Critique : Est-ce que l’atmosphérique a encore une place dans le cinéma en général ? La question peut paraître idiote mais elle pourrait être pertinente quand on voit les retours particulièrement clivants avec le dernier film d’Albert Serra. Il suffit de voir certaines personnes parler d’une photo de telenovela ou d’autres se plaindre d’une durée disproportionnée pour s’interroger, surtout quand on voit l’ambition de pareil long-métrage. Il est évident qu’avec ses 2h38 de film et son rythme lancinant, « Pacifiction » n’est pas pour tout le monde mais profitait beaucoup de l’expérience salle pour atteindre un point d’hypnose visuelle particulièrement soutenu. Mais quid d’un visionnage chez soi ?

Il faut bien admettre que le long-métrage fonctionne toujours autant, une fois qu’on admet une implication totale dans ses images. Ces dernières, léchées au possible, apportent un sentiment d’irréel constant, comme un de ces rêves se transformant insidieusement en cauchemar. Les interrogations paranoïaques au sein de l’intrigue se visualisent alors avec intérêt, exprimant une attente craintive particulièrement soutenue. La forte fascination du décor passe alors par un regard particulièrement arrogant, celui d’un personnage joué avec un délice égocentrique fort de la part d’un Benoît Magimel justement récompensé.

@blaqout

Dès lors, le film peut se voir comme l’aveuglement constant d’un étranger face aux inquiétudes certaines des habitants, le protagoniste ne pouvant visualiser le danger que lorsqu’il se permet d’aller derrière ses lunettes de soleil. Pourtant, les visions sont particulièrement importantes, renforcées par le rendu du Blu-Ray fourni par Blaq Out, surtout quand elles servent de bases à une œuvre si unique.

Décidément, le pouvoir de division de « Pacifiction » se confirme dans le confort de son domicile, bien aidé par cette sortie techniquement qualitative. Néanmoins, impossible de ne pas recommander de plonger entièrement dans le film tant celui-ci est d’une plastique aussi superbe que ses décors. Alors, pourquoi continuer à verbaliser ce qui explose visuellement dans un des films français les plus indispensables de ces dernières années ?

Résumé : Sur l’île de Tahiti, en Polynésie française, le Haut-Commissaire de la République De Roller, représentant de l’État Français, est un homme de calcul aux manières parfaites. Dans les réceptions officielles comme les établissements interlopes, il prend constamment le pouls d’une population locale d’où la colère peut émerger à tout moment. D’autant plus qu’une rumeur se fait insistante : on aurait aperçu un sous-marin dont la présence fantomatique annoncerait une reprise des essais nucléaires français.