«Bonsoir à toutes et à tous, c’est le Nova Club jusqu’à 21 heures sur la radio NOVA, et Nova Club c’est de la musique.»
Nous sommes le mercredi 2 octobre, il est 19h et la voix de David Blot retentit partout dans les foyers, en France et un peu ailleurs dans le monde, peut-être même chez Emma Watson, ou encore chez vous. La huitième saison du Nova Club a déjà bien commencée, et elle rappelle sans doute les heures de gloire de Nova dans les années 90… déjà présentées par Mr. David Blot.
Nous avons tous une certaine pointe d’appréhension lorsqu’on rencontre une personne que l’on estime beaucoup. Entre la peur d’être déçu et celle de perdre ses moyens, tout semble insurmontable. Mais lorsque je rencontre David Blot, tout ceci s’évapore. A l’image de l’ambiance des bureaux de cette radio, le chroniqueur est accessible, curieux, ouvert d’esprit. C’est la dernière demi-heure avant le passage à l’antenne et les dernières précisions concernant le déroulement de la soirée doivent être réglées. Malgré cette course contre la montre, la star de l’émission m’accorde quelques minutes, le temps de revenir sur sa carrière et ce que représente Nova aujourd’hui.
Animateur de radio, scénariste pour la bande dessinée, organisateur de soirée légendaires, la carrière de David Blot est remplie de métiers ayant recours à des médias étonnants. Comment les choisis-tu?
Il n’y a pas de réponse type à vrai dire. Pour le cas des organisations de soirées, ce n’était vraiment pas prévu… On sortait beaucoup à l’époque, on allait dans tous les types de soirées, à la rencontre de toutes les «tribus». Paris était très différent. Il y avait beaucoup de soirées, mais les genres ne se mélangeaient pas du tout, il y avait un public house, un public hip-hop, un public rock. Nous, on allait dans plusieurs soirées différentes et, en quelques sortes, c’est un peu l’esprit Nova.
Les soirées Respect, c’était très éclectique, ce qui nous faisait peur… On se demandait si le public n’allait pas arrêter de danser lorsqu’ils entendraient un vocal et nous dire que c’était ultra commercial. L’idée était donc de faire une soirée ouverte à tous les genres, les publics mais ce n’était vraiment pas prévu!
Pour la bande dessinée, c’est une motivation plus longue et qui m’intéresse depuis plus longtemps. Déjà petit, j’ai toujours fait des bouts de scénarios mais sans savoir quelle branche je suivrais entre le cinéma, la radio, la BD. J’y suis donc arrivé à un moment ou à un autre mais c’était pas du tout dans la même optique que Nova pour le coup.
Pour la radio, c’était un support qui m’intéressait un peu plus. J’ai toqué chez Nova et ça a fonctionné et la french touch a décollé en même temps.
Justement, comment est perçue la french touch, mouvement musical français né à l’étranger, à l’étranger?
La house et la techno sont nées aux États-Unis avec des influences européennes (Moroder, Kraftwerk, l’Angleterre..). Toute l’Europe a reçu une claque avec l’électro. Mais en France, il y avait quelques médias pointus mais il y avait vraiment un décalage, la France était vraiment en retard à l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie..
La french touch, c’est notre summer of love mais avec dix ans de retard. Pendant deux années, les regards du monde entier se sont focalisés sur nous. Je pense qu’il y a une ébullition française grâce à une certaine ouverture d’esprit, on n’écoutait pas que de la techno par exemple. Puis, tout ce qui relie tous les acteurs de ce mouvement, c’est une certaine nostalgie de notre enfance, de la disco qui était mal vue en France mais qui nous, nous a bercé.
Un autre élément que j’ai pu remarquer en allant à l’étranger, c’est notre rapport à l’image. Les français avaient une immense cote pour les visuels, l’imagerie. On adorait le côté white label très techno. Mais les visuels, les pochettes ont vraiment contribué à faire exploser le mouvement. L’exemple le plus fragrant, c’est Daft Punk. On peut enfin vendre de la house, sans montrer leur visages et avec tout un imaginaire bien défini. Ils ont réussi à parler à la culture rock, sans en faire.
