Alors que personne n’a oublié l’échec cuisant que fut « Dragonball Evolution », Netflix vient de sortir une adaptation américaine du manga « Death Note ». Alors, four annoncé ou agréable surprise ?
Light Turner trouve un jour un Death Note, un cahier qui tue chaque personne dont le nom est inscrit à l’intérieur. Accompagné de Mia et du dieu Ryuk, il va alors chercher à améliorer le monde en tuant les criminels. Mais le détective renommé L ne le laissera pas faire…
Le travail d’adaptation est extrêmement compliqué, surtout de nos jours où chaque fan de la source originale peut exprimer sa rage à l’annonce même d’une relecture. Hors, c’est par la réappropriation qu’une œuvre peut se transcender. Le mot réappropriation est en effet celui qui convient le mieux au film d’Adam Wingard. Il suffit de voir la manière dont il ne prend que les bases du manga ainsi que quelques noms pour essayer d’offrir quelque chose de neuf. En effet, à quoi bon faire un copier-coller de la source originale ou bien de replacer le film au Japon étant donné que cela a déjà été fait ? L’américanisation du récit était donc une idée intéressante qui méritait le coup d’œil si elle outrepassait sa valeur « mercantile » (donc, ne pas faire comme « Dragonball Evolution »). Mais plus que décaler l’intrigue dans un pays étranger, le film Netflix décale les personnalités de ses protagonistes dans un récit décalant même certains points du Teen movie purement US. Pas besoin d’aller loin sur internet pour voir que cette tournure fait beaucoup parler d’elle en mal, mais cette évolution permet une autre vision des personnages. Light gagne encore plus en nuances de par son chemin narratif, tout comme L (impeccable Keith Stanfield en instabilité émotionnel) , Mi(s)a (Eve moderne bien éloignée de la simple fan girl suiveuse) ou encore un Ryuk bien plus effrayant que drôle (en cela appuyé par des apparitions souvent dans l’ombre, sans doute autant par raison budgétaire que pour rendre le personnage plus sinistre). Les acteurs arrivent à leur donner vie correctement et permettent de rendre l’avancée du récit moins attendue qu’une simple copie sans âme du manga.
L’avancée de l’histoire est également intéressante. Vendu par Wingard comme rempli de « grossièretés (oui), de gore (un peu) et de sexe (pas du tout) », « Death Note » n’aurait pu être que transformé de manière purement commerciale et mécanique. Mais à nouveau, c’est par son aspect humain (et donc imparfait) qu’il passionne. Les zones morales sont de plus en plus grises, les questionnements pertinents (peut-être moins que le manga mais là n’est pas la question) et cet aspect plus terre à terre permet de récupérer une empathie peut-être perdue par certains en constatant les différences notoires avec la source originale. On peut déplorer certaines facilités (notamment le coup du « Watari ») et le fait qu’en une heure quarante, le film semble vouloir raconter plus qu’il ne le fait (on sent par cela quelques manques). Mais son fond et sa forme permettent un intérêt fort qu’il faudrait un peu plus creuser. Ainsi, les premières morts visibles prennent une tournure gore proche de « Destination finale » mais se font de moins en moins graphiques lorsque les protagonistes se sont habitués à écrire des noms dans le Death Note. Adam Wingard arrive à garder une mise en scène intéressante et se plie au récit de manière convaincante, jouant avec le matériel original de manière subversive, au vu des réactions attendues des gardiens du temple. Wingard préfère ainsi jouer avec les attentes (et toutes les déjouer) plutôt que de servir la soupe, tout en se permettant d’installer par instants une ambiance eighties par sa photographie ou son ambiance musicale que n’aurait pas reniée John Carpenter, sans atteindre néanmoins le niveau du Maître (il ne faut pas déconner non plus). Cela appuie quand même que Wingard sait gérer son matériel une fois qu’on lui laisse une certaine marge de manœuvre.
Imparfait, « Death Note » l’est, immanquablement. Mais il est tout autant divertissant, étonnamment drôle et assez inattendu. Alors, au lieu que de cracher dessus comme si c’était la pire adaptation jamais portée sur un écran, peut-être faudrait-il réfléchir au sens même d’adaptation et comment Wingard a pu faire quelque chose d’assez couillu en ce moment par rapport au manga original. À une époque où chacun peut donner son avis sur une œuvre avant même sa sortie et où certains hurlent au scandale au moindre changement, se permettre autant de libertés relève du suicide (tout comme défendre ledit long-métrage… je sens que je vais prendre une assurance d’ailleurs). Sachant que ses créateurs auraient apprécié le film malgré ses (NOMBREUSES !) différences, il serait en effet nécessaire de se questionner sur la manière de gérer une relecture, aussi bien au niveau de la source que la manière de ses fans de gérer ladite relecture…