! -Non, c’était un accident! -Sans toi, Mufasa serait encore vivant! C’est à cause de toi qu’il est mort! Faut se le nier? -Non! -C’est donc toi, l’assassin! -Je ne suis pas un meurtrier! -Oh, décidément, tu cherches les ennuis, mais aujourd’hui, papa n’est pas là pour te sauver, et maintenant tout le monde SAIT POURQUOI!!!« )
La culpabilité et le secret sont ses points faibles. Seul Scar le savait: « Et n’oublie pas! C’est notre petit secret! », « Toi, tu restes sur ton rocher, et promets-moi de ne pas faire de bêtises, comme l’autre jour avec les hyènes. -On t’en a parlé? -Simba, tout le monde m’en a parlé. -Ah oui? -Oh ouiiii. Une chance que ton père ait été là pour te sauver! Et tout à fait entre nous, tu pourrais travailler ton petit rugissement, mmmmmmh? », « Bien sûr, bien sûr que tu ne le voulais pas. Personne ne peut vouloir des choses si horribles. Mais le roi est mort, et sans toi, il serait encore en vie. Qu’est-ce que ta mère dira? -Mais qu’est-ce que je peux faire, alors? -Sauve-toi, Simba. Pars, pars très loin et ne reviens jamais. », « Aaaaah, tu ne leur as pas raconté notre petit secret? Eh bien Simba, voilà l’occasion idéale de le faire! Dis-leur qui est responsable de la mort de ton père! »
C’est la seule tare dont Simba ne s’est pas affranchie. Grandir et reprendre sa vie et ses responsabilités en main, ça c’est fait, mais il ne s’est au fond de lui jamais dépêtré de sa culpabilité pour la mort de son père, et malheureusement, rien de ce qu’il a traversé ne l’a aidé de ce côté, il l’a juste refoulée.
V-Le doublage français
C’est une indéniable plus-value au film, au point d’en être indissociable: comme à l’accoutumée chez Disney, jusqu’aux années 2010, les doublages sont de qualité supérieure, et Le Roi Lion ne fait certainement pas exception, au contraire.
Je l’ai dit plus haut, la VF est supérieure à la VO, que pourtant j’aime beaucoup! James Earl Jones est divin sur Mufasa, et c’est d’ailleurs l’actrice Madge Sinclair, décédée un an après la sortie du film, qui lui donnera la réplique en tant que Sarabi, six ans après que les deux acteurs ont incarné le couple royal de Zamunda dans Un Prince à New York de John Landis. Jeremy Irons est exquisement ténébreux et élégant sur Scar, un an avant d’incarner Simon Gruber dans Die Hard 3: Une journée en enfer de John McTiernan. Matthew Broderick est très bon sur Simba, Robert Guillaume est haut en couleurs sur Rafiki. Nathan Lane et Ernie Sabella ont une énorme alchimie dans les rôles de Timon et Pumbaa, et ce jusqu’aux deux suites (Surtout Le Roi Lion 3)! Cheech Marin, Whoopi Goldberg et Jim Cummings forment un trio génial dans les rôles de Banzaï, Shenzi et Ed! Et enfin, et pas des moindres, Zazu est incarné non sans un certain panache par le roi de l’humour britannique Rowan Atkinson! À la fin de la chanson Je voudrais déjà être roi (I Just Can’t Wait To Be King dans la VO), Zazu est coincé sous les fesses d’un rhinocéros, et Rowan Atkinson fait carrément la voix de Mr. Bean, c’est énorme!
Mais c’est la VF qui nous intéresse ici, n’est-ce pas?
Aparté: Une blague dans l’adaptation
Dans la chanson Je voudrais déjà être roi, on entend Zazu chanter « Si tu confonds la monarchie avec la tyrannie, vive la république, adieu l’Afrique, je ferme la boutique! Aaaaaaah! Prends garde, lion, ne te trompe pas de voie! » L’adaptateur des chansons, Luc Aulivier, c’est bien fait plez avec une petite blagounette bien parisienne dans ce couplet! Bah oui, « Prends Gare de Lyon, ne te trompe pas de voie! » Est-ce que Zazu parle à Simba, ou bien à un mec qui doit choper son TGV pour Nîmes?
Revenons au sujet.
La direction artistique du doublage du Roi Lion a été menée d’une main de maître par la regrettée Perrette Pradier, immense comédienne et directrice artistique (à qui l’on doit également les doublages d’Aladdin, Hercule et Mulan, entre autres), qu’on peut entendre sur le personnage de Sarafina, la mère de Nala. J’ai déjà parlé de l’excellente prestation de Jean Reno sur Mufasa, donc pas la peine de revenir là-dessus.
