Prélude: l’enchevêtrement malheureux du cinéma et de la politique
Vaincre ou mourir est la première production cinématographique du Puy du Fou, le célèbre parc d’attractions de Philippe de Villiers, par conséquent sa promotion a été malmenée par la presse mainstream, que ce soit certains médias malveillants comme Libération en première ligne, qui s’est fait un malin plaisir de coller au film la réputation d’être un film d’extrême-droite alors que le film se revendique comme étant un simple film d’époque avec reconstitution historique et action, ou même certains médias cinéphiles comme Écran Large, dont la critique (si on peut appeler ce qu’ils ont fait une critique) suinte la malhonnêteté, au point qu’ils ont considéré le film comme dangereux. De l’autre côté, pour contrecarrer le « bad buzz » (Dieu que je déteste les anglicismes) nourri par la presse, plusieurs personnalités politiques de droite comme Éric Zemmour ont encouragé le visionnage en masse du film. Toute cette montée médiatique autour du film m’a gonflé, voyant que le film a été relégué au rang d’objet politique, au détriment de son statut d’objet cinématographique, et c’est ainsi que je me suis décidé à aller voir le film, parce que je voulais voir un film, et faire abstraction de tout positionnement politique. Juste voir un film.
Le scénario et ses restrictions
Faire un film sur le génocide vendéen, c’est une super idée! Que ce soit une initiative du Puy du Fou, c’est encore mieux! Le scénario est très ambitieux, à la frontière entre Braveheart de Mel Gibson et Michael Collins de Neil Jordan, et ça, ça fait plaisir à voir!
En revanche, un scénario aussi ambitieux que celui de Vaincre ou mourir, avec seulement cinq millions d’euros de budget, c’est un pari extrêmement risqué, tellement risqué que ça peut revenir à faire beaucoup de sacrifices pour économiser (un peu comme lorsque Dan Aykroyd a écrit le scénario de SOS Fantômes au tout début des années 80, sa première version devait se dérouler dans le futur avec des voyages dimensionnels et l’Ecto-1 qui pouvait se téléporter. Ça a l’air trop classe, à première vue, mais c’était beaucoup trop cher (il aurait coûté cent millions de dollars), alors une énorme réécriture a été nécessaire par l’intermédiaire de Harold Ramis et d’Ivan Reitman, ramenant le budget à cinq millions, ce qui était un budget moyen pour un film à l’époque), et je constate que les victimes de ces restrictions budgétaires sont les batailles. Je suppose que le scénario original devait en compter plusieurs et qu’une grosse majorité a dû passer à la trappe pour qu’elles soient seulement mentionnées par Charrette, ce qui a eu pour conséquence de perturber et de malmener le rythme du film, et le rythme est très inégal, presque en dents de scie.
La mise en scène, entre docu-fiction et film
Je ne sais pas tellement sur quel pied danser par rapport à la réalisation: tantôt certaines scènes sont une véritable démonstration de savoir-faire des réalisateurs, c’est même un vrai point fort, une vision d’auteur est palpable dans la mise en scène, tantôt plusieurs scènes sont brouillonnes, surtout les scènes de bataille, qui ont été filmées comme un malpropre avec une caméra à l’épaule, la caméra bouge tout le temps, comme si le caméraman était lâché en plein milieu d’une bataille et devait se dépatouiller. Selon certaines sources, le film aurait été tourné en seulement dix-huit jours, subséquemment tourner des scènes de bataille bien chorégraphiées comme dans Le Seigneur des Anneaux aurait été tout simplement impossible avec un laps de temps pareil, de plus je pense que cette approche entrerait en contradiction avec la vision du film qui entend flirter avec le documentaire, par conséquent adopter un aspect réaliste. C’est un parti pris somme toute intéressant et même logique, ce n’est pas Christopher Nolan qui dirait le contraire, cependant tourner un film de façon réaliste ne veut pas dire tout lâcher en bloc et filmer ce qui vient (coucou la baston sur le toit dans The Dark Knight Rises de Christopher Nolan et les hommes de Bane qui se jettent en arrière), et certaines scènes de bataille sont dans ce cas de figure, c’est un peu bordélique, le caméraman a l’air de se faire bousculer, le pauvre!
Les acteurs
Hugo Becker en impose dans le rôle de Charrette, il a du charisme et il est bon acteur, malheureusement, comme beaucoup de jeunes acteurs français, il ne parle pas assez fort (et ça, c’est chiant), il donne l’impression de chuchoter son texte, en revanche, il articule, alors que nombreux sont les acteurs français entre 20 et 40 ans qui sont incapables de parler fort et d’articuler (coucou Nicolas Duvauchelle, Grégoire Leprince-Ringuet et Louis Garrel), bon sang que ça fait du bien!
J’ai envie de dire du bien de Gilles Cohen dans le rôle de Couëtus, frère d’armes de Charrette, et des autres, mais ils sont un peu trop en arrière-plan, alors à part peut-être Couëtus, j’ai du mal à m’attacher aux personnages secondaires, seul Charrette est vraiment développé, et c’est dommage, la résistance vendéenne ne se limite pas à lui, bien qu’il en eût été le fer de lance.
Les décors
Qu’elle est belle, la Vendée! Les paysages ruraux, sublimés par des plans en drones, sont superbes et ne sont pas sans rappeler les décors de Barry Lyndon de Stanley Kubrick et Les Duellistes de Ridley Scott! Nous avons également droit aux décors du Puy du Fou, ce qui est logique, cependant ça reste un peu pauvre, le manque de moyens se fait ressentir ici aussi.
Conclusion
Un scénario consistant et ambitieux sur un sujet passionnant mais fragilisé par une mise en scène timide et inégale et des moyens peu conséquents, il est difficile pour moi d’avoir un avis tranché sur Vaincre ou mourir. C’est un film qui en a sous le capot et qui a un véritable potentiel, mais qui peine à exploiter son potentiel. En même temps, la résistance vendéenne contre la République était ambitieuse et acharnée à vouloir résister malgré son infériorité et sa trop faible cohésion. Ne serait-ce pas là le génie de Vaincre ou mourir?
Synopsis
1793. Voilà trois ans que Charette, ancien officier de la Marine Royale, s’est retiré chez lui en Vendée. Dans le pays, la colère des paysans gronde : ils font appel au jeune retraité pour prendre le commandement de la rébellion. En quelques mois, le marin désoeuvré devient un chef charismatique et un fin stratège, entraînant à sa suite paysans, déserteurs, femmes, vieillards et enfants, dont il fait une armée redoutable car insaisissable. Le combat pour la liberté ne fait que commencer… (Synopsis donné par SAJE Distribution)