Le Nova Club, c’est tout de même une sorte d’institution, pour le public comme pour les artistes. Comment Nova a accompagné les scènes émergentes, comme la scène électronique par exemple?
Nova, à la base, c’était plutôt une radio new wave. Au début des années 90, des artistes qui n’intéressent encore personne comme Laurent Garnier sont déjà dans les studios. Il a sa propre émission de mix, le hip hop est joué pour la première fois en France avec Dee Nasty sur Radio 7. Surtout dans la période 1996-1997, le week-end ne diffusait que des mix avec des résidences de Cut Killer, Manu Le Malin et bien d’autres.
Évidemment, la french touch est portée par Nova, le trip hop, l’électro-clash sont aussi accompagnés par la radio, toujours avec des personnes qui maîtrisent ces nouvelles tendances.
Qui écoute radio Nova en 2019?
Alors le public est en général assez vieillissant même si le podcast nous a ramené une audience plus jeune. Savoir qui nous écoute est assez difficile. En revanche, on sait que dans les années 90, quand Radio Nova n’était pas encore en concurrence avec le mode diffus d’écoute de la musique et internet. Toutes les maisons de disques, la mode, les boîtes de publicité nous écoutaient, on était limités à Paris mais on avait vraiment une image «branché».
Autant Internet a vraiment fait du mal à la presse, autant écouter une émission radio en direct ou en podcast, c’est pas si grave. Même si on a perdu une certaine audience, les podcast nous ont permis de retrouver un public plus large, même à l’étranger!
Tu penses à un retour en masse du public vers la radio?
Peut-être pas, mais un regain d’intérêt c’est certain. Tous les jours, on entend le lancement d’une nouvelle radio ou de nouveaux podcast. Cela montre un intérêt évident pour la radio et le podcast, mais il y aura des morts. Nous, on est pas si mal placés, on a une légitimité, on est une sorte de référence.
Mais aujourd’hui, on écoute le Nova club ou David Blot? On écoute une radio ou le présentateur?
C’est vrai que le podcast a changé la donne. Je n’aurais pas la prétention de dire qu’on m’écoute moi uniquement mais il y a un peu des deux, on écoute la radio parce qu’on sait ce qu’elle diffuse mais il est certain qu’il y a une partie de l’auditoire qui écoute le digger, il y a des fidèles aux chroniqueurs dans la radio.
Tu es libre de jouer ce que tu veux dans le Nova Club ou tu as des cotas imposés?
A part le cota français, je n’ai pas de restrictions. Malgré le fait que je doive jouer des morceaux cohérents avec l’image de la radio, je suis quand même libre de faire ce que je veux, j’ai ouvert l’émission de lundi (lundi 30 septembre ndlr) avec les Guns N’ Roses. J’ai quand même la chance qu’on ne me prenne pas la tête avec ce genre de détails, même si parfois, le cota français nous efforce de choisir différemment nos morceaux.
Ensuite, on a aussi réussi à négocier les règles de cota. Le but initial de la loi était de passer 40% de morceaux français dans le but de protéger la ‘chanson française’, sauf qu’il y a eu plusieurs conséquences indésirées… comme l’explosion du rap français. Pour notre exemple, on est allé voir le CSA et on a négocié une diminution du cota français en échange d’un cota de nouveauté, plus adapté à notre ligne éditoriale axée sur l’émergence de nouveaux artistes, de nouveaux mouvements.
Fin de l’entretien.
Radiostar killed the video?
Peut-être qu’il s’agit encore d’un constat qui touche peu de monde, mais il semblerait que la radio soit bel et bien de retour dans le game. Comme cette discussion avec David Blot le démontre, il y a 30 ans, le média radiophonique s’apprêtait à vivre son âge d’or. Le cas est encore plus fragrant pour Nova, à une époque où nos connaissances musicales s’arrêtent à la culture de nos parents et ce que l’on peut apercevoir grâce aux médias traditionnels (télévision, radio, presse écrite sur papier), cette radio a clairement fait la différence. L’écoute n’était pas passive comme peut l’être l’auditeur aujourd’hui, c’était une source d’information, que ce soit pour connaître les bonnes adresses ou ce qui se fait à l’étranger (la distribution étant rudimentaire, les nouveautés arrivant dans quelques points de vente parisiens et par dizaines tout au plus).
