Dans le genre ovni difficile à résumer, le film Cette musique ne joue pour personne est du grand art. Un chef de gang mène une petite troupe dévouée à la baguette alors que l’amour, le théâtre et la poésie s’immiscent dans leurs existences sans saveur. Casting de choix pour un film au ton entre Groland et no sense. Beaucoup crient au génie, ils ont peut-être raison tant le film se révèle d’une sensibilité redoutable.

Un film sans histoire mais pas sans sentiments

François Damiens interprète une sorte de chef de gang devant la caméra d’un Samuel Benchetrit en grand forme. Autour de lui, une petite troupe de lieutenants exécutent ses ordres avec déférence et sans rechigner. Joey Starr et Bouli Lanners sont chargés d’organiser une boum pour la fille de leur chef, enjoignant tous les amis réticents à accepter l’invitation, quitte à utiliser la force. Gustave Kervern est le tueur à gages qui tombe amoureux de Vanessa Paradis et va interpréter Jean-Paul Sartre dans une pièce de théâtre où elle est Simone de Beauvoir, aka Castor. Le chef est amoureux d’une caissière et charge Ramzi de lui apporter des poèmes de sa composition pour la séduire. Bruno Podalydès est un metteur en scène de théâtre dans la lune. Vincent Macaigne fait une apparition remarquée, les péripéties sans queue ni tête se succèdent et c’est… juste magique. Cette invraisemblable de prolos gangsters pied-nickelés est un tour de force car elle ne tombe jamais dans la surenchère gratuite ni l’ennui, bravo au réalisateur. Il va au bout de son concept pour une vraie bienveillance finale malgré les tueries sauvages et les règlements de compte. Faire louvoyer ainsi son film entre des registres si différents sans que l’ensemble ne tourne à la mascarade, c’est génial. Surtout que les pavillons de banlieue se succèdent, les containers sur le port, le collège avec ses ados vulgaires et boutonneux, l’environnement n’est pas du tout ragoutant, volontairement peut-on croire, mais on s’attache à ces personnages si peu commodes et pourtant très humains. Peut-être parce que l’art s’insinue dans leurs existences sans ampleur pour leur donner un cœur et un motif de se raccrocher à la vie, un cœur énorme et qui fait plaisir.

Le film est une vraie expérience de cinéma à découvrir pour comprendre que l’absurde a parfois du sens quand la culture vient sauver la âmes de la noirceur.

Synopsis: Dans une ville portuaire, des êtres isolés, habitués à la violence, vont soudain voir leurs vies bouleversées par le théâtre, la poésie et l’art. Et leurs quotidiens, transformés par l’amour…