Un copié-collé sans intérêt doublé d’un blockbuster fade

À l’instar de presque tous les remakes lives de Disney, La Petite Sirène ne sert à rien, dans la mesure où il n’ajoute rien au film d’animation ni même au conte de Hans Christian Andersen. C’est boîteux et poussif.

Rob Marshall, faiseur en chef

Rob Marshall a, en dehors de Chicago et Mémoires d’une Geisha, un CV très peu flatteur (Pirates des Caraïbes: La Fontaine de Jouvence, Into The Woods: Promenons-nous dans les bois et Le retour de Mary Poppins), cantonné chez Disney. Sa mise en scène, lisse et bien léchée, manque cruellement d’inspiration et résulte d’un travail de tâcheron, de yes-man, de faiseur, aucune pâte artistique d’auteur ne se dégage de son travail, il se contente de remplir le cahier des charges de Disney.

Des effets spéciaux lamentables

Je ne sais pas pourquoi, mais les blockbusters estampillés Disney (Marvel compris) ont depuis quelques années des effets spéciaux de moins en moins bons. À l’exception de la Fox et de Pixar, les films et séries distribués par Disney souffrent d’images de synthèse mal finies (She-Hulk ou Ant-Man et la Guêpe: Quantumania chez Marvel, Peter Pan & Wendy ou Aladdin chez Walt Disney Pictures), et La Petite Sirène ne fait pas exception. Pourquoi avoir fait ça à ces pauvres Sébastien et Polochon… quant à la scène finale avec Ursula géante, ça fait de la peine à voir, tellement c’est bâclé.

Un casting mi-figue mi-raisin

Le seul point positif du film, je dois l’admettre, c’est Melissa McCarthy, qui semble s’amuser dans le rôle d’Ursula. Ce n’est pas au niveau de Micheline Dax, mais c’est assez correct pour le relever.

En revanche Javier Bardem est à côté de ses pompes. Il donne l’impression de ne pas avoir compris son rôle à un point tel qu’il joue de façon on-ne-peut-plus passive. Ne se dégage de Bardem rien, aucune émotion, aucune compréhension, que de la confusion. Jérémie Covillault sauve les meubles, mais c’est peu.

Ayant vu le film en VF, je ne peux pas dire grand chose quant à la performance d’Awkwafina sur Eureka (pourquoi l’avoir féminisé?!), mais celle de Dorothée Pousséo en donne une petite idée. Je n’aime pas Awkwafina en tant qu’actrice (que ce soit dans Shang-Chi ou plus récemment dans Renfield), elle ne sait pas se dépêtrer de son image de rappeuse, ce qui rend ses personnages insupportables, et Eureka ne fait pas exception, bien que ma sympathie pour Dorothée Pousséo atténue mon jugement.

Quant à Halle Bailey, il y a beaucoup à dire:

La polémique autour d’Ariel

Dès la production, Disney a annoncé avoir engagé l’interprète d’Ariel: l’actrice afro-américaine Halle Bailey. Une annonce qui a entraîné une gigantesque polémique sur Internet, les fans du film reprochant le choix d’une actrice noire. Rapidement, les défenseurs de Halle Bailey et de Disney sont montés au créneau et ont hurlé au racisme. De son côté, Rob Marshall, le tâcheron… euh, le réalisateur du film, a assuré, afin de montrer patte blanche, qu’il avait engagé la meilleure actrice pour le rôle et qu’il a lu le conte d’Andersen afin de pouvoir soigner son travail. Sachant que Rob Marshall n’a rien d’un auteur, il a très probablement, voire assurément, récité son texte qui lui a été dicté par Disney. La polémique a profité au film, lui assurant une promotion monstre.

Penchons-nous sur le pourquoi de cette polémique. Je ne vous apprends rien, elle concerne l’apparence d’Ariel et, par extension, le choix de Halle Bailey. Dans le dessin animé, Ariel est représentée avec une chevelure rousse chatoyante, les yeux bleus et la peau claire, ce qui respecte somme toute la description d’Ariel dans le conte originel d’Andersen. Voici les passages du conte en guise d’exemple:

« elle avait la peau douce et diaphane comme une feuille de rose, les yeux bleus comme un lac profond »

« ces hommes ne pensaient pas qu’une charmante petite sirène étendait au-dessous d’eux ses mains blanches vers la carène »

Voilà. Est-ce que la version Halle Bailey d’Ariel correspond à cette description?

