Chronique : Il y a de ces propositions de cinéma que l’on ne sait pas réellement comment décrire correctement. En effet, leur particularité est telle qu’il manque parfois des mots pour permettre de verbaliser ce qui a pu passer sur l’écran. Le premier long-métrage d’Omar El Zohairy va typiquement dans cette catégorie tant on peut s’attendre à une certaine direction tonale que le metteur en scène va subtilement esquiver. Ainsi, cette transformation absurde va plutôt s’orienter vers quelque chose de visuellement singulier, notamment par ses choix de cadrage ou son rythme.

Caméra oppressée et absurdité du réel

Omar El Zohairy capte cette famille précaire avec une caméra fixe, n’hésitant pas à faire durer ses plans pour mieux créer un rapprochement avec les événements. Pourtant, cette décision amène également à un certain traitement du hors champ, nous rappelant notre propre faillibilité en tant que spectateur non omniscient. Dès lors, c’est cette question de point de vue qui nous amène aux enjeux sociaux sous-jacents à l’histoire, tirée entre réel quasi documentaire et absurde particulièrement mordant. Le travail d’équilibre ici est digne d’un funambule au vu de la façon de traiter tout du long cette base sans jamais réellement basculer alors même qu’on s’attend constamment à une forme de déséquilibre. C’est accorder peu de crédit au réalisateur égyptien qui évite le déséquilibre balourd pour mieux conserver un ton assez grinçant et un resserrement constant du décor sur notre propre être.

Dès lors, dans sa façon de filmer entre autres l’imposition constante imposée à la femme dans cette société aussi serrée que les murs de cette habitation, « Plumes » surprend et captive. Son théâtre d’absurde du réel fonctionne pour lui apporter une identité propre mais également pour s’inscrire comme proposition réflexive trouvant dans ses partis pris tonaux et visuels un véritable intérêt. Le résultat risque de ne pas laisser indifférent mais n’est-ce pas ce que l’on peut espérer quand on aborde un art aussi polarisant que le cinéma même ? En tout cas, le long-métrage nous rend très curieux de ce qu’Omar El Zohairy va pouvoir faire dans la suite de sa carrière.

Résumé : Une mère passive, dévouée corps et âme à son mari et ses enfants. Un simple tour de magie tourne mal pendant l’anniversaire de son fils de quatre ans, et c’est une avalanche de catastrophes absurdes et improbables qui s’abat sur la famille. Le magicien transforme son mari, un père autoritaire, en poule. La mère n’a d’autre choix que de sortir de sa réserve et assumer le rôle de cheffe de famille.