Mais comme tout Icare ne faisant que s’élever, il faut bien redescendre. L’arrivée d’Internet. Cette révolution a changé fondamentalement le rapport du spectateur à l’image, la culture, l’information. La presse a dû trouver une sorte de transition, parvenant tant bien que mal à trouver une nouvelle rémunération. La radio a perdu l’importance qu’elle avait réussi à se donner. Youtube, Spotify, le téléchargement illégal, tout s’écoute plus vite, plus facilement, la distance ne devient qu’un chiffre obsolète face à la rapidité de Google. La culture de toute une génération se forge différemment, les blogs, Wikipédia et le streaming en sont les principaux moteurs. Une révolution s’opère et personne ne sait qui en sortira vivant.
Après la pluie, le beau temps. La révolution rentre dans les mœurs, tout le monde s’adapte à de nouvelles habitudes et il se pourrait bien que la radio s’y fasse une place de choix pour la seconde fois.
L’authenticité face à la quantité
Contrairement à tout programme disponible sur internet illégalement, la radio est gratuite par principe. L’adaptation à Internet a permis aux groupes de gagner les oreilles d’un nouvel auditoire grâce à plusieurs points.
Les réseaux sociaux y ont joué sans doute mais pas autant que le podcast. Ce format est accessible à tous depuis des applications gratuites, s’écoute hors ligne et se consomme à la vitesse qu’on le souhaite, il ne faut pas l’écouter en entier pour comprendre l’enjeu comme cela pourrait l’être avec la presse écrite.
Ajoutons à ce constat la sacralisation du digger en la personne d’un David Blot, du chroniqueur de radio. Ce phénomène apparu grâce à l’accessibilité de la culture avec internet a poussé les plus curieux à creuser dans les profondeurs d’internet pour retrouver les pépites cachées d’antan. Tout un engouement s’est formé autour de ce chercheur hors norme, capable de citer un bijoux de house japonaise de 1992 et apprécier particulièrement du rap russe de la période URSS. Cette situation en deviendrait presque paradoxale lorsqu’on voit que des diggers reconnus passent le terrible Fruit de la passion, et passent pour des maîtres absolus auprès du public…
Une course contre la montre et la machine
Ce retour en force de la radio semble tout de même bien différent du retour de hype du vinyle, devenu très vendeur pour la beauté de l’objet et de l’imagerie. Pour le cas de la radio, c’est bien plus singulier, il y a comme un renouement avec l’humain qui se joue.
Lorsque j’écoute le Nova Club, j’écoute Nova à qui je fais confiance et David Blot parce que j’aime la pertinence de ses propos, la qualité de sa sélection et l’anecdote qui entoure chaque titre. Le temps est devenu la marchandise la plus chère du marché, une publicité se paye à la seconde près (135 000 euros la seconde au Super Bowl). Entre faire confiance à l’algorithme YouTube, le plus perfectionné Spotify, ou David Blot, il y a une différence radicale. L’intention n’est pas la même, l’algorithme en veut à notre argent, au temps que l’on passe sur le service. Même si David Blot, comme vous et moi, doit bien manger le midi, il a la capacité de nous sortir de notre zone de confort, de jouer ce à quoi on ne s’attend pas et ne pas nous faire tomber dans une boucle infinie à base de nouveauté qui nous plaira sans que l’on se pose de question.
Il devient facile de créer une radio, un podcast, une émission hebdomadaire. Il devient facile d’être légitimement écouté par un large auditoire grâce à la culture qu’on a englobé grâce à Internet. Il devient facile d’avoir de la visibilité sur les réseaux sociaux. En quelques sortes, le plus difficile est toujours ce qu’il reste à faire; conserver son audience, faire de son émission une habitude quotidienne et cela, pendant plusieurs années.