Je vais passer outre le fait que je ne trouve pas Halle Bailey jolie, la beauté relève de la subjectivité et ne constitue pas un argument valable. Déjà, elle manque de grâce, Cerise Calixte chante faux dans la VF, et ensuite:

Bailey a la peau noire, les yeux noirs et des dreadlocks. Inutile d’aller plus loin. Rob Marshall est hypocrite, Disney est hypocrite.

Suite à cela, on est en droit de se demander si la polémique ne serait pas, finalement, légitime. Halle Bailey n’a intrinsèquement rien d’une Ariel, et Ariel ne peut pas être noire. Ce genre de déclaration me vaudra très probablement des accusations de racisme, mais quoi qu’il en soit, j’en prends mon parti, je l’assume.

Si la polémique, sur le fond, me semble légitime et justifiée, en revanche elle souffre d’un inconvénient, qui outrepasse la légitimité de la chose:

Une polémique volontaire et préméditée par Disney

Comme je le disais, la polémique sur Ariel a fait une publicité conséquente et efficace pour le film. L’acharnement contre le wokisme, aussi juste et légitime soit-il, c’est malheureusement du pain béni pour la firme aux grandes oreilles, en particulier sur les réseaux sociaux, une terre fertile pour les polémiques en tous genres. En mettant en quelque sorte le feu aux poudres, les détracteurs ont tout simplement joué le jeu de Disney, la polémique ne fait qu’accroître la visibilité de son sujet, et ces mêmes détracteurs finissent par se faire accuser de racisme. C’est rusé, astucieux, mais non moins malhonnête. Faire un choix susceptible de déboucher sur une polémique revient à ouvrir une boîte de Pandore, ce dont Disney parvient à tirer avantage.

L’abomination de la réécriture woke

Disney oblige, le wokisme ne se limite pas qu’au blackwashing d’Ariel ni à la diversité ethnique de ses sœurs (ce qui prête à penser que le roi Triton est soit un coureur de jupons, le canaillou, soit très très cocu!), parce que deux chansons ont été réécrites pour faire plaisir aux féministes, même Alan Menken en est fier (pauvre Howard Ashman): Pauvres âmes infortunées et Embrasse-la. Autant « Embrasse-la » a été épargné en VF, autant « Pauvres âmes en perdition » a été amputé d’un couplet qui devait faire trop « sexiste » alors que ce n’était pas nécessaire et que ça appuyait le caractère cynique d’Ursula!

La réécriture ne s’arrête pas là puisqu’à la fin, Ariel détourne une épave pour embrocher Ursula et la tuer et laisse le prince Éric se débrouiller seul. Dans le dessin animé, Ariel et Éric se sauvent mutuellement, ce qui renforce leur amour.

Et pour en revenir aux chansons:

L’ajout moderne pathétique

Une chanson a été rajoutée au film. Sur le principe, pourquoi pas, mais autant rester sur quelque chose de cohérent avec le film, ce que Lin-Manuel Miranda ne semble pas avoir compris, il a dû tellement repenser à sa comédie musicale Hamilton pour ajouter une chanson de rap dans le film, interprétée par Sébastien et Eureka. C’est malvenu, incohérent et hors-sujet.

Conclusion

Une cuillère à soupe de marketing dénué d’ambition cinématographique, une pincée d’effets spéciaux ratés, un soupçon de mauvais jeu d’acteur et de chant de casserole, un nuage de scénario vide, et enfin une bonne grosse louchasse de wokisme, laissez mijoter pendant deux heures et vous obtenez le remake de La Petite Sirène!

Disney s’entête à massacrer tous les films qui ont bercé notre enfance (seul Dumbo y échappe grâce au savoir-faire de Tim Burton), et La Petite Sirène est un cas d’école, avec Aladdinde ce carnage en série. C’est un bien triste constat. Céder à la facilité au détriment de l’ambition cinématographique tout en surfant sur un effet de mode, tel est le visage actuel de Disney.

Synopsis

Ariel, dernière fille du roi Triton, est fascinée par le monde des humains, dont l’accès lui est formellement interdit par son père. Alors qu’elle outrepasse cette interdiction, en montant à la surface, elle sauve le jeune prince Éric de la mort et tombe amoureuse de lui après l’avoir ramené sur la terre ferme. Désireuse de pouvoir l’approcher de plus près et le côtoyer, Ariel passe un marché avec Ursula, la sœur de Triton, qui la change en humaine, en échange de sa voix, la rendant muette.