Les années 2000, le renouveau des super-héros au cinéma

Dans les années 90, la maison d’édition de comics Marvel frôle la faillite et les studios de cinéma s’arrachent les droits d’exploitation de ses super-héros, mais aucun film n’arrive à sortir (Burt Heikinger et Roger Corman (Paix à son âme) tournent le fameux film Les 4 Fantastiques qui n’est jamais sorti juste pour conserver le contrat d’exclusivité avec MarvelWesley Snipes tente d’adapter Black Panther avec John Singleton et la 20th Century Fox en partenariat avec Marvel Entertainment, en vain, James Cameron échoue à faire son Spider-Man avec Arnold Schwarzenegger en Docteur OctopusWes Craven planche sur un film Doctor Strange, mais le projet tombe à l’eau).

En 1998, le vent tourne et Blade, réalisé par Stephen Norrington, distribué par New Line Cinema et Metropolitan Films, sort et rapporte plus du double de son budget, aidé en partie grâce à la mode des vampires lancée avec le Dracula de Francis Ford Coppola et Buffy Contre les Vampires.

En 2000, c’est X-Men, réalisé par Bryan Singer, distribué par la 20th Century Fox, qui cartonne en rapportant près du quadruple de son budget.

Et enfin, en 2002, Columbia Pictures, qui a senti le bon filon, sort Spider-Man, réalisé par Sam Raimi, qui cartonne et déchire tout sur son passage, rapportant près du sextuple de son budget, avec 825 millions de dollars au box-office. Un exploit considérable.

Ces trois films, Spider-Man en tête, ont relancé les super-héros au cinéma, alors que les Batman de Joel SchumacherSuperman 3 et 4 et l’annulation de Superman Lives de Tim Burton les ringardisaient déjà.

Ici, c’est l’Homme-Araignée qui nous intéresse, n’est-ce pas?

Sam Raimi, à l’aise avec le grand public mais pas le premier choix

Dans les années 90, James Cameron préparait une adaptation de Spider-Man. Ça vend du rêve par cargaison, hein? Manque de bol, avoir les droits sur un super-héros, à l’époque, c’était la foire à la saucisse et les adapter en film c’était voué à l’échec. Alors que le projet n’avance pas, Cameron abandonne l’araignée pour réaliser Titanic.

Après le succès de Blade et l’acquisition des droits de Spider-Man par Sony PicturesCameron est sollicité mais il décline, désormais pris avec son projet de toute une vie, Avatar.

Les réalisateurs se succèdent pour savoir qui sera aux manettes du projet, notamment Tim Burton, qui n’est pas resté pour des raisons de divergences, et David Fincher, qui avait proposé sa propre version et écarté l’origin story, qu’il trouvait « stupide », pour une histoire plus adulte. On connaît la suite.

Si je vous parle de Sam Raimi, vous aurez forcément en tête Evil Dead, qui n’est pas tellement adapté aux marmots. Mais il a fait Darkman, qui était déjà plus accessible qu’Evil Dead!

À l’instar de Guillermo Del Toro qui s’est brillamment réapproprié HellboySam Raimi insuffle un style à Spider-Man, une magie, une alchimie, ou comme Austin Powers, son mojo! Je suppose que la présence de Bruce Campbell en commentateur de catch, Ted Raimi dans le rôle de Hoffman et l’Oldsmobile Delta 88 de 1973 jaune caca d’oie à toit blanc présente chez Sam Raimi depuis Evil Dead y est pour quelque chose.

-Comment tu t’appelles?
-Euh… Spider-Man.
-Groovy!

Sans avoir à réutiliser tous ses gimmicks visuels (Angles néerlandais, zooms et travellings extrêmement rapides, gros plans tordus, etc), on sent sa patte, on sait que c’est lui! Il les réutilisera à foison, pour le meilleur, dans Spider-Man 2, considéré comme le meilleur de la saga.

Je retiens tout particulièrement une scène depuis mon tout premier visionnage du film, j’avais 8 ans:

Cas de figure: La première rencontre entre Norman Osborn et le Bouffon Vert

Ce passage est une démonstration parfaite d’intelligence de mise en scène, porté par le talent de Willem Dafoe!

Chuis pas un bouffon fonfonfon-fon-fun-fon!

Le thème du double, Sam Raimi connaît, et les scènes de miroir, il connaît aussi, depuis Evil Dead 1 et 2. Norman Osborn entend une voix qui lui parle. Il regarde les masques avant de se tourner vers le miroir, voyant lui-même en train de lui parler avec la voix grinçante du Bouffon Vert. Le mouvement rapide de caméra vers le miroir, on passe d’un Norman effrayé au Bouffon avec son rictus. Dans la mesure où on ne voit pas de caméra ni de technicien dans le reflet, en toute logique, Willem Dafoe joue face à une doublure de dos. Ce n’est absolument pas nouveau, mais je m’émerveille tout de même! En tout cas, Dafoe, dont le talent n’est plus à prouver, incarne un parfait Bouffon Vert. Nicolas Cage a été envisagé pour le rôle, on n’a pas tellement perdu au change.

David Koepp, vrai scénariste de talent

Sam Raimi gère la fougère pour la mise en scène, et c’est en partie parce qu’il est bien avantagé par le scénario en béton de David Koepp, dont j’ai déjà eu l’occasion de faire l’éloge dans mon dossier sur le scénario et à demi-mot dans ma critique de Mission Impossible de Brian De Palma. Si j’en fais une sur L’Impasse, j’en remettrai une couche sur lui!

