La chasse2La filmographie pléthorique d’Al Pacino compte quelques films immensément connus. On pense aux 5 pépites tournées entre 1970 et 1975, toutes parfaites et mythiques. Les deux Parrain, L’épouvantail, Serpico et Une après-midi de chien. De quoi faire rentrer immédiatement Al Pacino dans la légende. Et puis il y a des films qu’Al Pacino aimerait n’avoir jamais tourné. La chasse / Cruising en fait partie. Non que le film soit mauvais, mais le sujet le met très mal à l’aise, aujourd’hui encore. Cette plongée anthropologique dans le milieu gay sado masochiste new yorkais du début des années 80 est d’un réalisme bluffant, à se demander si les protagonistes sont des figurants ou des habitués… Presque rien n’est épargné au spectateur interloqué. Les ellipses n’empêchent pas l’imagination de tout parfaitement comprendre. Un film à ne pas montrer à votre petit neveu…

A New York, un meurtrier sévit dans le milieu gay. Les victimes s’accumulent et la police est accusée d’impuissance (ahah). Un policier est chargé de s’infiltrer (ohoh) pour tenter de démasquer le coupable. Steve Burns (Al Pacino) se couvre de cuir et mène l’enquête en profondeur (ihih). Il se mêle aux habitués des clubs sado masochistes de Greenwich Village et démontre des taleths insoupçonnés de danseur…

Le réalisateur de Cruising n’est autre que le multi oscarisé William Friedkin. Récompensé pour le film policier rythmé et trépidant French Connection avec Gene Hackman et Roy Scheider et L’exorciste sur une jeune fille possédée par un esprit démoniaque, le réalisateur est reconnu pour son jusque boutisme, n’hésitant devant aucune extrémité pour faire naitre une ambiance. Pour faire ressentir clairement l’ambiance des clubs gays sado masochistes, Friedkin n’y va pas par 4 chemins. Le cuir est roi, les corps se frôlent et les avant-bras sont recouverts de vaseline. Déroutant certes mais également fascinant. Le héros interprété par Al Pacino fait son boulot à fond, faisant naitre en lui la question que tout le monde se pose. Sera-t-il tellement impliqué qu’il perdra tout recul sur la situation? La scène finale est pour moi assez claire… ce regard caméra silencieux en dit long…

Forcé de garder cachée sa couverture, Steve Burns est tout seul. Il ne parle à personne de son enquête, ni à sa copine, ni à ses collègues, ni à ses amis. Son supérieur Paul Sorvino (le père Capulet dans Roméo + Juliette) est formel. Al parcourt les back rooms avec son air renfrogné pour coincer l’assassin. Si le premier tiers du film est axé spécifiquement sur cette ambiance gay, le reste du film suit surtout l’enquête. Le film n’est donc pas qu’une plongée anthropologique, c’est surtout une honnête enquête policière, un film policier assez violent et donc très réaliste.

Je me dis qu’un tel film en 1980 devait certainement être interdit aux moins de 18 ans. Même si les images sont expurgées de tout contenu spécifiquement saphique, les sous-entendus sont nombreux et l’imagination est bien suffisante pour rajouter les images manquantes. La légende raconte qu’une version non censurée circulerait… peut être serait-ce finalement assez soft à notre époque d’étalage de chaire dans les médias? Mais en 1980… je trouve Al Pacino très courageux d’avoir accepté un tel rôle à une époque moins encline qu’aujourd’hui au coming out. Parce que reconnaissons le, les scènes de clubs gays sont glauques et moites, ultra réalistes. les moustaches et les casquettes de cuir sont saisissantes de réalisme. Peu de gens connaissaient vraiment cette ambiance si particulière. Ceux qui auront connu l’époque du Queen dans les années 1990/2000 sont encore loin de l’atmosphère carnassière montrée dans Cruising

Au final, le film est surtout une curiosité, très difficile à trouver en streaming sur le net. Je ne pense pas qu’une version DVD existât… Al Pacino est surprenant en hétéro infiltré en milieu gay.  Et Friedkin fait honneur à sa légende, le réalisme est bluffant!