J’avais parlé rapidement de Jean Piat plus haut, mais pas assez. Il incarne parfaitement le personnage de Scar, archétype du mal, mais sournois, maniéré et élégant, il le fait mieux que Bernard Tiphaine (Vous pouvez trouver ses enregistrements pour le film sur Internet et dans la version audio courte de Claude Brasseur), n’en déplaise à ses fans, j’adore ce comédien.
Simba, de son côté, est interprété adulte par Emmanuel Curtil. Vous le connaissez pour ses performances de doublage poilantes sur Jim Carrey, Mike Myers, Sacha Baron Cohen ou tout simplement Kronk. Or, dans Le Roi Lion, il est tout en sobriété sur Simba et montre qu’il sait incarner des personnages sérieux et héroïques, preuve en sera quatre ans plus tard lorsqu’il doublera Moïse dans l’excellent film d’animation Le Prince d’Égypte, adapté de l’Exode, chez Dreamworks (Tout se recoupe!!!).
Timon et Pumbaa, les personnages parmi les plus hauts en couleurs du film, sont interprétés par le tandem Jean-Philippe Puymartin et Michel Elias, ils sont dans un travail de composition délicieusement cartoonesque (malheureusement, Puymartin deviendra lourdingue sur Timon dans Le Roi Lion 2: L’honneur de la tribu).
Je ne peux omettre les performances déjantées de Michel Mella et Maïk Darah dans les rôles de Banzaï et Shenzi (Ed ne compte pas, parce que Jim Cummings, sa voix originale, est la même pour toutes les versions).
Et enfin, et non pas des moindres, c’est le regretté Med Hondo qui interprète Rafiki, dans tout le film, sauf une scène. En effet, Med Hondo avait doublé presque toutes ses répliques, sauf une. Il était également réalisateur, de son vivant. La dernière image avec la dernière réplique (« C’est l’heure ») est arrivée au studio Dubbing Brothers pour le doublage, mais pas de bol, Med Hondo était en tournage au Mali pour le film Lumière Noire avec le comédien Patrick Poivey. C’est Fred Taïeb, co-fondateur de Dubbing Brothers et superviseur du doublage du Roi Lion, qui l’a remplacé au pied levé pour cette petite réplique. Ça fait une belle petite anecdote, n’est-ce pas? Cette anecdote a été relayée par le blogueur Rémi Carémel dans son article hommage à Fred Taïeb, et complétée (toujours par Rémi Carémel) dans une vidéo du youtubeur Nicolas Delage consacrée à toute cette histoire.
VI-Partie personnelle: une frayeur insolite
J’ai vu Le Roi Lion pour la première fois quand j’avais deux ans. À cette époque-là, mes parents avaient un lecteur DVD multizone et avaient acheté donc le film en DVD édition collector, mais en zone 1 (avec tout de même la VF dedans). Ce DVD contient deux disques, l’un avec le film, l’autre avec les bonus (Il m’a bien aidée pour la rédaction de cette chronique), et surtout un dépliant qui sert de guide pour le DVD. Le dépliant et le disque des bonus se partagent une image bien particulière: un acacia, issu d’une illustration pour le découpage technique du film. Il s’est retrouvé un petit peu partout dans tout ce qui tourne autour du Roi Lion (Y compris sur certaines affiches américaines, espagnoles et allemandes), vous avez probablement déjà dû tomber dessus une fois par hasard, l’original ou même une version recyclée.
Croyez-moi ou pas, depuis toujours, cet acacia me fout les jetons et m’a fait faire des cauchemars (Je le revois encore souvent en rêve). Ne cherchez pas à comprendre, même un psychanalyste jetterait l’éponge. Je mets au défi tout psy qui lira cette chronique de comprendre cette frayeur!
Conclusion
Le Roi Lion propose de nombreux niveaux de lecture qui s’adressent à tous les âges. Les plus jeunes verront un Disney avec des chansons et des personnages qui les amuseront, le public lambda verra probablement un Disney mature qui ne laisse pas indifférent et les aficionados des mythes verront probablement une épopée grandiloquente de portée mythologique. Le Roi Lion est le film de ma vie, une œuvre qui fait partie de moi depuis le début de ma vie, que je garderai mienne éternellement et que jamais je ne renierai.
Synopsis
Simba (Dimitri Rougeul puis Emmanuel Curtil), jeune lion, fils de Mufasa (Jean Reno), est destiné à régner sur la Terre des Lions. Mais son oncle Scar (Jean Piat), jaloux de lui et de sa position d’héritier royal, complote dans l’ombre avec son trio de hyènes, Banzaï (Michel Mella), Shenzi (Maïk Darah) et Ed (Jim Cummings) pour écarter Mufasa et Simba afin de jouir du trône.