David Koepp, malinx le lynx, abandonne assez rapidement l’aspect teen-movie au cours du film pour un récit plus centré sur le deuil et le passage à l’âge adulte (Aspect qui sera beaucoup plus important dans le deuxième volet). D’ailleurs, Peter Parker n’est pas le seul personnage principal du film, Koepp met Norman Osborn au même niveau et l’étoffe énormément, ce qui fait du Bouffon Vert un des meilleurs méchants de films de super-héros avec le Pingouin (Danny DeVito) dans Batman Le Défi de Tim Burton, le Joker (Heath Ledger) dans The Dark Knight de Christopher Nolan, Wilson Fisk (Liv Schreiber/Thierry Hancisse) dans Spider-Man: Into the Spider-Verse, et le successeur d’Osborn, Docteur Octopus (Alfred Molina) dans Spider-Man 2.

Sans être un méchant parce que ça lui pète, le Bouffon Vert est vraiment un antagoniste redoutable et cruel, n’hésitant pas à s’en prendre à Tante May (Rosemary Harris), sacré coup bas. En outre, il est vraiment effrayant, et je pense qu’il a foutu les jetons à bon nombre d’enfants, comme dans ce passage dans l’immeuble en feu avec le Bouffon sous un foulard et faisant semblant de pleurer pour piéger Spider-Man.

Et d’ailleurs, en parlant du caractère effrayant du Bouffon Vert:

Le Bouffon Vert et son costume

Le costume du Bouffon Vert est un genre d’armure avec un casque. À la base, il était prévu que Willem Dafoe porte un masque en animatronic. Le Bouffon pouvait changer d’expression faciale, grâce à un technicien muni d’une télécommande. Le hic, c’est que le masque et le dispositif étaient lourds et pas très pratiques, malgré les tests effectués qui montraient un Bouffon Vert terrifiant. L’animatronic a été abandonné, au profit d’un costume et d’un casque.

La mort de Ben Parker, le pire traumatisme de Peter Parker

« Je n’ai pas bien compris en quoi c’était mon problème. » Quelle ironie. La mort de Ben Parker hantera Peter pendant tout le déroulement de la trilogie, mais plus que la mort, c’est la culpabilité d’avoir laissé s’échapper le responsable, Dennis Carradine (Michael Papajohn) et d’avoir envoyé bouler Ben lorsqu’il l’a déposé.

C’est dans les volets suivants que cette thématique prendra de l’ampleur.

J.K. Simmons, le seul et unique Jonah Jameson

Un seul acteur a interprété le personnage de J. Jonah Jameson, le patron foufou du Daily Bugle: J.K. Simmons, dans les deux trilogies sur Spider-Man (Le diptyque The Amazing Spider-Man ne l’a pas réintroduit). Pas la même chose que Schillinger dans la série OZ, héhé…

Il a tellement compris le personnage et fait corps avec lui qu’ils sont indissociables. On ne verrait personne d’autre l’incarner, comme Hugh Jackman avec Wolverine et Ryan Reynolds avec Deadpool.

Danny Elfman, Nickelback et Aerosmith: Combo gagnant

Film de Sam Raimi oblige (sauf exception), c’est Danny Elfman qui est à la musique. Danny Elfman, c’est non seulement un excellent chanteur et musicien (Son groupe Oingo Boingo et son album de metal Big Mess en témoignent), mais surtout un compositeur très inventif, aux partitions riches qui évoquent celles de Bernard Herrmann. Ses partitions pour les films de Tim Burton sont parmi ses meilleures, et il en a fait de très bonnes pour Sam Raimi. Leur première collaboration a été la bande originale de Darkman, suivie par la Marche des Morts pour Evil Dead 3: L’Armée des Ténèbres.

Sam Raimi et Danny Elfman

La partition de Spider-Man est peut-être une des meilleures de Mr. Elfman, le thème d’ouverture est devenu culte et reconnaissable entre mille. Mais le meilleur passage, qui fait d’ailleurs écho à un des paragraphes plus haut, c’est celui de la rencontre entre Norman Osborn et le Bouffon Vert, rien que pour les dix secondes de solo de percussions lorsque Norman regarde les masques exotiques.

Nous avons même droit à une reprise du thème de Spider-Man de 1967, déjà repris par les Ramones et par Joe Perry, mais cette fois-ci par Aerosmith, et ça colle tellement avec la coolitude de Spidey!

Steven Tyler à la première de Spider-Man

Et Chad Kroeger, le chanteur et guitariste de Nickelback, a écrit et interprété une chanson originale pour le film, Hero, une chanson qui suinte l’epicness!

Conclusion

Réalisateur renommé, scénariste talentueux, compositeur adulé, casting en or, chansons de hard rock épiques, le tout pour une icône de la pop-culture, Spider-Man de Sam Raimi s’impose comme un film majeur, un vent de fraîcheur, une bonne adaptation, quoique libre, des comics, une vraie proposition de cinéma!

Synopsis

Peter Parker (Tobey Maguire), jeune lycéen photographe, se fait mordre par une araignée génétiquement modifiée et développe de toutes nouvelles capacités physiques et sensorielles. Après l’homicide de son oncle Ben (Cliff Robertson), le jeune Peter se lance à la chasse aux criminels sous une nouvelle identité: Spider-Man.