La 5e note 5/5 de l’année 2018 avec 3 Billboards, La dispute, Razzia et Call me by your name est Don’t Worry He won’t get far on foot, vu deux fois de suite au cinéma. Parce que les interprétations sont fantastiques, l’histoire est touchante et le sentiment général est bluffant. L’adaptation véridique de l’histoire du dessinateur John Callahan donne à réfléchir. Abandonné par sa mère, adopté par une famille d’accueil, alcoolique à 13 ans, handicapé à 21 ans après un accident de voiture, guéri de son alcoolisme à 25 ans et devenu dessinateur, sa vie est un conte moderne à découvrir absolument pour une histoire de rédemption et de résilience. Joaquin Phoenix est éblouissant comme à l’habitude, Rooney Mara est souriante comme jamais, Jonah Hill est surprenant, le film passait dans peu de cinés mais offrait un vrai moment d’émotion comme le cinéma indépendant américain sait si bien en offrir.
Un film qui ne peut pas laisser indifférent
D’abord les risques du film. C’est un peu long parfois, il n’y a pas une once d’effets spéciaux à part un Joaquin Phoenix vissé à son siège roulant électrique mais sans trucages. Et le film est d’un réalisme total. Le film dépeint l’existence tumultueuse d’un ancien alcoolique devenu un dessinateur à succès grâce à son humour piquant voire grinçant. En dépeignant les moeurs du KKK, des minorités, des femmes ou des handicapés, John Callahan s’est fait de nombreux ennemis. Mais il s’en fiche car le dessin peut lui sauver la vie après un accident de voiture causé par son alcoolisme et cause de sa tétraplégie. Mais là où le film surprend voire fascine, c’est par son ton doux amer constamment à la limite de la faute de gout, mais sans jamais verser dans le ravin. Tout le monde en prend pour son grade et cette liberté de ton ouvre de vivifiantes lucarnes sur la réalité. Voir Jonah Hill en gourou des Alcooliques Anonymes gay chevelu et barbu surprend mais son rôle est central. Car il aide des individus à ne pas replonger, en buvant de l’eau et en suivant une voix qui a connu un succès mondial.
Un casting éblouissant
Le film fait apparaitre deux chanteuses renommées parmi le groupe AA du héros. Beth Ditto et Kim Gordon (Sonic Youth) ajoutent au réalisme du film par leurs expressions totalement non professionnelles. L’une en redneck assumée et l’autre en grande bourgeoise composent un groupe de parole disparate lié par la même addiction à l’alcool. Les échanges sont libres, mais à bâtons rompus. Le film offre une vision de la vie différente qui touche au plus profond. Car un rien suffit à changer l’existence, la preuve. Et chacun doit trouver la force pour continuer et rebondir, ici par l’entremise d’un être supérieur, quel qu’il soit. Les sourires sont aussi véritables que les larmes, l’authenticité est omniprésente et installe un silence de cathédrale dans la salle de cinéma. Peu de spectateurs dans l’assistance mais tous sont fascinés par cette biographie filmée, surtout que Joaquin Phoenix est parfait, comme toujours. En personnage roux assidu de la bouteille, au fond du gouffre et finalement déterminé à s’en sortir, il force le respect en même temps qu’il ravive le souvenir d’un dessinateur quasi inconnu dans nos contrées mais toujours renommé outre-atlantique.
Gus Van Sant ne se trompe pas en adaptant la biographie de John Callahan. Son film est autant touchant que puissant et les scènes cultes se succèdent comme des perles. La beuverie entre le héros et Jack Black, la scène de danse de Jonah Hill, les larmes de Joaquin Phoenix, le sourire de Rooney Mara, tout concourt à faire de ce film un sommet cinématographique. Je ne peux que vous le conseiller, je l’ai vu 2 fois au cinéma et au moins 5 fois au DVD… et ce n’est pas fini!