Nanni Moretti n’est pas à l’origine du scénario de Tre Piani (3 étages), pour la première fois. Il s’agit de l’adaptation d’un roman écrit par l’écrivain israélien Eshkol Nevo. Les idées abordées dans l’ouvrage ont suffisamment bousculé le célèbre réalisateur pour lui donner envie de le mettre en image, avec les thèmes de la culpabilité, de la subjectivité de la justice ou de la responsabilité des parents vis-à-vis de leurs enfants. Le ton du film tranche avec le reste de la filmographie et rappelle curieusement le cinéma de Pedro Almodovar avec le refus de la facilité et des scènes hardies filmées sans oeillères.

Un film qui divisera

Ce sont 4 cellules familiales qui cohabitent dans les 3 étages d’un immeuble romain présenté dans le titre. Une jeune mère qui donne naissance à sa fille sans le père retenu à l’étranger pour son travail. Un couple bien affairé qui laisse souvent leur fille à un couple de retraités heureux de les aider quand ils en ont besoin. Un couple avec un juge et son épouse ayant maille à partir avec leur enfant rebelle. Les familles se connaissent, s’apprécient, mais chacune va vivre un drame qui va bousculer leur existence. A tel point que le film débute par un violent accident de voiture qui justement va faire se croiser leur route. Les certitudes sont battues en brèche tout au long du film, les remises en cause sont permanentes et le déroulé du film ressemble à un confessionnal où chacun doit mettre son cœur à nu, pour dévoiler aux spectateurs ses peurs et des obsessions. Comme chez Almodovar, il y a de l’inconfort ressenti face à des actes entrepris le plus souvent sur le coup de l’impulsion, sans vraie réflexion approfondie. Les êtres humains sont intrinsèquement faibles et fragiles, c’est ce que semblent vouloir nous dire l’auteur du livre et le réalisateur. Le film ressemble souvent à du théâtre filmé, très réaliste et très retors, aucun personnage n’est épargné par le torrent d’émotions qui s’abime sur chacun d’eux. Joies, peines, relations familiales ou sexuelles, rien n’est simple et tout concourt à créer des malaises, incessamment. Le petit immeuble bourgeois de Rome montre que personne n’est véritablement épargné par les hasards heureux ou malheureux de la vie, dans un cheminement tortueux aux implications imprévues, tant morales qu’éthiques. Chaque action a des conséquences, à gérer, par tous les membres d’une famille, d’une fratrie ou d’une communauté. Le film évoque l’héritage laissé par les parents à leurs enfants, avec de la joie mais surtout des problèmes. Le film interroge, au lieu de se recroqueviller sur soi-même, la solution n’est-elle pas de s’ouvrir à ses proches ou à sa communauté pour trouver le meilleur moyen de résoudre les conflits? Les fameux 3 étages ressemblent à 3 univers clos où les problèmes se résolvent portes fermées, comme des enfers de Dante séparés les uns des autres, avec le risque de ne jamais pouvoir en sortir, ce que la fin du film dément avec justement ces tentatives d’ouverture pour quitter l’immeuble et connaitre la vraie vie à l’extérieur. Les 3 histoires parallèles semblent composer 3 films différents, le réalisateur les a effectivement imaginées de cette manière avant de les croiser dans le récit final.

Le film a été présenté en Compétition au Festival de Cannes 2021, une fois de plus pour Nanni Moretti déjà venu présente plusieurs films dont Journal Intime, Madre et le récompensé d’une Palme d’Or en 2001,  La Chambre du fils. Le résultat est assez unique, inconfortable certes mais qui interroge sur soi-même.

Synopsis: Une série d’événements va transformer radicalement l’existence des habitants d’un immeuble romain, dévoilant leur difficulté à être parent, frère ou voisin dans un monde où les rancœurs et la peur semblent avoir eu raison du vivre ensemble. Tandis que les hommes sont prisonniers de leurs entêtements, les femmes tentent, chacune à leur manière, de raccommoder ces vies désunies et de transmettre enfin sereinement un amour que l’on aurait pu croire à jamais disparu…