En 2011, Terrence Malick débarque sur la Croisette avec The Tree of Life. Acclamé par la critique, le film remporte la Palme d’Or dans une unanimité quasi générale. Puis le film sort sur les écrans… et là, malentendu complet. Je m’attendais à un film puissant et émotionnel, je suis tombé sur un pensum megalo et boursouflé. Récit d’une déception XXL à la controverse persistante.
Petit retour en arrière. Terrence Malick a livré deux longs métrages légendaires dans les années 70 avant de se mettre en hibernation prolongée. La balade sauvage de 1973 et Les moissons du ciel de 1978 n’ont eu leur premier petit frère qu’en 1998 avec le faramineux La ligne rouge. Contexte guerrier avec ce récit d’une bataille meurtrière contre des japonais désespérés et résolus à se battre jusqu’au bout pendant la guerre du Pacifique. Le film place des soldats fatigués et désenchantées dans une nature luxuriante, témoin muet de la folie des hommes. Retour gagnant pour un réalisateur devenu aussi légendaire que Stanley Kubrick après une absence des écrans de 20 ans. Il avait laissé le souvenirs de mises en scènes magiques avec Martin Sheen puis Richard Gere en héros perdus dans une modernité qui les dépasse. Aspirations à la liberté et refus des contingences sociales faisaient naitre des rêves dans l’esprit de spectateurs conquis.
Le rythme des sorties était en adéquation avec le caractère reclus du réalisateur. Après 1998, Le Nouveau monde sortit en 2005. Les explorateurs arrivent dans une Amérique du Nord sauvage au début du XVIIe siècle. Colin Farrell se débat entre conditions climatiques catastrophiques et ambiance délétère chez des colons désabusés. La modernité galopante se heurte au monde vierge et préservé de locaux vivant au rythme de la nature. Boue des villages contre lumières filtrant entre les branches, les visions sont complètement antagonistes. Film enchanteresse, casting de haut vol, Colin côtoie Christian Bale et Christopher Plummer. Quelques années passent quand tombe la bombe The Tree of Life.
Annoncé comme une rêverie onirique mélangeant destin individuel et histoire du monde, The Tree of Life désarçonne jusqu’aux fans les plus hardcore de Malick. Brad Pitt et Jessica Chastain incarnent les parents aimants du petit Jack. Elevé dans un cadre idyllique, il est confronté à un père autoritaire obsédé par la réussite et une mère fatiguée. La naissance de deux frère l’oblige à partager l’amour de ses parents, jusqu’au drame… cette histoire familiale est touchante et sincère. Terrence Malick place sa caméra à hauteur d’hommes et installe une ambiance onirique. Sauf que…
Terrence Malick fait intervenir l’histoire du monde pour 30 minutes de folie mégalo. Du big bang jusqu’à l’apparition de la vie en passant par les dinosaures et leur embryon de réflexion… De quoi perdre la moitié d’une salle de cinéma pour cette parenthèse qui se ne justifie pas et transforme un ambitieux projet familial en documentaire scientifique. Moment cinématographique incompréhensible, qu’est-il passé dans la tête du réalisateur pour tenter cette expérience barrée et inopinée? Quand le moment de délire se termine, retour au monde présent avec des flashbacks entre une Jack devenu adulte et interprété par Sean Penn et son enfance. Mais le mal est fait…
The Tree of Life est un rendez-vous manqué. A la merveille redresse la barre magnifiquement dès 2012 avec ses héros perdus et victimes de leurs doutes. Amour et foi se mêlent dans un récit onirique et captivant. Ben Affleck, Olga Kurylenko et Rachel McAdams se frôlent, se serrent et se déchirent avec un luxe de magie. Puis rebelote, Terrence Malick se perd dans un Knight of Cups à la bande annonce dantesque mais au contenu stérile. Inconstant ce réalisateur? Peut être…
The Tree of Life conserve quelques admirateurs pour une masse impressionnante de contempteurs. Difficile de s’emballer pour un film si bancal et elliptique. Mélanger Brad et les dinosaures, c’est audacieux…