Alors qu’on lui reproche de tourner en rond dans sa filmographie, Tim Burton semblait se questionner dans son dernier film. Fausse réflexion ou véritable remise en question ?

Alors qu’il fait face à la mort de son grand-père, Jacob découvre un monde hors du temps où des enfants particuliers sont protégés par la mystérieuse Miss Peregrine...

Difficile de ne pas voir dans ce garçon sans capacité hors du commun Burton lui-même. L’homme a toujours été rempli de doutes et en a nourri ses films jusqu’à en modifier leur ADN. Quand il a refait Charlie et la chocolaterie, il y a inséré ses craintes de la paternité suite à la naissance de son fils et ses liens compliqués avec son propre père. La réconciliation entre Willy Wonka et son géniteur prenait alors une tournure plus intime une fois les circonstances connues. Ici, bien que l’on comprenne que l’univers du roman original a dû le captiver, il a également dû se reconnaître dans ce jeune homme désemparé par la perte de sa véritable figure paternelle. Si l’on ajoute que celui-ci était également une personne décrite comme excentrique alors qu’il lui fait voir le monde en dehors des limites imposées par des visions réalistes, on ne peut qu’imaginer le réalisateur se réapproprier à nouveau les questionnements de son héros pour les faire siens. Balancé dans un univers avec des personnages extraordinaires, le jeune homme se sent encore plus banal. Pourtant, il apprendra qu’il cache, derrière son apparente banalité, des capacités différentes avec notamment son rôle de protection des recueillis de Miss Peregrine. Il suffit ensuite de faire les liens.

Grâce à ses films, Burton a revalorisé le Freak, le personnage hors du système et à part des normes en vigueur. Encore aujourd’hui, il est un modèle pour de nombreuses personnes qui ne se sentent pas à leur place dans le monde. On peut donc légitimement l’imaginer en homme perdu qui ne cherche qu’à rappeler son amour du merveilleux et du magique en dehors de ce que l’on imaginait appréciable auparavant. Cette implication morale peut également être abordée par le prisme de sa carrière même lors de son climax. Dans une fête foraine, nos héros affrontent des créatures numériques assez quelconques avec l’aide d’une armée de squelettes. La référence à Ray Harryhausen est limpide et semble montrer que Burton tente d’éviter le spectacle trop artificiel et bruyant (cf la musique dans le lieu du combat). De quoi faire réaffirmer à l’auteur qu’il est dans un processus de création et non de production comme le déclarent ses détracteurs ? Si l’on s’attache au film dans une vision simple, on peut reconnaître la volonté romantique de Burton de montrer son amour pour ses protagonistes. La romance principale a ainsi un côté fleur bleue quasi naïf assez touchant. Le pouvoir d’Emma permet également d’amener quelques plans au lyrisme captivant, telle cette balade aquatique. C’est dans ce genre d’instants que l’on sent le réalisateur réellement captivé par son histoire, et ce en dépit apparemment de diverses modifications avec les livres d’origine.

Une nouvelle fois, Burton se réapproprie la source et la reconstruit à sa manière pour pouvoir partager sa passion de l’extraordinaire. La romance ne pouvait ainsi être que sous le signe du merveilleux au vu de sa personnalité (on se rappelle des histoires d’amour qu’il nous avait narrées auparavant). Le fait alors d’avoir choisi Florence and the Machine pour la chanson du film rentre alors dans cette logique, les deux artistes partageant un goût du bizarre et du romantisme assez prenant. On pourrait reprocher certaines notes d’humour un peu lourdes ou de ne pas avoir passé plus de temps avec d’autres de ses Enfants Particuliers, mais l’essentiel ici n’est pas là. L’important semble pour le metteur en scène de ramener en avant une forme de magie lyrique au premier degré et le charme qui s’en dégage afin de rappeler à chacun que personne n’est ordinaire et que malgré nos imperfections, il faut s’aimer et oser ne pas se conformer au moule. Peut-être aurait-il été touché lui-même qu’on lui rappelle cela quand il était plusn jeune.

Miss Peregrine est donc une ode aux Freaks avec un sens du rêve qui dénote de certaines productions au cynisme appuyé. Burton nous demande ici de rêver, d’aimer et d’être nous-même, extraordinaire pour notre aspect unique…