Stanislas: autopsie d’une Amérique désabusée mais heureuse en marge du capitalisme forcené (Note: 3/5)

Tout auréolé de ses 3 récompenses majeures aux derniers Oscars (Meilleur film, Meilleure réalisation et Meilleure actrice), Nomadland s’inscrit dans la veine d’un cinéma indépendant US humaniste et antisystème, dans le respect de la loi et des autres, avec les moyens du bord et une haute dose de débrouille. Des vrais films socialistes en somme, loin de Trump mais plus près des pères fondateurs et des pionniers. Ce n’est pas nouveau, le film fonctionne très bien et suscite l’émotion, au risque de faire crisser les violons.

Un cinéma tourné sur l’humain

Si beaucoup de personnages de films américains roulent des mécaniques, accumulent les millions et les conquêtes, sauvent le monde et partent vers le soleil couchant en poussant la chansonnette, un autre versant préfère se focaliser sur la réalité de ceux que le système sacrifie. Sans emplois, malades, veufs et marginaux hantent ce cinéma non pas misérabiliste mais loin de toute fantaisie hollywoodienne. 99 homes, Dallas Buyers Club, The place beyond the pines, les exemples sont nombreux et rivalisent d’ingéniosité pour montrer l’autre côté du rêve américain. Pour une réussite, il faut imaginer des milliers de laissés pour compte. Nomadland relate la vie de ceux qui vivent dans des vans et se regroupent dans des communités pour partager les repas, troquer leurs maigres biens et réchauffer leurs cœurs auprès de semblables pleins d’humanité. La leçon est belle, elle ébranle les âmes, c’est une piqûre de rappel salutaire sur la dureté de notre monde. Frances McDormand interprète une outsider qui n’hésite pas à enchainer les petits boulots pour faire rouler son véhicule miteux, réaménagé pour pouvoir l’accueillir malgré les écarts de température et avec les moyens du bord. Nomadland fait se rencontrer des individus abîmés par la vie, survivants du décès d’un proche, licenciés sans préavis au cœur de l’économie du dollar roi, la vision se veut avant tout authentique. Les survivants ne cherchent pas à s’apitoyer, ils cherchent de la compagnie et du réconfort. La caméra de Chloé Zhao le comprend bien, englobant ses personnages au centre de paysages majestueux où l’homme ne devrait plus avoir sa place, pourtant il réapprend à dompter les éléments, loin du système et de ses facilités mais aussi de ses contraintes. Comme disait Janis Joplin dans sa chanson Bobby McGee, Freedom is just another word for nothing left to lose, les protagonistes n’ont pas grand chose, un véhicule, de quoi acheter de l’essence, des idées et du tempérament. De fait, le film n’invente rien, il rend un vibrant hommage comme d’autres films auparavant. Les images sont belles, les personnages sont épais, la narration est rêche et touchante.

Ce type de film tombe cependant dans une recette déjà éprouvée, c’est du déjà vu, du déjà ressenti. Les qualités sont là mais le film n’est pas vraiment innovant, il somnole gentiment, il ronronne avec humanisme, il est de fait important, mais pour un retour au cinéma après des mois de fermeture des salles, c’est un peu grisâtre…

Synopsis: Après l’effondrement économique de la cité ouvrière du Nevada où elle vivait, Fern décide de prendre la route à bord de son van aménagé et d’adopter une vie de nomade des temps modernes, en rupture avec les standards de la société actuelle. De vrais nomades incarnent les camarades et mentors de Fern et l’accompagnent dans sa découverte des vastes étendues de l’Ouest américain.