Critique : La balade dans un décor nouveau peut s’avérer aussi déstabilisante que salvatrice. On tâtonne, cherche, se laisse aller avant de trouver un certain rythme plus agréable. Il faut néanmoins laisser le temps se faire pour que les directions multiples que l’on peut prendre donnent un sens nouveau à nos pérégrinations. « Hiver à Sokcho » peut alors fonctionner comme une déambulation mais concentrée dans le regard de Soo-Ha. C’est en effet dans les yeux de l’héroïne, incarnée par Bella Kim, que se créent les moments les plus réussis du film.

Le premier long-métrage de Koya Kamura profite pleinement de son décor et de l’atmosphère qui s’en dégage pour conférer une ambiance certaine, qui happe surprenamment, telle l’arrivée du personnage de Yan Kerrand (Roschdy Zem, impeccable comme toujours). Il s’y dessine une relation où la communication se fait autre, loin du français partagé mais plus dans les intentions et les regards. La photographie d’Élodie Tahtane accentue ce sentiment, le sensitif passant avant le reste, quitte à ce qu’une certaine froideur s’installe plus durablement qu’attendu. L’inaboutissement de la relation se ressent comme un frein et empêche d’être totalement épris par le film, en dépit d’indéniables qualités visuelles qui constituent sa plus grande réussite.

Ainsi, dans le flottement de son récit et dans ses paysages bien captés, « Hiver à Sokcho » rappelle une déambulation cinématographique, de celles où se lient et délient les relations dans une quête de place et de compréhension. La sensorialité du film, renforcée par quelques images animées et séquences culinaires, accentue l’introspection qui s’y induit, le tout avec une douceur portant toute la solitude et les frustrations de ses protagonistes. Koya Kamura livre un premier long-métrage captant par le visuel une volonté d’expression émotive qui, dans ses moments les plus réussis, fonctionne joliment.

Résumé : A Sokcho, petite ville balnéaire de Corée du Sud, Soo-Ha, 23 ans, mène une vie routinière, entre ses visites à sa mère, marchande de poissons, et sa relation avec son petit ami, Jun-oh. L’arrivée d’un Français, Yan Kerrand, dans la petite pension dans laquelle Soo-Ha travaille, réveille en elle des questions sur sa propre identité et sur son père français dont elle ne sait presque rien. Tandis que l’hiver engourdit la ville, Soo-Ha et Yan Kerrand vont s’observer, se jauger, tenter de communiquer avec leurs propres moyens et tisser un lien fragile.