Ce film de Joachim Lafosse réussit l’exploit d’évoquer un cas fictif mais bien crédible de bipolarité avec un maximum de pincettes et de pudeur. Le couple formé par Leïla Bekhti et Damien Bonnard est criant de vérité avec des blessures, des cicatrices et l’incompréhension qui s’installe malgré tous les efforts consentis. C’est fort et poignant.
La maladie au cinéma, pas un sujet facile
Le couple d’acteurs attire à lui la caméra à travers toutes les vicissitudes d’une maladie qui fait alterner les moments de grande euphorie et de grand abattement au risque de perdre l’entourage. Damien est un peintre de grand talent, investi dans son art, et il est atteint de bipolarité. Un traitement lourd à base de lithium et de fréquents passages à l’hôpital ne parviennent pas à le stabiliser. Surtout qu’il refuse de prendre trop régulièrement son traitement de peur de perdre sa flamme artistique. Ce sont son fils et son épouse Leïla qui trinquent, entre cris, explications musclées et appel au Samu quand la situation dérape trop. Le film est d’une justesse proprement incroyable, rien n’est exagéré, ni les pertes de sommeil, ni la suractivité, ni l’envie d’en rire, ni la fatigue de l’entourage ni l’inévitable abattement final de celui ou celle épuisé par sa pathologie au risque de tomber dans le gouffre de la dépression. L’environnement du film est chatoyant avec une belle et grande maison perdue dans un bois, un lac à proximité et deux carrières qui fonctionnent à plein. Sauf que Damien est gonflé à l’hélium, s’il s’envole trop, il se brûle les ailes pour une chute sans fin. Pas facile d’aborder un tel sujet dans un film, le drame n’est jamais très loin, la douleur aussi. L’aide d’un entourage non soignant est souvent insuffisante pour stabiliser un malade dont la pathologie psychiatrique devient presque une partenaire de vie, à prendre en compte, à surveiller et à faire taire quand elle s’impose trop. Pas facile d’agir quand on est soi-même le malade, la bipolarité met des œillères sur les yeux en même temps qu’elle rend excessivement euphorique. L’attention constante des proches permet de désamorcer les crises, à la condition d’une prise de médicament stricte et régulière. Pas simple, comme le montre le film. L’impossibilité des proches à apporter de l’aide fait peine à voir, le trouble devient presque communicatif avec une paranoïa excessive chez ceux qui côtoient le malade trop souvent. Une vraie quadrature du cercle, surtout que la montée progressive de la crise rend le malade plutôt rigolo avec son comportement constant de type cap ou pas cap avec tout le danger que cela représente, évidemment non compris par le malade. Mais non, ce n’est pas drôle comme le montre bien le dénouement du film, tout en fin ouverte, avec Leïla qui ne peut plus rien faire et choisit d’éloigne avant tout son fils du danger que représente Damien. Vraiment pas simple.
Le film est une belle prouesse, toujours sur la corde raide, jamais mensonger, toujours réaliste. Pas la sortie au cinéma la plus divertissante du monde, mais un film utile pour informer et prévenir du danger que représente cette pathologie pour les malades et leurs proches.
Synopsis: Leila et Damien s’aiment profondément. Malgré sa fragilité, il tente de poursuivre sa vie avec elle sachant qu’il ne pourra peut-être jamais lui offrir ce qu’elle désire.